Quelle meilleure façon de passer sa première soirée post-apocalypse en compagnie des suédois déjantés de Royal Republic et des français de Blackfeet Revolution et Sleeppers ? Difficile de faire mieux non ? Mais pour cela, encore fallait-il faire partie des heureux détenteurs du précieux sésame pour l’ultime date, du festival de la radio OÜI FM, au Divan Du Monde ce samedi 22 décembre. Ce n’était pas votre cas ? Voila ce que vous avez manqué.
Il est tout juste 19h, les lumières s’éteignent pour signaler l’arrivée du quatuor bordelais SLEEPPERS, devant une audience encore un peu clairsemée mais attentive. Avec un nouvel et déjà sixième album à leur actif (“Keep Focus”), ils font immédiatement parler leur expérience à travers un noise rock abouti, percutant et agressif, à la fois brut et entièrement maitrisé, qui emplit la salle toute entière d’une vague sonore. Il est clair que les quatre acolytes sont dans leur élément, parfaitement à l’aise sur scène et absorbés par leur jeu, déroulant un set d’une demi-heure qui mettra en avant le dernier opus, sans oublier leur répertoire plus ancien. L’un des atouts de la formation réside sans conteste dans la multiplicité de ses voix, le chanteur/bassiste Laul laissant volontiers s’exprimer ses camarades guitaristes, qui alternent chant et voix parlée tout en choisissant les effets qui conviendront le mieux à l’atmosphère du morceau. En terme d’ambiance justement, on peut dire que le quatuor y accorde une attention toute particulière, à la manière dont il jongle savamment entre riffs lourds et tranchants sur une rythmique effrénée et longs solos presque planants, faisant l’effet d’une parenthèse apaisante. Du coté du public, il faut bien admettre qu’on observe assez peu de mouvement, beaucoup se contentant d’être simples spectateurs, ce qui n’empêche pas des applaudissements nourris entre chaque morceau. Peut-être parce que le style des Sleeppers ne cadre pas entièrement avec celui que sont venus chercher les fans de Royal Republic, dans l’attente d’un son qui leur permettra de s’agiter frénétiquement. Peu importe, c’est une très belle performance que réalise ce soir l’ensemble bordelais, qui s’éclipse sous les applaudissements après avoir conclu sur l’entrainant “Hidden Beauties”.
Il est 20h et, il est maintenant temps de faire place au duo rock parisien BLACKFEET REVOLUTION, constitué du guitariste/chanteur Benoît Portolano et du batteur/chanteur Fred Wissler Ricci. Pour ceux qui auraient pu avoir des doutes quant à la capacité d’un duo à mettre une ambiance de feu, les premières minutes de leur set auront suffi à les dissiper complètement. Car, disons-le tout de suite, les deux garçons font un travail absolument bluffant. Avec un son rock puissant et bourré d’énergie, ils parviennent sans peine à accaparer l’attention du public et à s’approprier la scène avec tellement d’aisance, qu’on doit finalement se redire qu’ils ne sont que deux. C’est un show désarmant de spontanéité et d’efficacité, sans artifices, que nous offre Blackfeet Revolution. Leur complicité est évidente, et le plaisir qu’ils prennent à jouer leurs compositions devant les auditeurs de la rario rock l’est tout autant. On peut en dire autant de l’audience qui, entre temps, s’est complètement réveillée et fait maintenant honneur aux deux complices en bondissant au rythme des morceaux issus de leur dernier EP “Blackfeet Revolution” tels que “Liar” ou “M.I.T.R.A.I.L.L.E.T.T.E.”. C’est donc sans peine que Fred et Benoît obtiennent de la foule qu’elle reprenne le refrain de “Frogs On Fire” ou qu’elle chante, en chœur, sur leur reprise énervée du classique “Tainted Love”. Avec des compositions efficaces aux refrains fédérateurs, une maîtrise technique impressionnante et une présence scénique forte, le duo a tout bon. On n’avait tout simplement pas vu jeune formation française aussi prometteuse depuis quelques temps, et cela fait très plaisir. L’explosif “Little Suzie” vient marquer la fin d’un set d’une cinquantaine de minutes qui aura fait monter la température dans la salle, désormais bondée, de plusieurs degrés avant l’arrivée des headliners de la soirée.
