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GREEN DAY @ Accor Arena (18/06/24)

Green Day, le groupe de punk le plus célèbre du monde a rendu visite à son public parisien ce mardi 18 juin dans le cadre de son Saviors Tour. Celui-ci réussit le pari de célébrer à la fois l’album du même nom paru cette année, les trente ans de Dookie, l’album qui les a révélés, et les vingt ans d’American Idiot, le disque qui les a confirmés et hissés au rang de légendes du rock. Billie Joe Armstrong (chant/guitare), Mike Dirnt (basse/chant) et Tré Cool (batterie/chant), accompagnés de leurs trois musiciens de tournée, ont livré pas moins de deux heures trente d’un show incroyable, alliant nostalgie, euphorie pop et véhémence punk.

The Interrupters a allumé la lumière

C’est avec le punk festif de THE INTERRUPTERS que débute cette soirée placée sous le signe de la célébration et de la bonne humeur. Les Angelins déroulent des morceaux aux refrains plus hymniques les uns que les autres, sourire aux lèvres, costumes et vestes en cuir en guise d’accoutrement. La chanteuse Aimee Allen et les frères Jesse (guitare), Justin (basse) et Kevin (batterie) Bivona sont accompagnés de Billy Kottage qui assure les parties de clavier et de trombone. Déjà là pour assurer la première partie de Green Day sur le Revolution Radio Tour en 2017, le quatuor renouvelle l’expérience devant un public parisien plutôt approbateur, comme le démontrent les premiers circle pits de la soirée enclenchés au bout de quelques chansons.

Très communicatif, le groupe remercie maintes fois Green Day et encourage l’audience à se joindre à la fête, en sautant, en tapant des mains, en ouvrant des pits. Il faut dire que son approche particulière du pop punk laisse difficilement impassible, et l’envie de danser s’empare facilement de la fosse. Les riffs de guitare sont souvent portés par des à-coups marquant les contretemps, confirmant les influences ska et reggae, surtout sur “Kiss The Ground” dont le croisement des genres musicaux aboutit à un résultat aussi original qu’entraînant. La voix grave et rauque d’Aimee Allen apporte quant à elle une énergie punk qui se marie parfaitement avec les harmonies incessantes de Jesse et Justin Bivona, symptomatiques du style pop punk.

The Interrupters poursuit son opération de séduction avec une reprise très catchy de “bad guy” (Billie Eilish). Un pari réussi pour achever de motiver un Accor Arena qui bouillonne déjà.

“Tonight is not a party. It’s a celebration”

La messe est dite. Ce sont en effet les mots de Billie Joe Armstrong lui-même, lâchés au beau milieu de l’explosive “Letterbomb”, qui décrivent le mieux la tonalité de la soirée. Il fallait s’y attendre : des bêtes de scène reconnues aux quatre coins de la planète qui jouent en live leurs deux albums les plus cultes dans leur totalité, le pitch a de quoi vendre du rêve. De la setlist à la scénographie, en passant par le jeu scénique et la mobilisation du public, GREEN DAY n’a pas fait semblant dans l’organisation de cette émouvante soirée d’anniversaire.

Une quinzaine de minutes seulement après la fin de la première partie, “Bohemian Rhapsody” (Queen) est diffusée en bande sonore et reprise massivement par un Accor Arena déjà plongé dans un intense état de nostalgie, suivie de “Blitzkrieg Bop” (Ramones) sur laquelle le groupe lâche les rênes de sa mascotte lapin ivre et titubante, introduction classique vieille de plusieurs années. Tandis que les écrans prennent vie, c’est un mash-up de “La Marche Impériale” (thème de Star Wars), “I Love Rock’n’Roll” (Joan Jett) et “We Will Rock You” (Queen, encore) qui poursuit le teasing, jusqu’à ce que les six musiciens déboulent enfin sur scène, ouvrant le concert avec “The American Dream Is Killing Me”, issu de l’album de 2024, Saviors. D’ailleurs, même si Dookie et American Idiot sont les stars de la soirée, Saviors a droit, en plus de l’ouverture, à quatre autres slots dans la setlist, servant de transition entre les deux parties du show : “Look Ma, No Brains!”, “One Eyed Bastard” (dont le riff ressemble toujours autant à celui du “So What?” de P!nk), “Dilemma”, puis “Bobby Sox”, elle placée en avant-dernière position.

Le double anniversaire est un prétexte fabuleux pour que l’audience puisse profiter des plus gros tubes du groupe : de “Basket Case” à “When I Come Around” sur Dookie, jusqu’aux mythiques “American Idiot”, “Holiday”, “Boulevard Of Broken Dreams” et “Wake Me Up When September Ends” présentes sur American Idiot, en passant par “Know Your Enemy” en milieu de set, le public s’en donne à cœur joie pour se bousculer, hurler les paroles, et ouvrir des circle pits à chaque occasion offerte. Ce n’est un secret pour personne : la musique de Green Day ruisselle de riffs entêtants, d’hymnes entraînants, de parties de batterie déjantées et de variations d’intensité. De quoi maintenir l’Accor Arena éveillé du début à la fin.

