Après un report, puis une annulation de concert au Bataclan en 2022, Glass Animals est enfin de retour en terres parisiennes pour son Tour Of Earth, célébrant sa dernière production, I Love You So F***ing Much. C’est devant un Zénith quasi-plein que les Britanniques enchaînent anciens et nouveaux ovnis dans une ambiance à la fois pop et psyché.
The Big Moon
Pour une soirée placée sous le thème du voyage spatial, il est assez amusant que la première partie porte un tel nom. THE BIG MOON prend possession de la scène à 19h45 et déroule, pendant une quarantaine de minutes, des morceaux aérés, pleins de sucre et d’énergie. Son indie pop joyeuse est soutenue par une ambiance légère, et bien qu’assez simples, ses arrangements laissent parfois place à des inspirations atmosphériques plus déroutantes, empruntant au post punk. Le timbre de Juliette Jackson, qui semble trouver son confort dans les graves, évoque le style de Taylor Swift, tandis que ses camarades de scène superposent harmonies et contre-chants. Les musiciennes s’accordent même une reprise de Fatboy Slim, “Praise You”, avant de conclure sur leurs morceaux les plus vitaminés. Une intensité pop bien contrôlée, qui ouvre l’appétit pour le reste de la soirée.
Glass Animals, we love you so f**cking much
Une quinzaine de minutes avant le début du concert, un homme s’avance seul sur scène sous les applaudissements du public et vient délicatement déposer un ananas sur une table éclairée. Les connaisseurs de l’univers loufoque de GLASS ANIMALS reconnaissent ici l’emblème du groupe depuis ZABA (2014) et surtout la chanson “Pork Soda” (How To Be A Human Being, 2016), devenue virale au point que les fans ont pris l’habitude d’en apporter aux concerts, conduisant même à une interdiction du fruit par les festivals Reading & Leeds en 2017.
Dans un esprit complètement méta, le concert s’ouvre enfin sur un dialogue entre deux planètes, aux voix modifiées à la Animal Crossing, teasant l’arrivée du groupe sur scène, encourageant l’auditoire à se vider les poumons. Nos deux interlocutrices feront leur réapparition juste avant le rappel, s’amusant de la faible fréquence de tournée de Glass Animals, de la communauté Reddit et enfin de l’immense succès du tube “Heat Waves”, toujours pas joué à ce stade du concert.
Il faut dire que la discographie de Glass Animals comporte suffisamment de pépites art-pop à la fois tranquilles et déjantées pour tenir l’audience en haleine du début à la fin. Au milieu d’un décor de vaisseau spatial, doté d’un tableau de bord et d’une sphère transparente en plein centre de la scène, les quatre musiciens, menés par l’excitation incontenable de Dave Bayley, livrent un show résolument fun et coloré. La setlist, bien équilibrée, met à l’honneur I Love You So F***ing Much, dernier disque en date : la fabuleuse “Wonderful Nothing” et son drop électro grave et gras plongent l’assemblée dans une ambiance sombre et excentrique, contrastant avec les légères “Life Itself” et “Your Love (Déjà Vu)” ayant ouvert le set. Plus tard, “A Tear In Space (Airlock)” et “Lost In The Ocean” prolongent le sentiment d’apesanteur tandis que “How I Learned To Love The Bomb”, “Creatures In Heaven” et “Show Pony” assurent la partie la plus pop du dernier album, invitant la salle à rejoindre Bayley au chant. Si ZABA n’a malheureusement droit qu’à une seule apparition (“Gooey”, qui voit Bayley rejoindre le bas des gradins pour la performance), How To Be A Human Being et Dreamland (2020) sont bien représentés. Du premier sont joués ses refrains les plus groovy et délectables (“Life Itself”, “The Other Side Of Paradise”, “Take A Slice”), rejoints par les dansantes “Youth” et “Pork Soda”, celle-ci concluant le set principal par un solo de guitare à la fois détonnant et parfaitement à propos. Quant à Dreamland, on retient surtout le rappel, avec l’ultra badass “Tokyo Drifting” et la populaire “Heat Waves”.
Glass Animals donne cette étrange impression d’assister à un concert de metalcore où basse et guitares auraient été substituées par synthés et pads de batterie. Les Britanniques retranscrivent à la perfection cette espèce de lourdeur contenue des versions studio, avec des moments d’anticipation et d’autres de pure adrénaline quand les mélodies accrocheuses des refrains et les drops instrumentaux résonnent. Le tout au rythme de tempos lents, de boucles électroniques entêtantes et du chant susurré de Bayley, qui laisse pointer une certaine rage plus saturée à quelques occasions (“Wonderful Nothing”, “Take A Slice”). Au milieu de ce spectacle arc-en-ciel, l’excellente ballade “Lost In The Ocean” offre un moment plus minimaliste, et a droit à un tifo lumineux organisé par des fans du groupe, l’assistance prenant pleinement part à la scénographie en se muant en ciel étoilé. Elle reçoit les remerciements chaleureux de Bayley, qui ne tarit pas d’éloges envers le public parisien.
L’épopée spatiale proposée par Glass Animals ressemble moins à un décollage de fusée qu’à un épisode de lévitation collective dans une faille spatio-temporelle peuplée d’ovnis. Musicalement et visuellement, le groupe offre un temps d’euphorie extraterrestre, avant un atterrissage tout en douceur, mais déjà teinté d’une certaine nostalgie.