Passée l’édition XXL de 2022, le Hellfest dévoile sa nouvelle formule en 2023 avec un quatrième jour – moins dense – le jeudi. Au programme de ce jeudi, la dernière performance de KISS, des vampires californiens, les explosifs Parkway Drive, ainsi que des valeurs sûres telles que Behemoth et Amenra.
CODE ORANGE – (Mainstage 02) Code Orange avait la lourde responsabilité d’ouvrir le bal des Mainstages le jeudi. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe de Pittsburgh avait envie de galvaniser les foules. Ils ont offert une entrée en matière tonitruante, une explosion d’énergie portée par Eric Balderose et Reba Meyers. Eric s’est rapproché de chaque personne dans la fosse pour les pousser à laisser libre cours à leurs envies de pogo, et cela a fonctionné ! Leur mélange de hardcore rehaussé d’éléments plus indus est percutant. Les parties chantées par Reba apportent un bon contraste avec les passages plus énervés d’Eric. Les quelques problèmes de son ont trouvé une forme de résolution vers la moitié du set. Au fil des morceaux, les festivaliers semblaient de plus en plus captivés par l’intensité frénétique du groupe. Une belle manière de commencer les hostilités.
COHEED AND CAMBRIA – (Mainstage 01) Malgré les jeux de mots vaseux de certains (Coheed 19) ou autres, il s’agit ici d’un groupe datant de 1995 qui n’a jamais vraiment réussi dans nos contrées. Nous avons aperçu le batteur Josh Eppard dix minutes avant le spectacle, tout sourire, en train de prendre quelques photos du site et du public. Le sublime et complexe univers de science-fiction créé par Claudio Sanchez (chant/guitare) est tellement riche qu’il est impossible de le résumer en quelques mots (cf The Amory Wars). Cependant, il faut savoir que tout tourne autour de cela, que ce soit les paroles, les concepts de chaque album ou la gamme de bandes dessinées qu’il co-écrit avec sa compagne Chondra Echert.
Et cela démarre directement avec deux titres du très bon dernier album Vaxis II: A Window Of The Waking Mind (2022), à savoir “Beautiful Losers” et “Shoulders”. La finesse des compositions fait mouche avec l’efficacité des riffs. Bien que nous regrettions la moue un peu bougonne de Claudio (mais qui finira tout sourire, fort heureusement), sa voix un peu sous-mixée et l’omniprésence d’une caisse claire qui prend trop de place, quel plaisir de les retrouver enfin ! L’enthousiasme orgasmique un peu fou du possédé Josh Eppard derrière les fûts contraste avec le discret Zach Cooper, qui rappelle un certain et très regretté Mike Porcaro (Toto) avec son jeu tout aussi délicat. Alors que nous avons droit à la première lance à eau des quatre jours, le hit du groupe “A Favor House Atlantic” fait bouger tout le monde, que ce soit sur scène ou dans la fosse. L’intro de “In Keeping Secrets Of Silent Earth: 3” est chantonnée par les premiers rangs, qui s’extasient à juste titre devant un groupe que l’on voit trop peu compte tenu de la qualité qu’il recèle. Le set trop court des Américains (quarante minutes) se termine sur un intense “Welcome Home” sur lequel personne n’arrive à ne pas headbanger (vous suivez ?). À noter le superbe backdrop illustrant la nouvelle tournée No World For The Waking Mind.
I PREVAIL – (Mainstage 02) La violence monte d’un cran avec I Prevail. Le groupe ne laisse aucun répit au public. Des gros riffs, une basse bien présente et une batterie qui martèle un rythme effréné. L’ambiance devient vite électrique. Au chant, c’est une démonstration technique. Passant du chant clair mélodique aux growls bien intenses, les Américains prouvent que la scène metalcore a encore de beaux jours devant elle. Comme si cela ne suffisait pas, le groupe en rajoute une couche en se lançant dans une reprise de System Of A Down. Tout le Hellfest prend plaisir à chanter à tue-tête les paroles de “Chop Suey!”. Une belle transition pour amorcer “FWYTYK”. La fosse est déjà bien en transe quand retentit le début de “Raining Blood” de Slayer. Un bonus supplémentaire pour un auditoire qui n’en demandait pas tant.