Même si l’ambiance est au rendez-vous sur toute la durée du concert, il est intéressant de constater l’évolution stylistique du trio pendant les dix ans qui ont séparé les parutions de Dookie et de American Idiot, évolution qui se ressent aussi dans les réactions des fans. Le premier est un disque fun et léger qui assume sans complexe sa pop punk authentique et spontanée, dont la reddition live invite à sauter dans tous les sens : “Longview”, “Welcome To Paradise”, “Basket Case”, “In The End” sont autant de morceaux dont s’empare la fosse pour se livrer à une danse collective faite de circle pits et de gesticulations sauvages. Sur American Idiot, cette joie protestataire et débridée est toujours là (“American Idiot”, “Holiday”, “St. Jimmy”, la fin de “Homecoming” chantée par Tré Cool), mais elle est renforcée par une approche plus progressive et solennelle du genre, avec des chansons dépassant les cinq minutes et proposant des imbrications de sections aussi différentes que complémentaires (“Jesus Of Suburbia”, “Homecoming”). À cela s’ajoutent les splendides transitions proposées par certains enchaînements : “Are We The Waiting / St. Jimmy”; “Give Me Novacaine / She’s A Rebel”. Cette maturation sonore se traduit également par des ballades aussi mélancoliques que cathartiques : “Boulevard Of Broken Dreams”, “Wake Me Up When September Ends”, “Whatsername”. Enfin, certains passages embrassent une lourdeur qui s’éloigne un peu de la pop punk classique et dévoilent une autre facette du rock de Green Day, comme le solo de guitare de “Give Me Novacaine”, ou l’outro de “Boulevard Of Broken Dreams”. De façon générale, American Idiot nous démontre que Green Day sait aussi prendre son temps, en plus de sa faculté déconcertante à produire des tubes de punk nerveux et effrénés. En résumé : un groupe qui épouse aussi bien la pop que le punk, capable d’étoffer sa musique d’ambiances plus heavy, et d’assumer un discours acerbe sur la vie politique (qui doit particulièrement bien résonner avec le public français actuellement) sans se prendre trop au sérieux.

Niveau scénographie, Green Day a mis le paquet tout en honorant l’univers respectif de chaque album. Ça vaut aussi bien pour les animations présentées sur les écrans, que pour les lumières et le décor en fond de scène : pendant Dookie, une sorte de drapeau triangulaire reprenant l’identité visuelle du disque; pendant American Idiot, un ballon gonflable de la forme de la main tenant un cœur ensanglanté présent sur sa pochette. Un avion gonflable fait le tour de la fosse pendant “Coming Clean” (Dookie), clin d’œil à sa propre pochette. Même Saviors a droit à des éclairages rosés lorsque ses chansons sont jouées. Billie Joe Armstrong troque quant à lui sa guitare bariolée pour une guitare rouge vif lorsque le groupe lance “American Idiot”. Les effets pyrotechniques ne manquent pas, et même si les feux d’artifice sont fréquents, ils ne cessent jamais de nous faire sursauter, ajoutant une couche à la spectacularité du show.

Pour compléter la qualité visuelle du concert, il s’agit de rappeler que Billie Joe Armstrong est un showman incontestable : il invective souvent le public, le fait chanter à coup de “Hey oh” rappelant la communication d’un Freddie Mercury, et, coup classique mais indémodable, fait monter une fan sur scène pendant “Know Your Enemy” (elle se jettera dans la fosse sur le dernier refrain). Son énergie et son charisme contagieux pourraient éclipser ses compagnons de scène, mais ceux-ci ne sont pas en reste. Surtout Tré Cool, qui s’illustre à plusieurs reprises par son jeu de scène aussi amusant que fédérateur, comme sa prestation en peignoir léopard sur “All By Myself”. Il termine le concert armé d’un seau, jetant des dizaines de baguettes de batterie au public.

En terminant le set avec “Good Riddance (Time of Your Life)”, Billie Joe Armstrong, muni de sa guitare acoustique, entouré de ses deux compagnons de route, s’adresse directement à nous, le visage marqué par l’émotion. Le groupe a droit à un tifo d’au-revoir et de remerciements, et c’est sur un moment de communion empreint de nostalgie que les fans répondent à la positive au message chanté par Billie Joe : “I hope you had the time of your life“.

Une nouvelle fois, Green Day est venu confirmer le caractère intemporel de sa musique, qui résonne comme un souvenir d’enfance ou d’adolescence pour plus d’une génération – comme le prouve la diversité des âges représentés dans la salle. Malgré ses trente-cinq ans de carrière, le groupe conserve une fraîcheur contagieuse qui réchauffe les cœurs et fige un sourire sur les visages des fans de la première heure et sur ceux de leurs enfants. On espère que la transmission générationnelle n’en est qu’à ses débuts !

Green Day Setlist Accor Arena, Paris, France 2024, The Saviors Tour

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