Ce vendredi, enfilons nos peaux de bête et direction l’Olympia qui accueille Heilung, la sensation folk venue du nord de l’Europe, pour un concert qui tient plus de l’expérience mystique et sensorielle que de la simple musique live.
Lili Refrain
À l’Olympia ce soir, il suffit de regarder les gens autour de soi pour comprendre qu’on va assister à une soirée sous le signe des traditions nordiques et du chamanisme. Des barbes longues, des tatouages runiques ou des tenues vikings, mais aussi pas mal de curieux venus découvrir le phénomène Heilung, qui fait beaucoup parler de lui sur la scène metal et folk.
Mais avant cela, place à LILI REFRAIN. On avait pu découvrir la multi-instrumentiste cet été au Hellfest, le même jour qu’Heilung justement. La voilà donc de retour pour les accompagner sur cette tournée. Sur la scène, la musicienne est seule avec sa guitare, des percussions, et surtout une loop station sur laquelle Lili Refrain enregistre sa voix pour créer des boucles en temps réel.
Le concept est vraiment très intéressant et les incantations de la chanteuse résonnent dans la salle en lui permettant d’abandonner le micro pour jouer de la guitare ou frapper sur son tambour avec un air envoûté. Sa musique ambiante, très “folk païenne“, qui sent bon les forêts du nord et les fjords nous ferrait presque oublier que la musicienne est en réalité… italienne !
Le public accueille très chaleureusement la prestation de Lili Refrain, visiblement très touchée, et continue même de l’acclamer une fois son concert terminé, lorsqu’elle revient sur scène chercher ses instruments.
Eivør
La soirée se poursuit sous le signe du folk 100 % féminin avec EIVØR, chanteuse venue tout droit des Îles Féroé. La chanteuse, accompagné d’un musicien derrière elle aux synthés, mélange chant folklorique aérien, long cris, voire même “beatbox mystique“, dans sa langue natale ou en anglais. Elle joue également de la guitare et manie les percussions à merveille, aussi bien le tambour que des percussions électroniques.
Certaines chansons comme “Lívstræðrir”, composée pour la série télé The Last Kingdom, font penser à Enya, à Dead Can Dance ou à d’autres bandes originales de film. Eivør nous entraîne avec elle et nos esprits quittent l’Olympia pour voyager dans les plaines des Îles Féroé, source d’inspiration de beaucoup de ses chansons, comme ce “Í Tokuni” très entraînant.
On aurait aimé que le passage sur scène d’Eivør dure encore plus longtemps mais “Trøllabundin” sonne déjà la fin de ce set passionnant qui aura émerveillé et transporté le public de l’Olympia.
Heilung
De l’avis de tous ceux qui ont déjà eu la chance de voir HEILUNG en concert, c’est un véritable voyage dans le temps et une expérience unique que l’on s’apprête à vivre ce soir. Sur scène, c’est un véritable décor de village tribal qui a pris place entre les sets : grandes branches, bois de cerfs et crânes d’animaux, tissus anciens sur les instruments.
Puis, dans le brouillard verdâtre qui recouvre la scène, un homme aux allures de chaman débarque pour “bénir” l’endroit et chacun des instruments en agitant une branche et de l’encens. Entrent ensuite en scène les seize (!) autres membres du groupe, musiciens ou danseurs, et tous se mettent en cercle pour continuer ce rituel. L’ambiance est religieuse sur scène comme dans le public : lorsque le chaman Kai Uwe Faust (chant) fait répéter une prière aux autres membres d’Heilung, une grande partie du public reprend cette prière en chœur. L’expérience Heilung va pouvoir commencer !
Les musiciens prennent place pour “In Maidjan” et le tonnerre de percussions commence (ils sont trois musiciens à frapper sur divers instruments, certains avec des os, d’autres avec des hochets en corne). Le chant des chamans Kai Uwe Faust et Maria Franz ressemble d’avantage à des incantations qu’à une chanson et le résultat est envoûtant. Dans la fosse, tout le monde danse et tape des pieds, comme si les gens se préparaient à un combat contre une tribu adverse. L’auditoire rentre à fond dans l’univers d’Heilung ce soir, et au début de “Asja”, quand le chanteur hurle à la lune comme un loup, et certains fans lui répondent même dans la salle en hurlant avec lui.
Un rituel magique et hors du temps
Une dizaine de guerriers entre ensuite en scène, armés de lances et de boucliers : hurlement, danse, tambours de guerre, tout le monde est prêt pour la bataille ! Lorsque les guerriers entament une sorte de “haka” en tapant le sol avec leurs lances après “Hakkerskaldyr”, l’audience leur répond en tapant des pieds avec eux. Mais cette ambiance mystique et ancienne n’est pas qu’un simple decorum, on la ressent aussi énormément dans la musique, et tout particulièrement grâce au chant guttural et diphonique de Faust, qui rappelle le chant des Mongols.
Le spectacle continue de plus belle avec de nouvelles mises en scène, comme cet étrange rituel pendant “Traust” où une des guerrières est attaché avec une corde puis “sacrifiée” par Faust, avant de renaître grâce à la magie de Maria Franz. On a l’impression de vivre une scène de la série Vikings ou du récent film The Northman. Heilung ne veut pas seulement nous faire vivre un concert mais une véritable expérience mystique. Le pari est réussi !
Il ne manquait plus qu’un petit peu de feu pour avoir un spectacle total ce soir, et c’est chose fait lorsqu’on apporte à Faust une torche au début de “Elddansurin”, dont il se sert comme instrument de percussion en frappant le bouclier qu’un guerrier à genoux tient au dessus de sa tête.
“Hamrer Hippyer” est le véritable bouquet final de ce spectacle époustouflant que nous offre Heilung ce soir. Tout le monde sur scène danse, chante, et crie dans une transe frénétique. On a qu’une envie : monter sur scène avec eux pour danser ! Mais ce seront plutôt les danseurs qui descendront avec nous dans la fosse. Le concert se terminera comme il a commencé, avec un rituel de fin dans le calme, qui laissera place à des applaudissements chaleureux de l’assistance, vraisemblablement transportée par ce show dantesque.
Heilung nous a fait vivre ce soir une expérience immersive hors du commun comme on a rarement la chance d’en vivre une en concert. On a vraiment l’impression d’avoir vécu un moment hors du temps, parmi les membres d’une vraie tribu et pas juste des musiciens nordiques avec des instruments folklorique (malgré tout l’intérêt qu’on peut porter à des groupes comme Wardruna). Heilung, ce n’était pas un simple concert, c’était avant tout une cérémonie à laquelle on a eu la chance d’être invité. Et on n’en ressort forcément un peu bouleversé !