GENERATION SEX – (Mainstage 01) Le supergroupe Generation Sex prend la relève de I Prevail sur la Mainstage. Il leur est difficile de rivaliser en termes d’énergie et d’explosivité. En combinant un peu de Generation X et un peu de Sex Pistols, on obtient un quatuor prêt à faire revivre les heures de gloire de ces deux groupes mythiques. Vêtu d’un T-shirt blanc sur lequel deux pénis roses forment un X, Billy Idol se lance dans “Ready Steady Go”. L’audience n’est pas très réceptive. La prestation manque un peu de relief pour ces papys du rock. Derrière eux défilent les images des membres dans leur jeunesse. Le contraste est saisissant. La setlist est pourtant un best of des groupes qui ont marqué plusieurs générations. La sauce prend un peu plus sur l’irrésistible “Dancing With Myself”, mais le groupe ne parviendra jamais réellement à convaincre.
DVNE – (Valley) La Valley sans sa tente mystique présente une toute autre expérience en 2023. Au lieu de se retrouver dans un cocon feutré pour apprécier la prestation de DVNE, c’est à ciel ouvert que se déroule le spectacle. Forcément, le jeu de lumière préparé par le groupe écossais en pâtit un peu. Cela joue sur sa capacité à captiver une audience de plus en plus exigeante pour cette scène qui s’enrichit chaque année de nouveaux groupes. La formation est connue pour ses compositions épiques, mêlant des éléments de doom metal, de post metal et de sludge, avec des passages instrumentaux progressifs et des transitions dynamiques. La maîtrise technique des Écossais est indéniable, et leur capacité à communiquer avec les festivaliers aide à créer une connexion avec l’assemblée. Les guitares produisent des riffs lourds et mélodiques, tandis que la section rythmique offre une base solide et puissante. Les vocaux sont variés, allant des chants clairs et éthérés aux growls et aux screams intenses. Si les passages plus lourds et violents fonctionnent très bien, le groupe peine un peu à convaincre dans les passages clairs.
IN FLAMES – (Mainstage 02) Bien qu’ils ne soient plus têtes d’affiche comme en 2008, les Suédois d’In Flames méritent amplement leur créneau de 19h40 sur la Mainstage 02, notamment grâce à leur excellent album Foregone (2023). Le son est hallucinant, à la fois puissant et clair. Les deux seuls membres originaux du groupe, Anders Fridén (chant) et Björn Gelotte (guitare), semblent en grande forme, comme en témoigne la magnifique surprise avec le sublime titre “Everything’s Gone” en deuxième position. Cette rythmique inversée de double pédale est toujours un régal pendant les couplets. Quelle puissance ! Ils nous ravissent également avec “Darker Time”, un petit bijou rare de Sounds Of Playground Fading (2011), où Anders demande au public d’applaudir le superbe solo de son acolyte Björn. Et que dire de l’ancienne chanson “Behind Space” que le frontman taquin nous met au défi de reconnaître. L’athlétique Américain Chris Broderick (ex-Megadeth, ex-Nevermore, entre autres) livre ses solos avec aisance et sourire. Les slams s’enchaînent tout comme les tubes, que ce soit le collectif “Only For The Weak” ou “Cloud Connected” avec son intro électro. Les trois titres du dernier album, à savoir “The Great Deceiver”, “Foregone Pt.1” et “State Of Slow Decay”, s’adaptent parfaitement en live, avec une mention spéciale pour ce dernier.
Anders, toujours souriant, présente ses camarades, en mettant l’accent sur Liam Wilson (ex-The Dilling Escape Plan), le nouveau bassiste qu’il considère comme le véritable héros du jour. En effet, suite au départ soudain de Bryce Paul, Wilson est arrivé en urgence (le Hellfest étant seulement son deuxième concert avec In Flames en tant que membre temporaire). Même si des titres tels que “My Sweet Shadows” ou encore “Pinball Map” auraient pu enflammer l’assemblée, le trio final composé de “The Mirror’s Truth” (meilleur morceau de l’album A Sense Of Purpose (2008)), “I Am Above” et “Take This Life” est tout simplement imparable. Cinquante minutes qui envoient du lourd, sans répit ou presque.
