Véritable phénomène mondial, Cigarettes After Sex n’a cessé de gravir les échelons depuis son premier concert dans la petite salle de l’Espace B, il y a seulement deux ans. Un premier album remarqué et quelques concerts parisiens plus tard et voilà que Greg Gonzales et sa bande s’apprêtent à jouer deux soirs de suite à guichets fermés dans le beau théâtre du Trianon.
19h. La rue Steinkerque qui fait l’angle avec le boulevard Rochechouart où se situe la salle sont déjà noires de monde. Des personnes en panique arrêtent chaque nouvel arrivant pour savoir s’il n’aurait pas une place supplémentaire à vendre. Parler d’engouement est un euphémisme, les précieux sésames se sont volatilisés il y a maintenant quatre mois.
Après un DJ set de vingt minutes ignoré par 95% du public, le quatuor texan CIGARETTES AFTER SEX fait son entrée sur scène sous un lightshow en noir et blanc qui donnera le ton pour l’ensemble du set. C’est donc sans bavardage inutile et tout en sobriété que Cigarettes After Sex entame le concert par “Young And Dumb”, clôture de l’album éponyme. La voix cristalline du chanteur rassure d’emblée tout le monde : ses aigus et son timbre efféminé ne relèvent pas du mythe mais existent réellement.
Tout comme son esthétique sobre et maîtrisée, le groupe ne se permet aucun excentricité et joue les titres tels qu’on les connaît sur le disque ou sur les EP. L’ambiance, cotonneuse et vaporeuse, plonge une partie de l’assemblée dans une contemplation poétique et délicate où rien ne semble réel, pas même la guitare de Greg Gonzales dont les notes semblent résonner comme des nappes de clavier. Tous les regards convergent vers l’homme, qui en plus d’être le géniteur des chansons, est aussi celui qui délivre les principaux ingrédients du concert. La basse, plus présente que sur album, bourdonne et ajoute une dimension sexuelle à la musique déjà sensuelle des Américains.
Ceci étant dit, quelques chansons passent et les Américains souffrent assez rapidement de leur marque de fabrique, à savoir les tempos lents. Ajoutez à cela, un jeu de lumière fade et le côté statique de la formation et l’audience a rapidement l’impression que CAS récite son CD sans ajouter grand chose. Si la récitation est bonne, force est de constater que le set flirte vite avec le monotone. La taille de la salle n’aide pas non plus à rendre le moment aussi intimiste qu’il pourrait l’être pour ce genre de musique.
Il faudra attendre la fin du set pour se voir gratifier de deux petites surprises : une boule à disco qui s’allume et vaporise l’auditoire de jets lumineux sur la très solaire “Apocalypse” et des lights qui éclairent pleinement le quartette après le rappel sur une version allongée de “Dreaming Of You”. Cigarettes After Sex sauve les meubles et éclate la bulle de l’ennui avec ces deux morceaux.
Quatorze titres pour un peu plus d’une heure de jeu, difficile de demander plus aux Texans qui ont joué la quasi totalité de leur discographie, tout en essuyant l’amère déception de ceux qui ont assisté aux premiers concerts, de moitié plus courts. Seulement l’adage “plus c’est long, plus c’est bon” ne se vérifie pas pour autant ce soir puisque aussi contemplative et aérienne qu’elle soit, la musique si spéciale et intime de Cigarettes After Sex a dû mal à rentrer dans les cadres traditionnels du live. Mais peut-on vraiment lui en vouloir d’être si fidèle ?
Au final, la musique de Cigarettes After Sex est certainement comparable à un très bon whisky : elle ne s’apprécie pas avec n’importe qui, ni n’importe comment mais impose un environnement et une méthode de consommation spécifique qui permettront au bénéficiaire d’en tirer tous les arômes.
Setlist :
Young & Dumb
Each Time You Fall In Love
Truly
John Wayne
Affection
Flash
Sunsetz
K.
Opera House
Sweet
Keep On Loving You
Nothing’s Gonna Hurt You Baby
Apocalypse
—-
Affection