C’est sur une intro de fanfare militaire que ROYAL REPUBLIC fait son entrée vers 21h20, enchaînant sans transition sur le premier titre du nouvel album du même nom, l’ambitieux “Save The Nation“. La foule ne tarde pas à réagir, s’agitant immédiatement comme un seul homme alors que le quatuor vedette attaque ensuite “You Ain’t Nobody (‘Til Somebody Hates You)”, avec une énergie compulsive. Il faut bien dire que le gros point fort de la formation suédoise réside sans conteste dans sa capacité inégalée à mouvoir les foules et à partir dans tous les sens, son leader Adam Grahn en tête. Ce dernier n’hésite par exemple pas à interrompre certains morceaux en plein milieu pour jouer avec le public, comme sur “Make Love Not War (If You Have To Make War – Make Sure To Make Time To Make Love In Between)”, sur lequel il se met à parler ruptures avec la foule, ou bien pendant “The End”, où il demande au public de brandir le poing en criant de façon virile pour l’aider à réaliser son rêve de se prendre un instant pour un chanteur de metal. Et c’est sur des titres coup de poing comme “Punch Drunk Love” et plus encore “I Don’t Wanna Go Out” qu’on entrevoit justement ce potentiel metal, notamment lorsqu’Adam échange sa place avec le bassiste Jonas Almén, qui se met à screamer d’une voix gutturale. Les suédois nous laissent à peine le temps de respirer et enchaînent tube après tube, issus de “Save The Nation” autant que du premier album “We Are The Royal”. Au vu des réactions extatiques de l’audience, qui abonde en circle pits et crowdsurfing, il est clair que la plupart sont venus pour la formation déjantée, qui avait déjà conquis le public lors de son passage à l’Alhambra le 21 octobre dernier. Plein de petits moments épiques viennent ponctuer le set, comme lorsque le frontman laisse une jeune fille du premier rang gratter sa guitare alors qu’il boit un verre sur “Underwear”, ou quand il raconte son interview surprenante pour OUÏ FM puis tente d’apprendre au public une phrase très explicite en suédois, pour ne citer que ça. Le leader capte l’attention de la salle de bout en bout, communiquant toute son énergie et son brin de folie à la foule tout en assurant une prestation vocale nickel autant dans le chant clair que lorsqu’il se met à crier d’une voix profonde. Il mentionnera au passage qu’il s’agit ce soir de la dernière date du groupe en ce qui concerne la promotion européenne du nouvel album. C’est sur “Tommy-Gun” que le combo nous quitte complètement haletant, avant de revenir pour encore quatre morceaux, dont une reprise de circonstance de “Driving Home For Christmas”, pour finalement nous laisser sur l’exaltant “The Royal” après 1h10 de show.
Mission accomplie pour Royal Republic & Co ce soir puisqu’on n’aurait pu imaginer meilleure façon de conclure le Festival Bring The Noise que celle-ci, nous laissant dans un état d’excitation et d’épuisement, avec pour seule déception celle de maintenant devoir attendre un an pour remettre ça. Merci à OUÏ FM et Bring The Noise.
Setlist :
Save The Nation
You Ain’t Nobody (‘Til Somebody Hates You)
Make Love Not War (If You Have To Make War – Make Sure To Make Time To Make Love In Between)
All Because Of You
I Must Be Out Of My Mind
Full Steam Spacemachine
Molotov
Walking Down The Line
Addictive
Punch Drunk Love
Sailing Man
The End
Underwear
Tommy-Gun
—-
Everybody Wants To Be An Astronaut
I Don’t Wanna Go Out
Driving Home For Christmas
The Royal
Crédit photos : Isabelle Tasset