LUDWIG VON 88 – (Warzone) Les vétérans du punk français viennent enflammer la Warzone avec leur musique décalée et empreinte d’humour. Dès les premiers morceaux “HLM” et “Oui Oui Et La Voiture Jaune”, les paroles satiriques et l’approche ludique de la musique de Ludwig Von 88 séduisent une partie du public tandis que d’autres restent perplexes. Il faut dire que la joyeuse bande ne fait pas les choses à moitié. Leur style vestimentaire inimitable, leurs joutes verbales provocantes et leurs blagues à tout instant font de Ludwig Von 88 une expérience loufoque. Le groupe pousse la Warzone dans ses retranchements avec le morceau “Bilbao” où le Sergent Garcia peut se laisser aller à des digressions musicales. Les Français se lancent alors dans du ragga muffin. Cela groove et cela met de l’ambiance dans la fosse, tandis que certains observateurs perplexes se demandent ce qui se passe. Un bon moment de divertissement avec ces punks qui osent tout sur scène.
HOLLYWOOD VAMPIRES – (Mainstage 01) Pour être clair, c’est plus par curiosité que par réel intérêt musical que beaucoup de personnes souhaitent voir et écouter Hollywood Vampires, ce “super” groupe formé par Alice Cooper, Joe Perry d’Aerosmith et l’attraction principale, la star de cinéma Johnny Depp. D’un côté, cela ressemble à un caprice de star, mais d’un autre côté, eh bien, il fait ce qu’il veut, il a la chance de pouvoir assouvir sa seconde passion. Ce groupe, sorte de “Rat Pack” actuel (1) (club des années 50 réunissant des stars populaires de l’époque telles que Frank Sinatra, Dean Martin ou encore Sammy Davis Jr.), reprend essentiellement des succès des années 70, ainsi que quelques compositions dans un univers légèrement horrifique, comme le montre la superbe vidéo d’introduction présentant les musiciens avant leur entrée en scène.
Les deux premiers morceaux originaux sont un peu fades, mais on rentre réellement dans le vif du sujet avec “I’m Eighteen”, où le frontman a emmené bon nombre de musiciens de son propre groupe (le toujours souriant Glen Sobel à la batterie, ainsi que Tommy Henrikssen à la guitare, le quatrième membre “officiel” de Hollywood Vampires). La “star” Depp, avec son look vestimentaire que seule une rock star peut se permettre (et quel magnifique bonnet jamaïcain), chante le titre évocateur “People Who Died”, initialement interprété par The Jim Caroll Band. En effet, tout au long de la chanson, des images de nombreux musiciens récemment disparus défilent sur les écrans (RIP Eddie Van Halen), renforçant les paroles “Those are people who died, died, They were all my friends, and they died“.
Avec un pied dans le plâtre, Depp parle plus qu’il ne chante, ce qui peut agacer avec son attitude de rockstar en surenchère perpétuelle, peu importe le geste qu’il fait. Lorsque le très talentueux Richard Fortus (Guns N’ Roses) le fait, cela passe, mais là. Depp allume même un cigare nonchalamment, retire sa veste avant le culte “Baba O’Riley” (The Who). Si Joe Perry reste plus discret que d’habitude, notamment avec son vrai groupe, malgré une bonne intervention sur le dispensable “Boogieman Surprise”, on remarque que les guitaristes sont constamment filmés en gros plan, sans jamais avoir de plans larges sur leurs guitares. La raison en est que leur matériel a été bloqué en Serbie, et KISS a eu la gentillesse de leur prêter leurs instruments, mais contractuellement, ils ne doivent être filmés qu’avec les musiciens en costume.
L’ambiance a du mal à décoller, même si Depp s’en sort “pas trop mal” sur la deuxième partie de “Heroes”, où il ne s’agit plus de murmurer dans le micro (vous avez compris), mais de chanter vraiment. Il intervient également sur le rythmiquement entraînant “The Death And Resurrection Show” de Killing Joke, un titre qu’il a enregistré par le passé avec Jeff Beck.
