Passés du statut d’outsiders de la scène alternative à la reconnaissance de 2 Grammy Awards, Cage The Elephant achève une tournée européenne triomphante visant à promouvoir son album Neon Pill (2024). Imprégné des stigmates de la zone de turbulence traversée par son leader, nous étions curieux de voir la transcription scénique de ce disque lors de cette soirée au Zénith de Paris.
Girl Tones
Visiblement soucieux de mettre en lumière d’autres artistes, les boys du Kentucky donnent ce soir l’opportunité aux GIRL TONES de se présenter au public français. Ce duo a la particularité de compter deux sœurs en son sein : Kenzie à la guitare et Laila à la batterie. Une situation qui n’est pas sans rappeler à l’audience une certaine fratrie Schultz… La formation se démène sur scène, assénant ses morceaux simplistes mais rythmés par une touche punk façon The Kills. Leur énergie brute et leur complicité évidente insufflent une dynamique percutante à ce set. Ce dernier passe à toute vitesse, et justifie pourquoi Brad Schultz a produit leur premier single “Fade Away”. Une prestation concise mais efficace.
Sunflower bean
A peine le temps de souffler qu’il est déjà temps de faire connaissance avec SUNFLOWER BEAN. Un nom atypique dont la musique nous renvoie au rock psyché très 70’s. Le trio est emmené par Julia Cumming, chanteuse bassiste dont la voix éthérée apporte un joli contrepoint à leur son psychédélique. Pourtant, une fois n’est pas coutume, c’est le guitariste qui capte une bonne partie de la lumière. Au sens littéral, puisque des faisceaux lumineux subliment ses solos endiablés.
Naturellement, une prestation de ce type porte plus à apprécier la technique plutôt qu’à s’ambiancer. Qu’à cela ne tienne, les Americains rompent la monotonie par un titre soudainement plus direct (“Angelica”). Ce morceau exploite avec succès l’alchimie vocale des deux membres, qui apportent un versant plus punchy à la prestation. On bascule presque dans un rock Royal Blood-esque avec “Shake”, qui voit les protagonistes terminer allongés par terre dans un moment très rock n’roll. Pour leur dernière date de la tournée, les natifs de New York peuvent regagner la Grosse Pomme avec la banane.
Cage The Elephant
Impossible de se frayer un chemin dans la fosse, le parterre est archi-comble depuis les premiers actes. Il faut dire que la réputation de CAGE THE ELEPHANT a largement traversé les frontières, son statut d’outsider ayant été confirmé par ses passages mémorables à Rock En Seine. Pourtant, contre toute attente, l’énergie de ce début de set est assez mesurée. Les moshpits d’hier sont aujourd’hui remplacés par des déhanchés plus contenus. Ainsi, “Broken Boy” ne provoque pas les pogos qu’on aurait pu attendre d’un morceau aussi explosif. Néanmoins, c’est une autre forme de déhanché qui s’installe sur son successeur “Cry Baby Cry”. Un rapide coup d’œil aux gradins suffit pour constater la montée en puissance d’une énergie moins exubérante mais tout aussi contagieuse.
D’abord timides, les spectateurs se lèvent un à un, progressivement entraînés par les irrésistibles “spiders in my head, spiders in my mind“ de “Spiderhead”. Puis c’est vocalement que la salle s’embrase sur “Too Late To Say Goodbye”, suivi d’un “Cold Cold Cold” qui (ironiquement) achève de chauffer le public. Il est extrêmement rare d’assister au spectacle d’une salle debout aussi tôt dans le set. Mais il faut dire que chacun de leurs six albums studio suscite une réponse tout aussi enthousiaste. Bien que peu représentées ce soir, on sent ainsi que les nouvelles chansons ne mettront pas longtemps à se faire adopter. “Rainbow” en est le parfait exemple : son rythme chaloupé, accompagné de néons aux couleurs de l’arc-en-ciel, s’intègre naturellement à la setlist.
Un concert smooth et maitrisé
On assiste à un show qui gagne en groove ce qu’il a perdu en folie. N’attendez pas ce soir de voir Matt Shulz torse nu courir comme un beau diable. Le frontman a abandonné ses allures de Mick Jagger pour une attitude plus sage. Très (trop) peu de prises de parole au menu, mais des tubes, des tubes et encore des tubes. L’album Social Cues (2019) s’avère ainsi particulièrement efficace en live, à l’exception de son pourtant excellent morceau-titre, dont l’arrangement sonnait étrangement ce soir.
À défaut de grands discours, la formation préfère les transitions soyeuses, parmi lesquelles l’apaisante “Trouble” (et ses fameux “wouhou” repris en chœur) se fondant parfaitement avec “Ain’t No Rest For The Wicked”. Et que dire de l’enchainement fiévreux “House Of Glass” / “Sabertooth Tiger”, qui donne l’opportunité à Matt de sortir de sa boîte pour un moment cathartique. Le lightshow rouge sang apporte une dimension dramatique à cette tension, poussant le guitariste Brad Schultz à briser son instrument pour conclure le premier acte dans un fracas mémorable.
Setlist Daydreams
Le rappel débute par un clapping magistral, annonçant une surprise inattendue : une reprise de “La Vie En Rose” d’Édith Piaf, jouée dans une distorsion crasseuse mais immédiatement reconnaissable. Ce clin d’œil au passé précède un final dédié aux classiques des débuts. “Back Against The Wall” et “Shake Me Down” ouvrent le bal des souvenirs, avant un enchaînement d’une intensité rare : “Cigarette Daydreams” et enfin “Come A Little Closer”, qui porte l’émotion et les décibels à leur paroxysme.
Ce concert était attendu et il a tenu toutes ses promesses. Si un peu plus d’interaction aurait ajouté davantage de chaleur, la performance de Cage The Elephant demeure un sans-faute. Vingt-deux morceaux impeccablement exécutés, un set parfaitement équilibré et, cerise sur le gâteau, le retour en grâce de “Telescope”. Que demander de plus, sinon un nouveau rendez-vous avec ces piliers du rock indé des années 2010 ?
