C’est au Palais des Congrès de Montreuil Paris-Est que les férus de tatouage se sont donnés rendez-vous le temps d’un week-end. La convention de Montreuil, qui a lieu tous les deux ans, investissait les lieux pour deux jours consacrés à l’encre, au corps et à l’esprit. C’est sous le thème du chamanisme que les organisateurs ont décidé de placer ce rendez-vous. Un programme chargé sous le haut patronnage de Jan Kounen et Joey Starr.
Dès notre arrivée sur les lieux, on constate que le choix de l’emplacement s’avère vite payant et intéressant. C’est un grand espace au premier niveau qui s’offre à nous et aux tatoueurs. Des stands bien agencés, l’espace restauration et bar d’un côté et la scène à l’opposé, les stands de fringues (deux) et de matériel sont à gauche et des créateurs mystiques sont répartis un peu partout. L’espace est pensé, on retrouve même une petite cabine, à l’abri des regards, pour les piercings. Tout le Body Art est là. On donc prend plaisir à déambuler dans les allées de tatoueurs, qui se travaillent sur des stands aux dimensions acceptables. Les artistes sont de tout les horizons, avec un bon pourcentage de français(es), du studio Belly Button aux Parisiens d’Artcorpus.
Il est important de signaler le pourcentage de tatoueuses ce week-end. C’est avec plaisir que l’on constate que métier est en train de se féminiser et surtout que les femmes sont bien représentées à la Convention de Montreuil. Comme Julie La Buse, dont les lignes entre la gravure et l’illustration tirent parfois dans l’humoristique ou dans le fantastique. En noir et blanc, elle dépeint un univers personnel, zoomorphe et totalement décalé. Clémentine Noraison, au style sombre et cynique dans un noir et blanc contrasté, ou bien la colorée Noémie Alazard qui officie aujourd’hui au sein de La Machine Infernale (Lille et Tourcoing) sont également présentes. Avec près de cent soixante tatoueurs, difficile de tous les mentionner, mais le panel se veut intéressant. La tendance actuelle (géométrique, styles très graphiques) est fortement représentée, mais les stands sont plutôt éclectiques dans les styles proposés.
La Convention de Montreuil met l’accent sur la créativité. On aura donc l’occasion de découvrir le travail de plusieurs artistes au style singulier. L’occasion de retrouver ou de découvrir les fers de lance que sont Kostec et Jeff Palumbo (créateurs de La Boucherie Moderne). Ce dernier présente des créations modernes, mélangeant les lignes, l’esprit street art et des couleurs explosives. Le duo belge, qu’on voit très peu en convention, sera bien évidemment très pris tout le week-end.
Le corps et l’esprit sont au coeur de la thématique de cette convention : “Corps et Conscience”. Voilà donc l’occasion d’assister à quelques conférences, surtout centrées sur la question du chamanisme. La vidéo de “Little Swastika”, documentaire en terres vierges d’Amazonie, nous présente le sujet de manière passionnante, et le dépasse même pour nous parler de véritables expériences humaines. Le débat initié par Jan Kounen autour de la dimension spirituelle de ses films et de ses expériences chamaniques s’avérera assez intéressant, en abordant par exemple ses initiations au peyotl et autres psychotropes à la recherche du subconscient. La conférence de Laurent Mouniasse en compagnie de John Ma et Elle Festin sera aussi une belle découverte au sujet du Moko, cet art sacré et ancestral du tatouage en Nouvelle Zélande.
Seul bémol : le manque d’annonce concernant les événements et autres animations, nous empêchant d’assister aux remises de prix. L’organisateur saura tout de même proposer une convention où flotte ce bon esprit propre au monde du tatouage, dans cette odeur d’encre et ce bruissement de dermographe.
On assistera aussi aux concerts du samedi soir, une affiche curieuse qui rassemble les furieux bruxellois de Tat2Noise Act et Joey Starr, avec son nouveau projet CARRIBEAN DANDY ainsi que les bizarreries électro de The Weirds. Le public est plus présent ce soir là, faisant sans doute le déplacement pour la prestation de Joey Starr.
Mais celle qui nous intéressera le plus reste le tattoomusic live de TAT2NOISE ACT. Entre musique et art corporel, c’est une expérimentation en live qui est offerte au public, Jeff et Kostec au rythme de la guitare. Des lignes sont tracées en harmonie avec la musique sur le corps du chanteur du groupe. Le set change progressivement en structure pour passer dans une variation de la musique au tatouage à tout l’inverse. Une prestation qui demande à être vue.
Même si le dimanche est plus familial, l’esprit est relativement similaire à celui de la veille. On repart donc avec la satisfaction d’avoir passé un bon week-end parmi tout ces encrés et tous ceux partageant la même passion du Body Art. Une convention qui apporte un petit coup de fraîcheur quand on veut souffler et profiter de la découverte des nombreux talents présents en France et à l’étranger. Et si l’évènement est de plus en plus gros, il reste inscrit dans cet esprit de proximité, dans la tradition du tatouage. La relation tatoueur-tatoué est bien présente, loin du standing et de la renommée des poids lourds internationaux que nous pouvons retrouver à Paris. Les deux se complètent donc assez bien dans leurs démarches. Cette convention gagne à être connue, un bon esprit est là et on souhaite le retrouver dans deux ans.