“Walk This Way”, toujours très attendu, et “The Train Kept A-Rollin'”, également souvent repris, font un bien fou avant le final “School’s Out”, qui intègre un extrait de “The Wall” de Pink Floyd. C’est à ce moment-là que Vincent Furnier présente les musiciens, mais cela ne semble pas du tout spontané lorsque vient le tour de présenter Johnny Depp, qui est “occupé” à autre chose sur le côté de la scène à ce moment précis et qui fait semblant d’être contraint de venir se faire applaudir par le public (tellement il est timide). À la fin du spectacle, Depp demande à un technicien de lui donner des médiators à lancer au public, en vain. On ressent donc un sentiment mitigé : on a certes passé un bon moment grâce aux morceaux cultes, mais surtout on constate que le statut de Depp lui permet de tout faire et que tout le monde trouve cela “génial“, avec cette forte impression que tout le monde lui lèche les bottes au point que cela en devient ridicule (après tout, il chante moyennement et ne fait pas de vrais solos, sauf erreur).
(1) Le nom provient d’un club composé de Cooper, Keith Moon, Ringo Starr, Micky Dolenz et Harry Nilsson, dont le but était de faire la fête toute la nuit de manière à être incapables de se lever le matin, comme des vampires.
KISS – (Mainstage 01) You want the best, you got the best, the hottest band in the world… KISS! C’est la cinquième et dernière fois que cette introduction résonne à Clisson. Le groupe américain clôture la Mainstage 01 pour cette première journée. La tournée mondiale End Of The Road continue et devrait donc se terminer cette année. Le quatuor, maquillé en blanc et noir, range les artifices et les paillettes après avoir donné des spectacles pendant un demi-siècle.
C’est une occasion unique pour ceux qui n’ont jamais vu Paul Stanley (chant/guitare), Gene Simmons (basse), Tommy Thayer (guitare) et Eric Singer (batterie) d’assister à leur dernier concert en plein air en France. Même si la magie se lit dans les yeux de nombreux fans, le spectacle en lui-même, pour les plus fidèles, est – à quelques détails près – identique à leurs précédentes performances.
Les classiques intemporels tels que “Detroit Rock City”, “Love Gun”, “I Was Made For Lovin’ You” et “Rock And Roll All Nite” enflamment la piste de danse. Cependant, la dynamique du spectacle est assez lente et parfois pénible. Même si Paul ne possède plus sa voix d’antan, il maintient un niveau correct. On perçoit tout de même une fatigue physique chez Paul, Gene et Eric.
Malgré l’absence de la tyrolienne traversant la foule, KISS assure un spectacle visuellement impressionnant. Leurs mélodies emblématiques nous font presque oublier leurs âges. Pour leur dernière performance au Hellfest, on pourrait leur attribuer un “bien, mais ce n’était pas leur meilleure prestation au HF“. Il est tout de même difficile de réaliser que nous ne verrons plus ce groupe mythique sur scène (à moins que… mais cela ne serait pas dans leur intérêt, ou peut-être une nouvelle génération de KISS ? Rien n’est certain). Merci de nous avoir fait rêver et d’avoir écrit de belles pages de l’histoire du rock.
HYPOCRISY – (Altar) Les Suédois d’Hypocrisy investissent la scène peu avant 23h, sur l’intro familière de “Fractured Millenium”. Habituellement joué plus tard dans la setlist, “Adjusting The Sun” débute également le concert. Le pont instrumental de ces titres ne ménage pas vraiment nos cervicales. Ensuite, le hit “Eraser” achève le travail. Le backdrop reprend l’excellent artwork du dernier album Worship (2021). La setlist fait davantage office de best of que de support au disque, avec seulement deux titres de celui-ci. Cela est probablement dû au temps imparti d’une heure et au format festivalier. Le son est excellent et Henrik assure totalement, que ce soit en termes de précision ou de puissance. Encadrée par deux énormes logos métalliques, la batterie est visuellement accessible à tous, bien qu’elle soit régulièrement noyée par des fumigènes.
