Jusqu’où ira le phénomène Cigarettes After Sex ? Espace B, Trianon, Olympia : c’est maintenant au Zénith que Greg Gonzalez et ses compères s’apprêtent à répandre leur dream pop en noir et blanc. RockUrLife a eu le privilège d’assister à ce nouveau cap scénique franchi par les Texans. On vous raconte tout en noir et blanc.
What’s up Cigs?
Il fait nuit, il fait froid aux abords de La Villette. Un bon shot de pop planante ne serait pas de refus pour réchauffer le corps et l’esprit. Une marée humaine s’impatiente de la sortie de métro jusqu’à la mythique salle, confirmant l’engouement sans précédent pour Cigarettes After Sex. La date parisienne ne diffère pas des autres concerts de cette tournée européenne : tout est complet depuis des mois. Et au talent s’il vous plaît, car hormis une poignée de singles discrètement mis en ligne pour rappeler son existence, la formation n’a pas sorti d’albums ou joué en France depuis quatre ans. Quatre ans à orchestrer ce dilemme : se faire discret sans totalement disparaître du paysage musical.
Un son au poil
20h30. Le DJ set initialement prévu ne semble jamais arriver mais des images en noir et blanc investissent l’écran derrière la scène. Des gros plans de visages défilent, tentative peu convaincante de rendre hommage au vieux cinéma. Un choix pas si étonnant quand on sait que Greg Gonzalez a été gérant d’un cinéma pendant deux ans.
À 21h10, les images laissent place à l’obscurité. Une ombre se rapproche et ouvre une bière proche du micro. “Pschitt !“. Les trois membres de CIGARETTES AFTER SEX arrivent sous l’habituel lightshow en noir et blanc avec le single “Crush”. Dès les premières notes, nos oreilles sont rassurées : le son est parfait. La voix de Gonzalez, aussi claire que pure, résonne comme une douce complainte qui se mêle aux arpèges de coton que délivre sa guitare. Seule différence avec le disque : la basse, plus présente, ajoute du relief et donne plus de corps aux titres.
Une prestation au millimètre
Mais cette belle sobriété a ses limites. Car si la marque de fabrique du groupe fonctionne bien sur album, les tempos lents, les jeux de lumière en noir et blanc et la relative immobilité des Texans créent rapidement un sentiment de monotonie en live. Sentiment en opposition totale avec l’idée même de “spectacle vivant“. Cette sobriété poussée à l’extrême, bien que fidèle à l’esthétique du groupe, peine par moments à remplir l’immensité du Zénith, laissant une impression de vide malgré la qualité indéniable de la performance. Côté setlist, Cigarettes After Sex pioche dans le meilleur de ses deux albums, sans faire l’impasse sur ses récents singles “Pistol” et le très lent “Stop Waiting”. Le trio récite son CD sans jamais déraper et tombe dans une exécution primaire plus froide que chaleureuse.
Deux salles, deux ambiances
Ces petits regrets sont à pondérer par la présence des fans qui chantent sur la quasi-totalité des morceaux. Cette interaction entre la pudeur du groupe sur scène, et la dévotion collective du public de l’autre, crée un contraste saisissant. Si “Cry”, “Sweet” et “Sunsetz” sont joués avec le flegme légendaire de Cigarettes After Sex, force est de constater que l’accueil réservé n’est plus le même. Le groupe, sans rien changer et certainement malgré lui, est devenu une icône de la pop aérienne. Plus jeune que jamais, son audience partage la moitié de son temps entre filmer et chanter le concert. Et ce n’est pas le final sur “Opera House”, qui clôt une heure quinze de set, qui dira le contraire. Qu’on l’accepte ou non, un concert reste un événement artistique participatif et l’auditoire tient un rôle important dans l’ambiance générale. Pour le meilleur, et parfois pour le pire.
Ni tout blanc, ni tout noir
Entre le noir et blanc, entre l’intimité partagé et le collectif forcé, entre la réserve et l’expression pure, ce concert de Cigarettes After Sex est une expérience faite de contrastes. Les nouveaux fans ont indéniablement adoré, les plus anciens, peut-être un peu moins. Tout ceci est porteur d’une réflexion intéressante sur le fait que la musique est une matière vivante qui évolue et résonne différemment en fonction du temps, du lieu et du public. Toujours pour le meilleur et pour le pire.