Quatre ans et demi, soit presque une moitié de décennie pendant laquelle Explosions In The Sky s’est retiré. Les membres du groupe en ont profité pour mettre leur talent au service d’autres projets, notamment Eluvium et Inventions. 2016 marque donc leur grand retour avec à la clé un septième effort, “The Wilderness”.
Ce soir, il y a comme une impression de déjà-vu. Est-ce peut-être parce que PAPIER TIGRE, trio français en charge d’ouvrir pour les Américains, était déjà en première partie lors de leur dernier passage au Casino De Paris, en 2012 ? Le math rock et les shorts arborés par les Nantais n’ont pas bougé d’un poil. Pourtant, le groupe a sorti en avril dernier, The Screw, son quatrième album déjanté ! Une partie des titres joués ce soir sont issus de cet album, qui vient en côtoyer d’autres tirés des trois premières productions du combo. Le dynamisme du trio est remarquable et le style très technique des musiciens impressionne. Mais au fil des morceaux, la musique des Nantais semble peu à peu perdre de sa force et son originalité, flirtant dangereusement avec la recette archétype du math rock : alterner rythmiques syncopées dansantes avec des passages complètement loufoques et un chant qui ne semble pas ici avoir sa place. Même si sur la fin le set semble long, faute à un dernier titre bruitiste au possible, il faut reconnaître que Papier Tigre a tout simplement plus de gueule qu’il y a quatre ans.
L’ombre du vieux théâtre reprend ses droits sur un Trianon qui affiche complet. Il fait chaud, l’impatience, nourrie par ces quatre années d’absence continue de s’accroître ce soir. Certains ont déjà eu une mise en bouche de ce retour, quelques jours plus tôt, lors du festival This Is Not A Love Song (Nîmes). Après le traditionnel petit mot en français (cette fois sans antisèche !) : “Nous sommes l’explosion dans le ciel”, EXPLOSIONS IN THE SKY lance “Wilderness”, issu du nouvel album, “The Wilderness”. Si ce dernier avait laissé perplexe de nombreux fans car différent de la recette habituelle, faute à une touche ambient trop marquée, ici ce nouvel effort prend tout son sens. Les mélodies, trop discrètes et reléguées au second plan sur album, sont métamorphosées et révèlent leur saveur, aidées par un jeu de lumière impressionnant. C’est en effet à travers un drapeau de lumière – sorte de voile lumineux qui sépare le groupe du public – que le combo revisite sa discographie : les classiques “Catastrophe And The Cure” et “The Birth And Death Of The Day” sur “All Of A Sudden, I Miss Everyone” (2007), la puissante et démesurée “Greet Death” ou encore la trop rare “With Tired Eyes, Tired Minds, Tired Souls, We Slept” sur “Those Who Tell The Truth Shall Die / Those Who Tell The Truth Shall Live Forever” qui fête ses quinze ans cette année.
EITS propose une version plus mature de lui-même au travers d’une présence scénique hors du commun, à la fois sportive et lunaire. La formation n’a que faire de la sensibilité des tympans de ses auditeurs et c’est parfois jusqu’à quatre guitares que les Texans vont assouvir tous les fantasmes sonores. Cette folle capacité qu’ils ont de basculer de passages lents et aériens à des murs sonores saturés et ultra rapides impressionne plus que par le passé. Ceci s’explique par la présence de cinq titres du petit dernier qui viennent insuffler du relief à l’ensemble du set. En effet, si les accalmies ressortent mieux, les rythmes rapides sont également plus impactant : leur son n’a jamais été aussi épuré. Le jeu de lumières n’y est pas étranger non plus : jamais un groupe de post rock n’a bénéficié de lights aussi belles, artistiquement parlant. Ces lights agissent un peu comme un filtre par lequel passent les ondes sonores, métamorphosées lorsqu’elles arrivent à l’assemblée. Le spectre sonore s’en voit altéré et EITS atteint ce soir des sommets d’intensité. Intensité qui se voit chargée d’émotion lorsque retentissent les notes de “Your Hand In Mine”, titre phare du groupe, très vite suivi par la sublime conclusion “The Only Moment We Were Alone”. Pas de rappel mais tout de même 1h30 de set sans interruption et avec un enchaînement remarquable.
Les Texans nous ont littéralement donné l’impression d’avoir été seuls, avec eux, ce soir. Les dimensions du Trianon ont disparu, nous avons été aspirés par des lumières, par des ondes sonores auxquelles pas une âme n’a manqué d’être réceptive. Cette communion sonore marque, à ce jour, la plus belle prestation du groupe dans la capitale. Un concert qui restera imprimé pour longtemps dans les mémoires. Le vieil adage “l’attente est en proportion du bonheur qu’elle prépare” n’aura jamais été aussi vrai.
Setlist :
Wilderness
Catastrophe And The Cure
Greet Death
The Ecstatics
Logic Of A Dream
The Birth And Death Of The Day
With Tired Eyes, Tired Minds, Tired Souls, We Slept
Colors In Space
Your Hand In Mine
Disintegration Anxiety
The Only Moment We Were Alone