Peter Tägtgren harangue le public, et sa notoriété (Hypocrisy, Pain et récemment ex-Lindemann) lui permet de le tenir dans la paume de sa main sans difficulté. L’intensité palpable du frontman lors de “Chemical Whore”, un nouveau titre qui critique vivement la gestion de la pandémie de la COVID 19 par les gouvernements, est remarquable. Peter est une personne qui semble avoir des tendances complotistes (à tort ou à raison, ce n’est pas le sujet), tout comme sur le thème central d’Hypocrisy, à savoir les ovni. L’un de ses livres de chevet est notamment Communion (1987) de Whitley Strieber, un livre non-fictionnel très intéressant sur les enlèvements par des extraterrestres.
Le riff destructeur de “Don’t Judge Me” de l’album Catch 22 (2002) déchire la fosse dans un élan démoniaque, tout comme le furieux “War-Path” déclenche un bon circle pit. Le rythme ralentit enfin avec “The Final Chapter”, un morceau d’une lourdeur malsaine et prenante. Comme souvent, le spectacle se termine avec “Roswell 47”, le bien nommé. Sans fioritures, Peter et ses acolytes nous ont balancé un best of d’une heure de ce qui est, n’oublions pas, un élément fondateur et pionnier du style musical scandinave.
Ndlr : Malheureusement, quelques jours après, nous avons appris que Tomas avait été victime d’une crise cardiaque à Hanovre, où il a été hospitalisé en urgence. Au moment où on écrit ces lignes, il est heureusement hors de danger et a pu rentrer chez lui en Suède.
AMENRA – (Valley) Amenra prend place sur la scène de la Valley, tandis que les échos du concert de KISS sur la Mainstage se font entendre. Dès les premières minutes, il est clair que le manque de tente va poser problème. La musique d’Amenra repose sur des contrastes, passant de l’ombre à la lumière. Les passages clairs, avec le chant parfois presque susurré de Colin, sont difficilement audibles face à la pluie d’artifices du quatuor américain. Le public a du mal à se plonger dans le concert, et les conversations entre festivaliers prennent le dessus sur la musique. L’impact visuel du groupe est également diminué par l’absence d’obscurité. Sur scène, rien ne semble perturber le groupe qui offre une belle prestation. L’enchaînement de “Plus Près De Toi” avec “Am Kreuz” est particulièrement jouissif. Ces deux morceaux sont d’une rare intensité, avec des passages plus calmes poignants. Les musiciens semblent bien connectés et montrent un engagement total à chaque instant, ce qui rend le concert encore plus frustrant.
BEHEMOTH – (Temple) Minuit, l’heure des sorcières au Hellfest ? Pas exactement, mais presque, car c’est l’heure de passage des Polonais de Behemoth, qui vont nous offrir l’un des meilleurs shows de tout le week-end (et nous ne sommes pourtant que jeudi). Semblant avoir oublié qu’ils ne jouent pas sur la Mainstage, ils ont conservé la même production, mais sur la Temple ! En plus des habituels pieds de micro caractéristiques, nous avons eu droit à de nombreuses pyrotechnies. Nous remarquons également deux plateformes sur échafaudages de chaque côté de la scène, que les musiciens rejoignent via un escalier caché. Cela leur permet d’être en hauteur et de dominer l’assistance, accentuant ainsi, s’il en était besoin, l’impression de puissance et de grandeur de ce groupe hors normes. Et quel début ! Entre l’introduction angoissante mêlant ombres chinoises et projections d’images (dont une placée derrière Inferno et sa batterie imposante, donnant une impression gargantuesque du batteur) et “Ora Pro Nobis Lucifer”, qui à elle seule est un best of du groupe, nous comprenons rapidement que les musiciens ne sont pas là pour plaisanter. Si la batterie, avec sa double pédale, manque un peu de puissance et de basse (ce qui est ironique compte tenu du niveau technique chirurgical d’Inferno), le rendu est tout simplement incroyable.
