Quinze jours après le raz-de-marée Bikini Kill à l’Élysée Montmartre, c’est une nouvelle vague Riot Grrrrl qui déferle sur la capitale. Dans la sublime salle du Trianon, L7 a décidé de donner une fête d’anniversaire à un monument du grunge.
Bricks are heavy, and so is the weather
La météo est électrique en ce mardi soir qui fête le retour du quatuor californien après six ans d’absence. Cependant, on ne peut en vouloir au groupe tant la France a été privilégiée depuis sa reformation en 2014. Avec trente-deux bougies à souffler, Bricks Are Heavy, produit par Butch Vig qui a aidé à mettre au monde le Nevermind d’un petit groupe nommé Nirvana, n’a rien à envier à la scène de Seattle. Malgré un temps lourd et Green Day jouant le même soir à l’Accor Arena, le public parisien est au rendez-vous pour une soirée à guichets fermés.
La fosse et le premier balcon sont investis rapidement tandis que le bar bat son plein. Aux stands de merch, on peut bredouiller en anglais pour avoir un T-shirt des hôtes de la soirée ou déconner avec des membres de la première partie qui vont bientôt rentrer sur scène. En effet, fraîchement arrivés de la capitale du monde, Sens, JOHNNY MAFIA n’hésite pas à passer du temps avec le public pour se remémorer d’anciens concerts ou nous vendre sa discographie en vinyles.
À 19h30, les lumières s’éteignent sur une fosse aux trois quarts de sa capacité se remplissant au fur et à mesure. Tant pis pour les retardataires qui ratent une des plus belles prestations rock à la française.
Trompe le monde à l’envers
Le nouvel album 2024 : Année Du Dragon est à l’honneur. Déjà défendu à La Maroquinerie pleine à craquer au mois d’avril, Johnny Mafia vient remettre une délicieuse couche. Si Sentimental sorti en 2021 avait la hargne de Trompe Le Monde des Pixies, ce nouvel album a les sonorités du Bossanova des petites fées de Boston. “Green Eye” qui ouvre le disque démarre les festivités sous les lumières stroboscopiques. La fosse saute sur place, l’énergie du groupe est communicative et ne va cesser de s’accroître durant trente minutes.
T-shirt Johnny Hallyday et casquette à l’envers, le chanteur-guitariste Théo a le sens du running gag repris par le bassiste William en déclarant à plusieurs reprises que c’est un honneur pour eux d’ouvrir pour L7. Mais surtout, un immense plaisir pour le public qui découvre ou redécouvre sous les pas de danse du groupe des hymnes furieuses comme “Cyanide” ou “Split Tongue”.
C’est sous le signe de l’efficacité et de la générosité que Johnny Mafia enchaîne onze morceaux, dont un moment fort où deux amis de Sens prennent le micro et la basse pour nous jouer une composition de leur cru, “Runaway”. Il ne reste plus que deux morceaux, alors c’est le moment ou jamais pour un wall of death. Le quatuor conclut sur “Crystal Clear” et “Ride” issus du deuxième album. Que vous soyez assis ou debout, la sueur coule sur vos joues rien qu’en admirant Enzo se déchaîner de mains de maître derrière les fûts et Fabio taper du pied tout en martelant les riffs sur sa Fender.
L7 hell yeah
À peine le temps de se remettre de ces émotions que l’obscurité revient pour passer un drôle de medley radio. De la chevauchée des vaches qui rient de Wagner (l’humour de Johnny Mafia a déteint sur nous) au “Jump Around” de House Of Pain, L7 arrive sur scène sur le “Enter Sandman” de Metallica et sous les applaudissements de la salle désormais pleine.
Donita Sparks entonne directement “Wargasm” sur sa Gibson Flying V, transformant la fosse en un pogo géant. En revanche, le son va mettre du temps à s’ajuster sur les amplis et les micros. Cette légère anicroche n’entame en rien l’enthousiasme du Trianon. Ni celui du groupe qui réussit l’exercice d’interpréter un album dans son intégralité. Au bout de la troisième chanson, on nous somme de rester car cette dernière a plutôt tendance à conclure leurs concerts. “Pretend We’re Dead” n’a pas pris une ride depuis ses nombreux passages sur MTV, chanté par une foule aux anges.
Au départ des photographes salué par le quatuor, le sens du spectacle à l’américaine continue. Suzi Gardner enchaîne les solos de guitare pour ensuite donner de la voix. Jennifer Finch en fera de même tout en faisant vibrer sa quatre cordes pieds nus. Pas de doute, la formation originale n’a rien perdu de sa cohésion. Mais aussi de ses convictions.
Girls to the front (populaire)
Des invectives anti-Trump à la défense du droit à l’IVG, les L7 n’hésitent pas à s’insurger entre chaque chanson sur des problèmes au cœur de notre société. Une verve moins agressive qu’auparavant, mais ô combien nécessaire ! Ces interventions permettent également de poser un contexte sur la composition de plusieurs chansons, démontrant que tout n’était pas rose dans les années 90, et que tout cela résonne de façon encore plus pertinente aujourd’hui !
Le groupe relâche la pression après un “This Ain’t Pleasure” endiablé, le deuxième set peut commencer. Une sélection de dix titres aux petits oignons va faire sauter le parquet flottant du Trianon pendant le reste de la soirée. Mention spéciale à “Fuel My Fire” et “Freak Magnet” qui s’imposent comme des prémices du stoner rock et sont probablement les morceaux les plus traîtres pour nos cervicales.
Après un rappel se terminant sur le frénétique “Fast And Frightening” ne ménageant pas Demetra Plakas à la batterie, la lumière se fait sur une salle à bout de souffle et satisfaite. Après plus de deux heures de show, L7 a fait le point sur plus de trente ans de carrière tout en régalant les fans de la première heure comme les plus novices. Encore un joyeux anniversaire !
[…] RockUrLife – Le Trianon, 18/06/24Thank you for the amazing review and photos!Merci pour les superbes photos ! […]