Depuis l’été dernier, le duo américain enchaîne inlassablement les concerts avec dans ses bagages deux nouveaux albums à défendre, les presque jumeaux “Depression Cherry” et “Thank Your Lucky Stars”, sortis à deux mois d’intervalle en 2015. En mini-tournée des festivals européens ce mois-ci, le groupe en a profité pour faire un détour par la France comptant pas moins de cinq dates. Déjà présent lors de leur performance à Nîmes, RockUrLife a retrouvé les musiciens à Paris dans la belle salle du IXème arrondissement.
Avant de s’envoler pour la planète Beach House, SKYLER SKJELSET, bassiste live de ces derniers et également guitariste des Fleet Foxes, est là pour ouvrir la soirée. En l’absence d’information sur l’identité de cette première partie, beaucoup se demandent qui est l’homme assis derrière son attirail de synthétiseurs et d’accessoires électroniques. Les interrogations se multiplieront au cours de la performance, et pour cause : le lien musical entre les deux artistes du soir est difficile voire impossible à établir. Pendant vingt-cinq minutes, le musicien s’embarque dans des expérimentations sonores d’ambiance relevant du genre du drone, où aucune mélodie et à peine un rythme sont perceptibles. On entend tout juste la voix de Skjelset lorsque celui-ci lève la tête vers son micro. Le soulagement est donc général lorsque le silence revient.
Un silence de courte durée puisque l’étonnement de l’auditoire cède rapidement la place à la rumeur des conversations. Le Casino De Paris affiche complet et l’impatience des fans est palpable. La dernière fois que BEACH HOUSE est passé par la capitale n’est pas si lointaine, mais le cadre d’un festival aussi gros que le Pitchfork à la Grande Halle De La Villette ne convenait pas exactement à l’ambiance si spécialement intimiste qui se dégage d’un concert du duo. Le public est donc déjà acquis à 20h15 précises, quand Victoria Legrand et Alex Scally font leur apparition sur scène. Soutenue par deux autres musiciens à la basse et à la batterie, la formation lance la machine à rêves avec l’envoûtante “Levitation”, et il suffit que Victoria répète avec sa voix profonde et apaisante qu’elle veut nous emmener quelque part pour qu’on se laisse emporter par le flux musical sans se poser de questions.
On est souvent tenté de fermer les yeux pour profiter au maximum de l’intensité qui se dégage de chaque morceau, mais ce serait se priver d’une immersion totale dans l’univers du groupe. La scène est un véritable écrin où des motifs lumineux aux formes étoilées se répercutent contre les draps blancs disposés dans le fond du plateau. L’obscurité alterne avec un éclairage aux teintes bleutées et violacées, rendant l’atmosphère plus onirique encore. Le jeu de lumières se révèle même indispensable lors des parties les plus saisissantes des compositions, ainsi du break de “Wishes” ou de la fin puissante de “PPP”. Côté setlist, les plus récents des six albums sont à l’honneur ce soir, au regret des fans de la première heure qui peuvent néanmoins se replonger dans leurs souvenirs avec “Master Of None”. Si le concert est statique et homogène à l’image de la discographie des Américains, la magie opère bel et bien. Sur scène comme en studio, tout se joue dans le cortège d’émotions transmis au public par un combo qui vit le moment aussi intensément que ses fans. Cela est particulièrement manifeste lorsque le duo occupe seul la scène pour une interprétation de “Rough Song” où l’osmose entre le guitariste et la chanteuse est à son comble.
Les termes relatifs à la nuit et à la légèreté sont inévitables lorsque l’on tente de caractériser les shows de Beach House. Il faut dire que de la mise en scène à la musique, tout dans la performance s’y rattache de manière plus ou moins directe, entre des musiciens entièrement vêtus de noir qu’on a souvent du mal à distinguer dans la pénombre et des morceaux qui nous envoient l’un après l’autre dans un lieu inconnu où la loi de la gravitation n’est plus qu’un lointain souvenir. A peine troublée par les rares prises de parole de Legrand qui remercie dans sa langue natale l’assemblée parisienne, la sensation d’avoir atteint un espace-temps inédit est complète lorsque BH fait son rappel avec le dernier morceau de “Depression Cherry”. La stellaire “Days Of Candy” apporte la conclusion idéale à une performance en tout point subjuguante.
1h30 tout pile, c’est le temps qu’aura duré ce set magnétique hors du temps. Les yeux et les oreilles remplis d’une douce nostalgie, on quitte la salle en espérant que le prochain passage des Américains en France ne se fera pas trop attendre.
Setlist :
Levitation
Walk In The Park
Other People
PPP
All Your Yeahs
10 Mile Stereo
Rough Song
Space Song
Wishes
Beyond Love
Master Of None
Take Care
Elegy To The Void
Myth
Sparks
Days Of Candy