L’intensité légendaire de Nergal (chant/guitare) n’est plus à prouver, et “Conquer All” porte bien son nom (ndlr : oui, le riff principal rappelle beaucoup celui de “Be All, End All” d’Anthrax), tout comme le sérieux d’Orion (basse). “The Deathless Sun”, issu du dernier excellent opus Opvs Contra Natvram (2022), avec son refrain hurlé “I’m Nothing! I’m No One!“, ne laisse personne indemne. Orion et Seth (guitare) montent sur les plateformes lors de l’introduction de “Blow Your Trumpets Gabriel”, laissant l’espace central libre pour des jets de flammes. Après un discours passionné, comme il sait si bien les faire, Nergal demande à tout le monde de battre des mains sur “Once Upon A Pale Horse”. Le blast beat est à nouveau mis à l’honneur sur “Daimonos” (de l’album Evangelion (2009)). Nergal revêt un nouveau costume pendant que ses compères brandissent des torches lors de l’introduction au piano de “Versvs Christvs”, dont le refrain est repris en chœur par les fans. Le couplet, toujours au piano, permet de souffler tout en maintenant cette ambiance oppressante omniprésente. “Ov Fire And The Void” détruit tout sur son passage, au rythme des positions de guitare de Nergal, qui revêt ensuite sa belle tenue de pape/ecclésiastique sur “Bartzabel” (et c’est plus effrayant qu’avec Ghost), montant à son tour sur la plateforme de droite pour délivrer sa bonne parole. L’incontournable “Chant For Eschaton 2000” et sa montée en puissance avant l’explosion est totalement orgasmique pour le public présent, et il est très difficile de ne pas se laisser emporter par une telle démonstration de puissance.
KATATONIA – (Altar) Si Katatonia a connu plusieurs changements de membres au cours de ses trente-deux années d’existence, on peut dire qu’ils étaient plutôt bien lotis lors de cette tournée en soutien à leur dernier album, Sky Void Of Stars. Anders Nyström (guitare et co-fondateur du groupe) avait dû décliner sa participation et avait été remplacé par Nico Elgstrand (Entombed AD), qui lui-même était absent ce soir-là. En conséquence, les parties de Nyström ont été diffusées en bande pendant les morceaux, ce qui explique pourquoi Roger Ojersson (guitare/chœurs) se tourne parfois vers la batterie pendant un solo (qu’il ne joue donc pas). Le line up présent pour défendre le dernier album, avec cinq titres au programme de ce soir, se résumait donc à Jonas Renkse (chant), Roger Ojersson, Niklas Sandin à la basse et Daniel Moilanen derrière les fûts. À cette heure avancée et avec les lumières tamisées chères au frontman, on sentait que la soirée serait réservée aux fans et qu’elle serait à la fois intime et transcendante, comme c’est souvent le cas avec les Suédois.
Caché derrière ses cheveux et éclairé de manière subtile, Jonas nous lance un “Pray Satan” avant de se lancer dans le lourd et hypnotique “Colossal Shade”, l’un des joyaux du dernier disque. Le son est clair et net, en grande partie grâce à la précision de Moilanen. De nature timide et peu loquace sur scène, Jonas enchaîne les titres assez rapidement dans l’atmosphère mélancolique si caractéristique de la musique de Katatonia : “Birds” du dernier album, “Behind The Blood” de l’inégal City Burials (2020), ainsi que le martelant “Forsaker” issu de Night Is The New Day (2009), que l’on considère tout simplement comme le chef-d’œuvre de Katatonia de ces quinze dernières années, tant par la qualité constante des compositions que par l’ambiance et la finesse des titres. Jonas fait applaudir le public présent, attentif et recueilli, sur “Opaline”, encore un nouveau titre qui, au début du refrain, dégage (presque) un sentiment d’espoir. Tout simplement beau et magnifique.
