22 mars, le printemps toque timidement à la porte, à coups de rayons de soleil un peu faiblards et de premiers éternuements déclenchés par le pollen. Beaucoup moins farouches, les chaleureux chamans anglo-espagnols de Crystal Fighters la fracassent à grands coups de pied et inondent La Gaîté Lyrique de leur énergie solaire, faisant dès lors passer la très caliente salle à la case été.
On prépare sa peau avec un premier bain de soleil offert par les Britanniques de CASSIA, qui ouvrent la soirée. Le trio, armé d’un indie rock sautillant, semble s’être donné un objectif : transporter son public dans une atmosphère estivale perpétuelle.
“Get Up Tight”, “Weekender”, les compositions de la bande, sorte de Vampire Weekend avec de la Piña Colada dans les veines, sont douces et dansantes, rafraîchissantes et harmonieuses. Le groove dépaysant du jeu du guitariste et chanteur Rob Ellis, qui a passé son enfance en Zambie, suffirait presque à transformer la pinte de bière dans notre main en cocktail fruité et le plafond au-dessus de notre tête en ciel d’azur, vide de tout nuage.
Verdure recouvrant la scène, chaleur qui monte dans une fosse remplie, l’atmosphère fleure bon la forêt tropicale. Après trente minutes de break, la txalaparta, instrument basque cher au groupe résonne, comme un coup d’envoi. Tous vêtus d’amples tissus blancs, les membres de CRYSTAL FIGHTERS débarquent sur scène avec le frénétique “I Love London”. Plongeant dans la section “électro énervé” de sa discographie, la bande embraye sur le désormais classique “Follow”. Puis “LA Calling” et “Yellow Sun” baignent la salle d’ondes positives. Bref, une entrée sur les chapeaux de roues qui laisse à peine le temps de détailler la line up du soir.
Si le doucement perché chanteur Sebastian Pringle est bien de la partie avec son acolyte Gilbert Vierich, le guitariste Graham Dickson manque à l’appel. En renfort côté chant, il y a Eleanor K., la blonde, et Tobi Gems, la brune. Toutes deux rayonnantes, aussi douces que puissantes dans leur voix et leur gestuelle, les deux femmes répandent harmonies et générosité à la pelle.
Tirés du nouvel album “Gaia & Friends”, “The Get Down” et “Wild Ones” sont comme des avions supersoniques. Leurs mélodies ultra accrocheuses vous emmènent très loin, très vite, vous larguent sur une île tropicale où il n’y a aucune place pour l’inquiétude. Le genre de remède ultra efficace à la morosité. “Boomin’ In Your Jeep”, jouée en acoustique, berce, “Runnin'” fait planer et “Love Is All I Got” et “All My Love”, ré-électrisent le set. On touche le sublime et l’allégresse avec l’enchaînement “Love Natural” / “Bridge Of Bones” / “Xtatic Truth”.
Sur la dernière, le chanteur brandit une feuille de palmier tel un sceptre, prenant plus que jamais un air de drôle de leader de culte de la Terre et de la Nature. D’accord, sa voix est un peu en vrac par moments. Mais son charisme, son allure de gourou, mi-raver sous ecsta, mi-hippie planant et son dévouement à livrer des odes (parfois en français) à l’amour et à l’unité compense amplement.
Comme préconisé dans les paroles de “All Night”, on aurait bien fait la fête toute la nuit, mais après l’incontournable “Plage”, et un joli rappel à base de “At Home” et “You & I”, la bande met fin à sa grande messe bordélique au bout d’1h30 d’insouciance et de partage. Ce message de positivité, de liberté et de cohésion, ancré dans chaque morceau, est l’identité même de ces prophètes de l’électro folk.
“Reborn”, l’harmonieux morceau qui clôture le dernier-né de la bande, “Gaia & Friends”, prend fin avec un discours sur la fraternité. Il proclame : “La fraternité, c’est des câlins, des high fives et des étreintes, c’est danser avec des gens qu’on n’a jamais rencontrés. La fraternité, ce sont des êtres humains qui communiquent à un profond niveau cosmique”.
Si on suit cette définition, c’est un très joli moment de fraternité que Crystal Fighters a fait vivre à son public, entre carnaval, rave et promenade bucolique. Seul hic, un auditoire un peu paresseux, qui aurait peut-être été réveillé par des morceaux plus agités tels que “Solar System”, “Ways I Can’t Tell”, “I Do This Everyday” ou “Swallow”.