L’affiche 100% écossaise semble nous ramener cinq ans plus tôt. Le Bataclan accueillait déjà Biffy Clyro et leurs compatriotes The Xcerts. Mais ce soir, pas de trace de moshpit enragé, de guitares hurlantes ou de torses dégoulinants. C’est son “MTV Unplugged” que la bande de Simon Neil est venue présenter, dans une atmosphère féérique très différente du chaos habituel.
Les natifs d’Aberdeen THE XCERTS se faufilent donc en premier parmi la végétation décorant la scène. Pour sa tournée “Unplugged”, Biffy Clyro voit les choses en grand et voyage avec une scénographie similaire à celle du concert filmé pour MTV. Végétaux jonchant le sol, lierre et compositions florales s’enroulant autour des instruments et des éléments de décor, guirlandes lumineuses diffusant un éclairage chaleureux, tout ça sous les branches d’un arbre tortueux trônant au fond de la scène. Dans ce cadre intimiste et idyllique, pas question de faire rugir des guitares. Pour son court set, The Xcerts fait donc également passer son pop rock par la case acoustique. Et si la voix de Murray Macleod est toujours aussi appréciable, les morceaux, presque tous extraits du trop poli “Hold On To Your Heart”, perdent en intensité sous cette formule, rendant le set assez insipide. Pas désagréable, mais pas vraiment marquant non plus.
Habitués à exposer leurs peaux nues recouvertes de tatouages, les membres de BIFFY CLYRO ont changé de dress code pour l’événement. Pour les trois Écossais et leurs deux musiciens additionnels, c’est veste de costume et chemise de rigueur. Loin des mouvements de foule et lancements incendiaires de ses concerts classiques, la bande entame tout en douceur avec “The Captain”. Immédiatement, le public endosse son rôle de chorale pour la nuit. Aussi bien sur les récentes “Biblical”, “Re-Arrange” ou “Black Chandelier” que sur la plus ancienne “Saturday Superhouse”, la foule accompagne Simon Neil au chant. Quand nous les avions croisés à la sortie du “MTV Unplugged“, le groupe nous avait confié vouloir célébrer cette communion avec ses fans et c’est flagrant. Le cadre élégant et la générosité du trio instaurent une ambiance intimiste, douce et presque révérencieuse, seulement parfois rompue par des fans anglais ne pouvant s’empêcher de scander des “Mon the biff” tonitruants.
Ambiances, énergies et dynamiques ne cessent de changer, influant constamment un nouveau souffle au concert. “Drop It”, son harmonica et ses accents de chant de matelots et la nouvelle “Different Kind Of Love”, qui sonne déjà comme un classique, résonnent comme de chaleureux hymnes fraternels alors que “As Dust Dances”, sur laquelle une violoncelliste se joint au groupe, instaure une toile mystique, soulignée par des éclairages verts. La surprise la plus inattendue reste ce nouveau morceau, “Adored”, extrait de la B.O. du film “Balance Not Symmetry” signée par Biffy. Seul sur scène avec le pianiste Richard Ingram, sans guitare, les mains dans les poches et la chemise entrouverte, le frontman prend des airs de crooner. Mais ce sublime piano-voix met surtout en valeur ses talents d’écriture et de composition et sa fragilité, un peu dans la veine de ZZC, son projet solo.
La formation prend soin d’occuper l’espace. Pour la toujours sublime “Folding Stars”, seuls Simon Neil et Ben Johnston restent sur le devant de la scène. Le chanteur offre quelques très jolies versions dépouillées (“Mountains”, “Medicine”) seul à la guitare ou rejoint en fin de morceau par les jumeaux Johnston, s’occupant des choeurs, chacun posté à une extrémité de la scène (“Friends And Enemies”). Car si cette soirée a pour but de célébrer la relation entre Biffy Clyro et son public, elle honore aussi le lien unissant les trois musiciens depuis plus de vingt ans. Resserrée sur le devant de la scène, le groupe délivre une version particulièrement touchante de “Machines”, sublimée par les choeurs de l’assemblée. On passe de l’émotion à l’euphorie avec “Bubbles” qui, même sans électricité, donne terriblement envie de sauter. Certains ne s’en prive pas. Communion toujours, l’incontournable “God & Satan”, puis “Many Of Horror”, messe finale, viennent clôturer 1h30 d’harmonie, couronnée par un “We are Biffy Fucking Clyro” scandé par l’auditoire.
Plutôt habitué à laisser une pagaille monstre sur son passage avec son rock dévastateur, Biffy Clyro a offert au Bataclan un moment sincère et émouvant en valorisant une facette différente : sa douceur et fragilité. Scénographie somptueuse, morceaux inattendus, arrangements réussis, dynamique efficace et complicité, la bande réussit haut la main la mise en scène de son “MTV Unplugged”. Un moment unique, probablement pas près de se reproduire puisque c’est en promettant de revenir avec du “heavy metal hail Satan” que le groupe a quitté la scène. D’autant plus savoureux !
Setlist :
The Captain
Biblical
Saturday Superhouse
Re-Arrange
Drop It
Black Chandelier
As Dust Dances
Folding Stars
Different People
Different Kind Of Love
The Rain
Mountains
Adored
Opposite
Justboy
Medicine
Small Wishes
Bubbles
Machines
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Friends And Enemies
God & Satan
Many Of Horror