Avec humour, Renkse présente “My Twin” de The Great Cold Distance (2006) comme “le seul tube que nous ayons jamais eu” et nous demande de chanter tout le morceau avec lui. Il faut dire que ce titre approche la perfection dans son style (et reste pour nous LE titre du Hellfest 2008). L’Altar se transforme en une sorte de spectacle sonore extatique où les spectateurs se balancent, comme en transe, et la voix si belle et émouvante de Renkse transporte tout le monde. Le groupe invite le public à reprendre le thème très mélodique de “Old Heart Falls”, suivi de “Soil’s Song” et de l’incontournable et puissant “July”, tous deux extraits de The Great Cold Distance. Le concert se termine sur “Evidence” du célèbre Viva Emptiness (2003), sous des applaudissements sincères. Il faut aimer pour “entrer dedans” et admirer ce groupe aux qualités indéniables, savourer le chant de Jonas Renkse, l’âme de Katatonia (qui sévit également dans Bloodbath en tant que bassiste), mais c’est toujours un grand moment. Le seul regret est de constater que le groupe n’a pas davantage exploité le volet visuel (pour dynamiser l’ensemble) avec leurs vidéos souvent riches et esthétiquement réussies.
PARKWAY DRIVE – (Mainstage 02) La tête d’affiche de cette première journée est très attendue. Le public s’est massé autour des Mainstages pour voir un groupe réputé pour ses shows spectaculaires. Des silhouettes apparaissent avec des torches, créant une atmosphère légèrement mystique qui gagne en intensité lorsque le groupe déboule sur scène avec “Glitch”. Winston McCall (chant), vêtu tout de blanc, attire tous les regards. Derrière lui, les jeux de lumière sont hypnotisants. L’utilisation du feu semble avoir cédé la place à des luminaires plus modernes. En ce qui concerne la setlist, chaque titre est un uppercut. Les singles de leur précédent album fonctionnent toujours aussi bien sur scène et le public ne se fait pas prier pour poger dans tous les sens. Une véritable joie émane de cette fosse en délire. Le très accrocheur “Vice Grip” provoque un véritable raz-de-marée parmi la foule. Les chœurs se font de manière naturelle et le groupe semble ravi de l’effet produit. Le guitariste de Parkway Drive est particulièrement mis en avant lors de ce set. À plusieurs reprises, il se retrouve dans un faisceau de lumière pour jouer des solos de guitare, renforçant ainsi l’efficacité de ces lignes de guitare particulièrement accrocheuses.
Le groupe aime surprendre. Il revient sur scène avec un trio de violonistes pour interpréter “Shadow Boxing” et “Darker Still”. La scénographie est sublime et captive totalement le public. Rejouer le titre éponyme du dernier album est un véritable défi. Le chant de Winston laisse parfois à désirer sur les lignes de chant clair, mais il compense en utilisant un growl ou des cris pour tenir les notes finales. Toujours aussi généreux avec ses fans, Winston descend dans la fosse. En équilibre sur des volontaires du public, il continue de chanter tout en serrant le maximum de mains. Les festivaliers le remercient chaleureusement pour ce moment de partage unique.
La formation fait une courte pause avant de revenir sur scène avec les mêmes silhouettes et torches qu’au début du set. Vient alors le moment tant attendu par les fans : “Crushed”. Le feu reprend une place centrale dans la scénographie, ajoutant une dimension grandiose à la chanson. Une prestation exceptionnelle pour un morceau incroyablement efficace. Le temps réglementaire semble écoulé, mais Parkway Drive n’est pas prêt à quitter la scène. Ils invitent le public à chanter avec eux “Wild Eyes”, simplement, sans fioritures, juste le groupe et le public. Un moment de connexion magnifique entre le public et le groupe, pour un concert mémorable.
Peu importe l’endroit où se trouvait le public en ce jeudi soir, le constat est sans appel : tout le monde a reçu une bonne claque. Après avoir découvert les nouveaux aménagements et surmonté les premières critiques, la musique reprend le dessus. Le début est explosif ! Bonne nuit.
Jour 1 – Jour 2 – Jour 3 – Jour 4 – Bilan
Reports : Marion Dupont, Fabien Durand, Chante Basma
Photos : Emilie Bardalou
1 Commentaire
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DVNE est un groupe ECOSSAIS et non français, quoique le guitariste parlait un français parfait.
Merci pour cet excellent récap et ces photos.