Fleuron de la scène rock belge, Girls In Hawaii repart sur les routes pour célébrer les vingt ans de son album phare, From Here To There (2004). Les fans d’indie rock avaient donc rendez-vous à La Cigale pour se replonger dans le passé et percevoir les prémices de l’avenir.
Uwase
La soirée commence tout en douceur avec la jeune UWASE. Visiblement intimidée, toute trace de crainte s’envole au moment où les premières notes réchauffent nos cœurs. Impossible de ne pas penser à une jeune Jorja Smith à l’écoute de ses compositions soul et aériennes. Sa voix passe des graves aux aigus avec une aisance déconcertante, sans rien sacrifier en émotion. Découvrant les salles de cette envergure, la Bruxelloise s’amuse à lancer des “ça va Paris ?” avec une belle fraîcheur.
Les titres exclusivement en anglais s’enchaînent, porteurs de jolies promesses en vue d’un futur album (mention spéciale pour les hypnotiques “Gone” et “Rover 214”). Pourtant, une partie des spectateurs semble se désintéresser du set, couvrant de leurs voix quelques passages. Incompréhensible tant la prestation s’avère touchante. La fosse ne s’y trompe pas et profite des transitions pour acclamer l’artiste et ses musiciennes (qui s’avèrent être ses cousines). Arrivée sur la pointe des pieds, la formation quitte finalement la salle tout sourire, non sans avoir salué à plusieurs reprises un public en grande majorité conquis. Une très belle première partie !
Girls In Hawaii
Le changement de plateau donne une dernière occasion aux retardataires de se rapprocher de la scène. Pas une mince affaire, tant la foule se révèle compacte. Cette affluence témoigne d’un beau succès, surtout quand on sait que sept dates françaises ont précédé cette étape parisienne, qui affiche pourtant complet.
Après quelques minutes d’attente, les lumières s’éteignent pour laisser place à une ambiance tamisée, seulement éclairée par de petits écrans. Des gazouillis d’oiseaux s’échappent progressivement des enceintes, annonçant l’ouverture de “9.00 AM”. Comme les plus perspicaces l’avaient pressenti, les têtes d’affiche s’apprêtent à dérouler la totalité des chansons du premier album, qui plus est dans l’ordre. Après cette intro planante, GIRLS IN HAWAII dégaine la doublette “Short Song For A Short Mind” / “Time To Forgive The Winter”, qui met le feu aux poudres. Cette dernière dégage une belle intensité, évoquant, dans une certaine mesure, le phrasé de Biffy Clyro. Antoine Wielemans prend alors possession de l’avant-scène, déclenchant l’enthousiasme des premiers rangs.
Le frontman prend la parole avec parcimonie, mais toujours avec justesse. Il souligne, à juste titre, la grande qualité acoustique de La Cigale et son plaisir à jouer dans leur salle parisienne préférée. Un rapide sondage montre que le concert du jour a drainé de nombreux spectateurs présents lors du dernier passage en 2014. “C’était trop court“, lance un spectateur taquin. “Ce soir ce sera très long“, répondra, en souriant, le maître de cérémonie.
Touchant et captivant
Il se dégage quelque chose de très touchant de cette performance anniversaire. Un équilibre contrasté entre la maîtrise musicale du groupe et la sensibilité de ses membres, face à un public qui a évolué avec lui. Globalement sage, ce dernier sait également s’enflammer face aux tubes les plus rock de la setlist. “Flavor” en représente sans aucun doute l’apogée. Servis par des jeux de lumière rouges renforçant la tension, le groupe (et son audience) explose dans une énergie jubilatoire. Antoine s’y montre particulièrement possédé, au point de donner l’impression de vouloir escalader jusqu’au balcon. Un moment salué comme il se doit par La Cigale, qui réserve une ovation appréciée par la bande.
Cette revue exhaustive de l’album From Here To Here est aussi l’occasion de jouer des raretés, à l’instar de “Fontanelle”. La formation confie l’avoir écartée de sa setlist à l’époque, faute de trouver “le bon mood“. Vingt ans après, c’est peu dire qu’ils ont trouvé la clef, tant l’injection d’un grain grunge au milieu est réussie. Rien ne sera oublié, pas même la chanson cachée de ce disque, “Joking About My Life”, dont la présence nous ramène à l’époque des CD de Nirvana & Co.
Nous redécouvrons également avec plaisir les hits de cet album, à l’image de l’indémodable “Found In The Ground” (et son fameux combiné téléphonique en guise de micro) ou des arpèges très inspirées de “Bees & Butterflies” (dont son auteur plaisantera sur la possibilité de l’utiliser tant pour des mariages que pour des enterrements). Peu avare en anecdotes, le groupe nous apprend qu’il doit son explosion en France à Carla Bruni, dont le succès avait permis à son producteur d’avoir carte blanche pour signer l’artiste de son choix, qui s’est révélé être… Girls In Hawaii ! Comme quoi, le destin…
C’est reparti pour un tour
Pour finir en beauté, la formation nous rappelle que ses autres livraisons contiennent elles aussi leurs lots de pépites. On retrouve ainsi avec plaisir l’hymne à la résilience “Not Dead”, embelli par un passage au piano du plus bel effet. La revisite de “Rorschach” se révèle étonnamment sensuelle, dans une version rock faisant se déhancher une partie de la salle. Cerise sur le gâteau, Girls In Hawaii se conjugue également au futur ! Cette soirée est en effet l’occasion de présenter deux inédits, dessinant la suite du déjà lointain Nocturne (2017) (dont aucun titre ne sera joué ce soir).
Alors que le magnétisme de la performance nous fait oublier le temps, l’ultime rappel donne lieu à un beau moment d’intimité. Aligné sur l’avant-scène, le groupe passe en format acoustique pour interpréter le touchant “Words Are In The Wood” et le magistral “Misses”, composé en hommage à leur ancien batteur Denis. Les musiciens se répondent par des riffs interposés, renforçant la sensation d’une complicité palpable.
La soirée s’achève sous les vivats, couronnant une performance frappée du sceau de la classe et du plaisir de communier. “On reviendra, c’était sympa, on reviendra“, annonce Antoine. Nul doute qu’une grande partie de la salle répondra, une nouvelle fois, à l’appel. À bientôt messieurs.
