Pour commencer l’année 2025, direction la Salle Pleyel, où James Bay a décidé de lancer sa tournée européenne. Autant dire que nous avions hâte d‘y découvrir l’album Changes All The Time (2024), salué dans nos colonnes. Des couleurs automnales aux frimas de l’hiver, la scène saura-t-elle rendre justice à ce disque ?
Áine Deane
Alors que la foule se presse à l’intérieur de la salle pour échapper au froid, elle ignore encore qu’elle s’apprête à y trouver une nouvelle bouffée de fraîcheur. L’inhalateur réside en la personne d’une pétillante Anglaise de 22 ans. Prenant le contrepied des arrivées instrumentales, AINE DEANE choisit d’introduire son set par une présentation en bonne et due forme. Ses nombreuses tirades enthousiastes la rendent instantanément sympathique et font écho à des compositions rappelant la Taylor Swift des débuts (“Gut Feeling”). Assurant seule son accompagnement, elle passe de la guitare à de jolies ballades au piano, avec un remarquable sens du storytelling (“if you called me today, I would come back tomorrow”).
La jeune femme nous confie qu’elle estime que sa mission est de réchauffer nos cordes vocales. C’est dans cet esprit que Deane nous offre une interprétation pleine de grâce du tube “Stick Season” de Noah Kahan. Une perche dont ne s’empare malheureusement pas le public, appréciateur mais peu vocal. Ce manque de décibels ne semble toutefois aucunement désarçonner celle qui a déjà ouvert pour Sam Smith. Sa persévérance finira par payer en fin de set, où les timides chœurs sur l’inédite “Alice” serviront de tremplin à un clapping nourri sur la belle conclusion “World’s Most Famous Mistake”. Une belle première impression, qui se poursuivra pour notre part sur les plateformes de streaming. Montez à bord du wagon, il y a fort à parier qu’on n’a pas fini d’entendre parler d’Áine Deane !
James Bay
Après une demi-heure d’attente, quatre musiciens profitent de la soudaine obscurité pour prendre possession des lieux. La pression monte au gré des notes, entrecoupées d’éclairs rouges. Sans surprise, c’est finalement une cinquième silhouette, ornée d’un chapeau, qui met la salle en émoi. Les riffs de guitare sont alors rejoints par les encouragements de JAMES BAY, qui lance son show sur “Up All Night”. Debout toute la nuit, vraiment ? Joignant la parole au titre, l’artiste annonce tout sourire qu’il nous présente son plus long show jamais joué. La promesse est belle, et le numéro de charme se poursuit sur “Give Me A Reason”. L’Anglais se met instantanément l’audience dans la poche, en remplaçant “New York” par “Paris” dans cette chanson tirée de son album précédent. Les aficionados de Leap (2022) devront se contenter de cet extrait, puisqu’il est principalement question ce soir de présenter la dernière livraison Changes All The Time.
C’est d’ailleurs le catchy “Easy Distraction” qui prend la suite, dédicacé à son co-auteur : Brandon Flowers. On sent vraiment la patte de l’emblématique leader de The Killers sur ce tube, qui a tout pour rester de longues années dans la setlist. Plus largement, on ne peut que saluer l’intelligence du choix des extraits de cet album. Son versant plus calme est notamment exploré avec beaucoup de justesse. Que ce soit seul avec une guitare emplie de reverb sur “Some People”, ou baigné par la lumière des smartphones (“Hope”), les frissons et l’authenticité sont au rendez-vous. Et que dire de son plus digne représentant, “Talk” ? Si la voix est délicieuse, c’est une nouvelle fois guitare en main que l’auteur met tout le monde d’accord. Les bends mordants de son long solo offrent ainsi un moment hors du temps, absolument jubilatoire.
Le calme…
Évidemment, les classiques ne sont pas en reste. “If You Ever Want To Be In Love” ouvre ainsi la session nostalgie, sous les acclamations appréciatrices de l’auditoire. Ce dernier donnera également de la voix sur le refrain de la délicate “Us”, mettant sur orbite le point culminant de ce début de concert, “Let It Go”. Placée innocemment en septième position, ce tube planétaire est joué à la faveur d’un light show évoquant les slows des bals de promo américains.
L’artiste n’a pas son pareil pour tirer le meilleur des lumières tamisées et des arrangements dépouillés. Des ingrédients simples qui mettent superbement en avant la profondeur émotionnelle de sa voix. Ce premier acte est une invitation à l’introspection, un moment suspendu qui projette le public dans la poésie de ses paroles. Il y a un véritable côté “conteur d’histoires” à travers sa voix pleine d’âme, qu’on retrouve une nouvelle fois sur “Scars”.
…puis le chaos
Pourtant, malgré tous ces ingrédients, il manque jusqu’ici un élément déterminant à cette entame : l’énergie de l’assistance. La salle étant majoritairement composée de places assises, tout le monde semble un peu trop confortable. Cela manque de tension, de celle qui transforme un bon moment en un grand concert. Pour cela, l’Anglais a la parade. Alors que le show arrive à sa moitié, l’artiste choisit de dégainer le medley “Peer Pressure” / “Craving” / “Pink Lemonade”. Surtout, il demande explicitement au public de se lever. Trop heureuse de s’exécuter, la foule se redresse alors instantanément pour se déhancher au rythme de ces hymnes. La lumière est devenue plus vive, les guitares électriques ont pris le dessus, et James Bay a troqué son ton mélancolique pour une présence scénique pleine de fougue. Seul bémol ? La version tronquée de “Pink Lemonade” a un goût de trop peu !
Cette bombe mélodique a toutefois contribué à une transformation (salutaire) de l’atmosphère. Une énergie qui permet d’apprécier encore davantage la sautillante “Wanderlust” (bien plus entraînante que sur album) et surtout l’indémodable et mordante “Best Fake Smile”. L’effervescence ne retombe ainsi que pour mieux savourer la superbe “Dogfight”. Cet ultime représentant du dernier disque clôture le set principal en nous gratifiant à nouveau des arabesques vocales démentielles de son auteur. On appréciera l’intensité des “It’s gonna be alright“, semblables à des supplications.
La Salle Pleyel en redemande et finit par avoir gain de cause avec l’incontournable “Hold Back The River”. La douce mélancolie du début se transforme alors en un brouhaha d’une foule définitivement réveillée. C’est donc sous les belles harmonies de ce titre que le groupe tire sa révérence, après une salutation pleine de chaleur. “Je le dis probablement à chaque fois, mais j’espère que quand je reviendrai, vous serez là aussi.” Un sentiment qu’on imagine largement partagé par les chanceux qui ont assisté à cette performance variée et toujours viscérale.