Les décennies s’enchaînent et le temps ne semble pas avoir de prise sur les tubes de Depeche Mode. Les anglais sont de retour au Stade De France après un premier concert donné en juin 2009. Soixante quinze millions d’albums vendus et trente ans de carrière, le trio synth pop est toujours une référence et continue de remplir les stades à travers la planète.
Après diffusion d’un petit film sur le manque d’eau potable dans le monde, DOUGLAS MCCARTHY fait une entrée discrète sur la scène en partie bâchée du Stade de France. Il est 19h30, le soleil tape encore largement sur la partie Est des tribunes, il flotte une vague odeur de viande grillée. Sans light show ni écran, difficile de remarquer ce petit bonhomme en noir ridiculement lointain qui arpente la scène sous des beats à la technotronic, et salue d’un “gimme peace!”. Cette voix profonde et nasillarde et cette électro vintage rappelleront quelque chose à ceux qui étaient à Bercy en 2010, puisque elle n’est autre que celle de l’ex-chanteur de Nitzer Ebb qui ouvrait déjà pour Depeche Mode lors de la précédente tournée. Entre deux symboles géométriques rouges sur fond noir pour seul décor, il conclut un set de trente cinq minutes par un “dank u wel!” incongru.
Suivra une longue attente dans une musique d’ambiance électronique dans l’esprit du dernier album des basildoniens, et pour cause puisque elle est composée par Martin Gore himself. Essais de fumigènes, techniciens grimpant sur les échelles de corde, l’ambiance se réchauffe avec des “ola” qui font onduler le stade. A 20h55, les premiers grondements résonnent et sur des images de cercles en pulsation, enfin ils entrent : les trois DEPECHE MODE historiques accompagnés comme depuis des années par Peter Gordeno aux claviers et Christian Eigner à la batterie. Comme d’habitude, David Gahan est gominé en arrière et en costume sombre, avec une veste à fines rayures argentées, Martin Gore porte une veste un peu épaulée en “tartan” bleue et noire, et Andy Fletcher un blouson de cuir et des lunettes fumées. Comme depuis le début de la tournée, ils démarrent avec ce qui est aussi le premier titre de “Delta Machine“, un “Welcome To My World” minimaliste. A ce niveau du déroulement, seul le carré or participe le bras tendu, les autres semblant être trop éloignés pour prendre part au show. Surtout qu’ils enchainent avec “Angel”, un autre extrait du dernier album dont l’orchestration est assez difficile d’accès pour un lieu aussi imposant. Certes, le son est tout à fait correct, la voix de Dave est parfaitement juste et l’onde de son beau timbre grave frappe jusqu’au fond des gradins, mais l’atmosphère ne s’est pas réchauffée comme le mériterait le magnifique “Walking In My Shoes”. Pourtant, Christian ne démérite pas à la batterie, et Dave, qui vient d’effectuer le traditionnel tomber de veste, lance son premier “THANK YOUUUU!”. Anton Corbijn, qui s’est occupé de la scénographie, a imaginé des écrans de triangles imbriqués diffusant le show selon des angles de caméras différents, ou des projections d’une qualité plastique exceptionnelle. Des petits chiens sur “Precious”, des feux follets et des étincelles sur “Should It Be Higher”, des images d’écrans filmées sur “Barrel Of A Gun”, des contorsionnistes, les chairs un peu écrasées contre les paroies, prenant des positions comprises dans des triangles transparents sur “Enjoy The Silence”, mais surtout les magnifiques courts métrages muets sur “Heaven” et “Goodbye”. Dave fait chanter la foule, et se démène comme un beau diable avec ses pas de danse brevetés, tandis que Martin passe du clavier à la guitare. Il en a une en forme d’étoile pour “Barel Of A Gun”, qui ne soulève pas la puissance dancefloor dont il est capable, puis il reste seul au micro pour un “Higher Love” délicatement orchestré et un “Judas” accompagné seulement au piano par Gordeno. Mart’, qui ne démérite pas vocalement, viendra même sur l’avancée pour faire chanter à la foule “if you want my love” qui finira en chuchotements. Ce podium qui sert d’ailleurs assez peu, d’aucuns pourraient même trouver que le show manque de chair et de rock n’roll, bien que la taille du lieu y soit pour beaucoup. Le groupe proposera aussi des versions alternatives de certains standards, comme par exemple une version remix (de Jacques Lu Cont) de “A Pain That I’m Used To” qui aurait été mieux au naturel, ou un “Personal Jesus” ralenti et lourd sur lequel Martin fait un extraordinaire pont à la guitare hyper blues. Ce titre est une réussite et enfin tout le monde dans les gradins est debout pour chanter “reach out and touch faith!”. Sans laisser retomber l’ambiance, ils envoient “A Question Of Time” et, fidèle à la tradition, Dave Gahan tournoie en écartant les bras et finit par des claps ultra rapides qui fonctionnent jusqu’au fond. “Enjoy The Silence » est aussi une réussite, avec un Martin Gore émouvant qui s’avance à la guitare pour jouer ce riff mythique, et c’est déjà l’heure de se dire au revoir avec “Goodbye”.
22h37 : sortie de scène physique du groupe, mais plusieurs versions colorisées d’une même photo des Depeche Mode sur l’écran maintiennent la tension. Surtout qu’à peine deux minutes plus tard, Mart est de retour pour un “Home” acoustique, accompagné une nouvelle fois par Gordeno au piano. Comme en 2009, Dave, qui a ajouté une écharpe noire à son gilet pailleté, entre à la fin du morceau et fait encore se poursuivre la mélodie en encourageant le public à chanter avec une gestuelle d’ailes d’oiseau. Après un “Halo” selon le remix de Goldfrapp, un peu plus atmosphérique que l’original, un rythme musclé résonne dans tout le stade. Dave fait un “oww” comme pour dire “ah oui !”, et il met Fletch a l’honneur qui joue les légendaires notes de “Just Can’t Get Enough”. L’interprétation du morceau est une grande réussite avec de l’arc en ciel sur les écrans en communion avec les paroles pendant que le frontman se déhanche et fait chanter un stade chauffé à blanc. Suivra un “I Feel You” hypnotique puis un “Never Let Me Down Again” final et fédérateur où tout le stade balance ses bras de gauche à droite jusqu’à l’apothéose. Il est 23h10, David Gahan restera le dernier à saluer; Depeche Mode est acclamé.
Le Stade De France se vide tranquillement sous des nappes de clavier graves, et dans l’ensemble le public est ravi par la performance, même si un concert dans un lieu aussi grand reste une expérience particulière. S’ils ont fait l’impasse sur le pénultième opus, ils ont fait le pari de démarrer par deux titres extraits de “Delta Machine” assez difficiles d’accès et que les fans n’ont pas encore eu le temps de s’approprier réellement. Pas de gros show à proprement parler non plus, mais un habillage vidéo remarquable, pour un groupe finalement très cérébral. Mais les trois anglais ont du métier, des compositions qui fédèrent, et affichent un sacré bonheur d’être ensemble sur scène. Rendez-vous est pris pour les 29 et 31 janvier prochain à Bercy !
Setlist :
Intro
Welcome To My World
Angel
Walking in My Shoes
Precious
Black Celebration
Policy Of Truth
Should Be Higher
Barrel Of A Gun
Higher Love
Judas
Heaven
Soothe My Soul
A Pain That I’m Used To
A Question Of Time
Secret To The End
Enjoy The Silence
Personal Jesus
Goodbye
—-
Home
Halo
Just Can’t Get Enough
I Feel You
Never Let Me Down Again