Ce n’est pas une mais deux dates que Deftones consacrait à ses fans français en ce mois de février, après presque deux ans d’absence dans l’Hexagone. Les deux soirées affichant sold out en à peine quelques minutes, c’est évidemment face à une salle archi comble que les californiens, venus défendre leur dernier album “Koi No Yokan“, se livraient ce soir à leur première performance.
Choisi par Deftones pour les accompagner sur leur tournée européenne, le quatuor post hardcore LETLIVE ouvre le bal. Il est tout juste 19h30 et le public, sans doute pas encore totalement réveillé et très clairement surpris, se fait dans un premier temps silencieux lorsque la bande de Jason Aalon Butler déchaîne sans préambule, sa furie avec “Le Prologue”, avant d’enchaîner aussi sec sur “The Sick, Sick, 6.8 Billion”. Il faut dire qu’il est particulièrement impressionnant de voir le frontman littéralement partir dans tous les sens, se jetant par terre, bondissant et lançant son micro, tout en hurlant ses paroles comme si sa vie en dépendait. Une telle énergie a de quoi surprendre quand on ne connait pas la réputation, pourtant déjà bien établie, du groupe en live, qu’il ne fait ici que confirmer. Les musiciens se donnent complètement aussi, mais il est franchement difficile de se concentrer sur eux alors que le leader se déchaine comme un possédé à leurs cotés, quand il n’est pas en train de se frayer un chemin dans la foule ou de se jeter du balcon après y avoir embarqué son pied de micro. En somme, la performance de letlive se résume tel un chaos total, ce qui est clairement le but recherché par la formation. Les quelques passages chantés souffrent, hélas, de cette suractivité, Butler se trouvant parfois à bout de souffle, mais trouvant chez le guitariste Jeff Sahyoun un support vocal bienvenu, comme sur le titre “Muther”, que le frontman dédie logiquement à sa mère. Il prendra également le temps de remercier le public, qui s’est entre-temps quelque peu animé, et les français en général “pour avoir inventé les crêpes”. Sur “Casino Colombus”, le quatuor donne tout ce qui lui reste d’énergie avant de faire une sortie aussi brutale, que le fut leur entrée, aux alentours de 20h10, laissant le public aussi abassourdi qu’admiratif.
Quelques bières plus tard, la foule semble fin prête pour accueillir la tête d’affiche de la soirée DEFTONES, qui fera son entrée peu après 20h30, dans une ambiance chargée de fumée. Dès les premières notes de “Diamond Eyes”, l’atmosphère dans la salle se transforme aussi sec, les corps commençant à s’agiter et les voix s’élevant à l’unisson pour reprendre les paroles. Il y a, chez les fans de Deftones, quelque chose de tout à fait particulier à observer, une forme de communion avec le groupe, de ferveur qu’on ne peut vraiment mesurer qu’en assistant à l’un de ses concerts, comme ce soir. Face à eux, un Chino Moreno souriant et visiblement très en forme, autant physiquement que vocalement. Coté setlist, il y en aura pour tous les goûts, le quintette de Sacramento veillant à satisfaire les fans de la première heure autant que les nouveaux venus de l’ère “Koi No Yokan”, avec pas moins de cinq morceaux joués de ce dernier. Les grands favoris “Be Quiet And Drive (Far Away)”, “My Own Summer (Shove It)” ou encore “Rocket Skates” trouvent toujours autant d’écho parmi l’audience, et le plaisir est visiblement partagé par Chino et sa bande, qui semblent s’éclater comme au premier jour, faisant preuve d’une complicité non dissimulée faisant plaisir à voir, suite aux vives tensions qui avaient failli mettre fin au groupe il y a quelques années. Le frontman fait comme toujours preuve d’une grande générosité scénique, occupant tout l’espace, allant à la rencontre du public de la fosse sans oublier celui des balcons, grimpant sur les retours pour se trémousser. Après un “CMND/CTRL” suffisamment lourd pour faire vibrer toute la salle et un “Sextape” qui plonge la foule dans une ambiance plus planante, il remercie le public pour son accueil avant que le groupe ne s’attaque à deux morceaux de l’époque “White Pony”, les indémodables “Feiticeira” et “Passenger”. Puis c’est le dernier album qui est mis à l’honneur avec l’enchaînement “Entombed”, “Tempest” et “Swerve City” avec Chino à la guitare; l’audience se montrant aussi habitée par les nouveaux morceaux que par les plus anciens. Hommage est aussi rendu au bassiste Chi Cheng, sorti du coma mais dans un état encore instable, avec le puissant “Dai The Flu”, puis le public aura la surprise de voir redébarquer Jason Aalon Butler de letlive. à l’invitation de Chino, pour l’accompagner sur le furieux “Headup”, ce qui a pour effet de provoquer un redoublement d’agitation dans la fosse. Il aurait été possible de penser que c’est avec l’incontournable “Change (In the House Of Flies)” que Deftones choisirait de finir son set, mais c’est après le très bon “Bloody Cape” que la formation pose ses instruments, du moins temporairement puisque les clameurs et les applaudissements pressants des fans incitent les cinq à revenir pour deux titres de plus, le dernier étant bien sûr l’agressif et jouissif “7 Words”. Après 1h40 de show, le groupe quitte cette fois-ci la scène pour de bon, sous les hourras d’un public épuisé mais comblé.
Une première soirée forte en émotion pour les fans de Deftones mais aussi pour la formation, qui ne semble pas s’être économisée en prévision du lendemain. On nous a pourtant murmuré que la performance des californiens avait été encore plus intense lors de la seconde soirée; de quoi, en tout cas, rendre vert les malheureux qui n’auraient pas eu la chance de décrocher un ticket pour l’une des deux dates. Ceux-là auront heureusement la chance de pouvoir se rattraper le 6 septembre prochain au Zenith De Paris.
Setlist :
Diamond Eyes
Poltergeist
Be Quiet And Drive (Far Away)
My Own Summer (Shove It)
Rosemary
Rocket Skates
CMND/CTRL
Sextape
Feiticeira
Passenger
Entombed
Tempest
Swerve City
Dai The Flu
Headup
Change (In The House Of Flies)
Bloody Cape
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Engine No. 9
7 Words
Crédit photos : Virginie Schmidt