Aucune nouvelle durant huit ans puis, sortis de nulle part, deux concerts parisiens à quatre mois d’intervalle. Il est impossible de savoir ce que l’avenir nous réserve quand il s’agit de Brand New. Le groupe américain cultive son mythe ou tente simplement d’exister le plus simplement possible au milieu d’une scène en pleine mutation. Toujours est-il qu’après le concert extrêmement intense et sauvage du mois de mai, c’est dans une salle deux fois plus grande, La Machine Du Moulin Rouge, que Brand New revient pour réveiller les nostalgiques, attiser les optimistes ou tout simplement donner du plaisir aux fans. Car ce soir, nous sommes un peu tout ça à la fois.
Exit Basement, tombés en panne de van en Allemagne, la soirée se retrouve orpheline de première partie. Ainsi, le public a le temps de prendre la température d’une salle pourtant peu habituée à recevoir des concerts du genre, mais si bien faite qu’on finit par se poser la question pourquoi on n’y est pas plus souvent convié. Ah, peut-être parce que la musique alternative attire rarement huit cent personnes à Paris ! Toujours est-il que la scène à découvert de Brand New ne laisse présager extravagance de mise en scène, rien de bien étonnant pour un groupe plutôt habitué à la sobriété.
Il est 21h25 lorsque les lumières s’éteignent et que Jesse Lacey, suivi des autres musiciens, entrent sur scène puis, dans un larsen lancent un “Sink” incendiaire. “Gasoline” ne fera qu’aggraver l’incendie et l’on constate qu’il est compliqué de faire meilleure entrée en scène que ces deux titres issus de “Daisy”, dernier album de la formation en date. La formation est toujours investie dans sa musique et l’interaction entre Jesse et Vinnie trahit une complicité humaine et musicale proche de la fusion. Le côté torturé de Lacey se mariant à merveille à l’aura quasi-mystique d’Accardi. Et lorsqu’il s’agit d’entonner avec une intensité rare le refrain de “The Archers Bows Have Broken”, c’est un groupe à l’unisson qui irradie une salle déjà conquise.
“Hello Paris, it’s so good to be here, we are Brand New” et l’intro bondissante de “Sic Transit”… est accompagnée par l’arrivée d’un rétro-projecteur en fond de scène, projetant des images à la fois du groupe sur scène, et d’autres plus abstraites comme des paysages, des routes ou des animaux. “Déjà Entendu” recueille beaucoup de suffrages ce soir. Les “die young and save yourself” n’ont jamais autant raisonné dans la capitale et les paroles si sarcastiques de “Okay I Believe You, But My Tommy Gun Don’t” sont, elles, reprises par l’ensemble d’une fosse qui tente de faire se réveiller la majeure partie d’une assemblée plutôt contemplative. Cependant, si l’audience ne se remue que très peu (ne vous offusquez pas le groupe de vingt personnes au premier rang qui a passé son concert à pogoter, on ne vous oublie pas), les lignes de chant de Jesse sont souvent très bien soutenues par la foule. Un schéma qui se vérifie sur “Mixtape” et sur l’incroyable “Degausser” sur laquelle Jesse et Vinnie s’égosillent au possible.
C’est à ce moment que Brand New décide de s’attaquer au masterpiece. “The Devil And God Are Raging Inside Me” recueille la plupart des suffrages. Si “Degausser” est extrêmement frontale avec les nombreux breaks de Brian à la batterie, “Limousine (MS Rebridge)” est amené tout en progression, tout en douceur puis en rage maîtrisée, puis en déchainement total de décibels. Une longue descente vers une torpeur entretenue sur “Jesus”, puis sur la moitié de “Luca” qui explose en vol sur la fin ahurissante de la neuvième piste du troisième essai des New-Yorkais. Souvent peu enclin à communiquer, Jesse semble d’humeur joviale ce soir (alcoolisé ?) et après avoir regretté l’absence de Basement, le chanteur guitariste se lance dans un petit discours sur ce statut de membre d’un combo reconnu, un statut qu’il n’a jamais vraiment voulu et qu’il apprécie, car il est en compagnie de ses meilleurs amis, mais un statut que chaque personne présentes ce soir lui renvoie. Sentiment aigre doux dans la salle, mais applaudissements très généreux lorsque l’on apprend la présence à Paris de sa femme, enceinte de six mois de leur premier enfant. Merde, Jesse Lacey serait-il un homme normal et potentiellement heureux ?
Rappel, toussa toussa, et enfin “Play Crack The Sky” ! God dammit, la chanson que tout le monde attend depuis des mois. Inscrite sur toutes les setlists, mais jamais jouée (souvent remplacée par un “Socco Amaretto Lime” bien plus réjouissant en live), ce morceau, qui a fait chavirer tant de coeur au milieu des années 2000, sera magnifiquement interprétée par Lacey, accompagné par Accardi sur la seconde moitié du titre. Mais fini de rire, “Mene” remet les pendules à l’heure et résume en deux minutes trente ce qu’est vraiment Brand New : une mélodie imparable, une rage constamment présente en sous texte et des expérimentations très souvent pertinentes. Le tout débouchant sur un “You Won’t Know” qui n’est jamais descendu aussi bas.
Non de dieu, que ces trois chansons furent parfaites pour clôturer un set peut-être moins intense qu’en mai, mais bien plus émotionnel. Et les deux fonctionnent. Qu’est ce qui ne fonctionne pas avec Brand New, de toute façon ?
Setlist :
Sink
Gasoline
Millstone
The Archers Bows Have Broken
Sic Transit Gloria… Glory Fades
I Will Play My Game Beneath The Spin Light
Okay I Believe You, But My Tommy Gun Don’t
Mix Tape
Degausser
Limousine (MS Rebridge)
Jesus
Luca
At The Bottom
Sowing Season
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Play Crack The Sky
Mene
You Won’t Know