ReportsSlideshow

IDLES @ Zénith (07/03/24)

Quel début d’année pour IDLES ! Désormais auréolée d’une très belle réputation scénique dans nos contrées, la formation de Bristol donnait rendez-vous à ses fans au Zénith de Paris. Répondant en masse à l’appel, ces derniers n’ont pas laissé une place de libre, désireux d’entendre ce que le récent album TANGK pouvait donner en live.

Ditz

Pour commencer cette soirée sous les meilleurs auspices, la tête d’affiche du jour a décidé de confier l’ouverture à leurs compatriotes DITZ. Tout sauf une surprise, tant Joe Talbot les a à plusieurs reprises encensés. Les cinq boys de Brighton font en tout cas une entrée remarquée, puisque leur chanteur décide de descendre de scène pour rejoindre le fond de la salle. Micro en main, il traversera dans le sens inverse sous les notes lancinantes de ses camarades. Il se dégage un contraste saisissant entre la nonchalance affichée par les musiciens et la lourdeur du son qu’ils envoient. La section rythmique y est pour beaucoup, bien accompagnée par deux guitaristes parsemant les morceaux de riffs originaux (“Ded Würst”). Le sombre post punk se démarque par une tension constante frappée par quelques sursauts noise bienvenus.

Pourtant, plus que les changements de rythme, la foule reste captivée par le charisme de Callum Francis. Évoquant fortement Julian Casablancas de The Strokes par son timbre et son attitude désinvolte, il y a quelque chose d’assez fascinant à le voir évoluer. Malgré des compositions sur courant alternatif, son magnétisme nous pousse à rester attentifs, afin de guetter ses envolées empreintes d’une douce folie. Il parviendra notamment à diviser la foule pour un wall of death avec une nonchalance assez légendaire. Si les DITZ doivent passer un cap dans leurs compositions studios, ils ont assurément montré ce soir un potentiel scénique vraiment intrigant.

IDLES

Les moins familiers du répertoire récent d’IDLES pourront être déstabilisés par l’ambiance feutrée accompagnant l’entrée en scène. Cette retenue s’inscrit pourtant dans la lignée de TANGK, le disque le plus expérimental et atmosphérique à ce jour. Prolongeant l’expérience studio, c’est “IDEA 01” qui ouvre le bal. Malheureusement, la subtilité entrevue sur album est noyée dans un mix approximatif, qui ne permet pas de profiter du moment. Malgré ce faux départ, le groupe utilise sa seconde cartouche avec son historique morceau d’ouverture “Colossus”. La performance est toujours aussi calme, mais beaucoup plus assurée. Aussi, quand Joe Talbot lance son pied de micro en coulisse, le message est clair : tout est prêt pour passer dans une autre dimension ! Les premiers rangs rentrent alors de plain-pied dans l’essence même d’un concert d’IDLES : l’énergie dégagée.

La fosse commence son échauffement sur le meilleur morceau de sa récente sortie “Gift Horse”, déjà copieusement repris. Si cette nouveauté séduit, les plus anciens titres “Mr Motivator” et “Mother” achèvent d’amener le show vers un déluge d’énergie. Et quelle ambiance ! La fosse est particulièrement survoltée, et forme de nombreuses vagues venant s’écraser contre les barrières. La bienveillance est heureusement de rigueur, que ce soit pour relever un spectateur ou pour redonner des effets personnels perdus dans le feu de l’action. L’accalmie de “Car Crash” est ainsi l’occasion de faire un constat (à l’amiable) que tout le monde est prêt à poursuivre la soirée dans les meilleures conditions.

Un rythme survolté

Il faut dire que le dosage du rythme est réalisé avec brio, permettant au plus grand nombre de tenir la distance durant les vingt-quatre (!) chansons interprétées. Le rappel ? Pourquoi faire ? Le groupe préfère accorder des accalmies via des morceaux mid-tempos à l’ambiance brumeuse, ponctuellement accompagnés d’un saxophoniste (“POP POP POP”, “The Beachland Balroom”). Ces moments contrebalancent le rythme effréné imprimé par la formation. Il est d’ailleurs assez marquant de constater le nombre de morceaux incendiaires du répertoire. Le single “Dancer” réussit quant à lui son baptême du feu, se posant comme un futur incontournable au milieu des “Television”, “Crawl!” ou encore la pépite “1049 Gotho”. Mais la palme revient ce soir à “Never Fight A Man With A Perm” qui transforme la fosse du Zénith en un tourbillon dantesque de sueur et de sourires.

Seul bémol, on ressent malgré tout que les titres plus calmes n’exploitent pas encore leur plein potentiel (“Grace”, “Roy”, “IDEA 01”). Mais comment bouder notre plaisir face à la générosité d’un groupe qui ne s’économise jamais ! Son frontman, bandeau vintage vissé sur le front, est parfait dans son rôle de “Mr. Motivator”, incarnant la frénésie qui découle de sa musique. Les guitaristes sont comme de coutume déchaînés, slamant et jouant en plein cœur des mosh-pits. Une belle démonstration d’un groupe toujours connecté à sa fanbase.

Égalité, fraternité, IDLES

Sur scène, le message est également à l’unité. Jamais blasé, Joseph Talbot prend une fois de plus le temps de remercier chaleureusement toutes les parties prenantes de leur succès. De ses acolytes au tour manager, sans oublier bien évidemment le public (et en français !). “Bonsoir mes amis, enchantés, je m’appelle Joseph. Nous sommes là grâce à vous“, récoltant une belle ovation. Une chose est sûre : le succès n’a absolument pas entamé l’activisme du groupe. La setlist fait toujours la part belle à la lutte contre la masculinité toxique (“Samaritans”), l’establishment monarchique (“Fuck The King” fait presque office de signature à ce stade) sans oublier l’intolérance et l’oppression.

La formation adressera de nombreux messages de soutien aux civils palestiniens, les amenant à changer une partie des paroles sur “The Wheel” (“Can I get a hallelujah ? Viva Palestina“) ou sur l’immense “Dany Nedelko”. L’occasion d’apprécier une nouvelle fois l’extraordinaire tirade constituant son refrain “La peur mène à la panique, la panique mène à la douleur. La douleur mène à la colère, la colère mène à la haine“. Comme de coutume, le clou est définitivement enfoncé avec l’antifasciste “Rottweiler”. Sa conclusion donnera l’opportunité à Mark Bowen de se muer en tribun, déclarant qu’IDLES sera toujours du côté de tous les opprimées. Ce monologue enflammé se termine dans un furieux jam libérateur qui parachève une prestation dantesque.

IDLES est définitivement un groupe généreux, et nous l’a montré ce soir durant ces deux heures de show ininterrompu. On pardonnera bien volontiers les quelques errements sur les morceaux les plus calmes, qui devraient bénéficier de la longue tournée qui se profile pour gagner en consistance. Les Anglais ont en tout cas montré qu’ils avaient les épaules pour remplir un Zénith, et c’est une excellente nouvelle pour le rock en France. Rendez-vous cet été pour succomber à nouveau aux hymnes de cette belle success story.

IDLES Setlist Le Zénith, Paris, France 2024, LOVE IS THE FING

Ecrire un commentaire