A l’ouverture des portes vers 19h, la file d’attente est déjà conséquente devant la petite salle du Rex pour le concert du soir qui est complet. Malgré une dernière venue récente dans la ville rose, les Norvégiens de Leprous sont encore attendus de pied ferme tellement le dernier album “Pitfalls” est une réussite totale.
Norwegian Idol
C’est avec un peu d’avance que MARATON, compatriotes de Leprous, investissent la scène du Rex pour trente-cinq minutes d’un rock, parfois progressif, parfois pop proche de Muse et planant, mais plutôt réussi. Fredrik Bergersen Klemp, le frontman à la chemise blanche (que vous pouvez admirer dans la version norvégienne de “American Idol” sur YouTube) compense un charisme modéré par un humour et une sympathie authentique. Il intervient plusieurs fois entre les chansons sans micro d’ailleurs, installant une proximité amusante. Il descend dans la fosse sur “Mosaic”, morceau qui lorgne parfois vers Tesseract. Le set est chaudement applaudi par le public. Un succès assez rare pour la première partie d’une soirée à trois groupes. Bonne découverte !
Voyage, voyage
Après un changement rapide de scène d’à peine quinze minutes, les Français de KLONE arrivent à leur tour en toute discrétion. Venu défendre leur dernier disque “Le Grand Voyage” (2019) dont l’artwork est diffusé sur l’écran géant rectangulaire en fonds de scène. On sent là que les propos vont être plus sombres et sérieux. Son de folie, lourd mais clair, servant parfaitement le superbe et touchant timbre de voix de Yann Ligner.
Comme dans une transe, l’ensemble des spectateurs part dans un voyage sonore délicat et fin. Les personnes fermant les yeux pendant le set ne sont pas rares. La musique étant propice pour une introspection personnelle. Nous ne ferons pas d’analyse titres par titres, tant la musique proposée doit s’appréhender dans son ensemble. Malgré le ton général lourd et sérieux, les musiciens ne s’y trompent pas et arborent régulièrement de grands sourires. Et ce n’est pas les “une autre ! Une autre !” que l’audience scande spontanément qui leur fait changer d’avis. Klone est bon, très bon même. On en redemande !
De plus, à la différence de quasiment tous les groupes français (c’est quasiment une marque de fabrique), les Poitevins ne proposent pas de messages engagés, politiques (moralisateurs). Certes, ils chantent en anglais, mais cela doit être souligné.
Perfection Norvégienne
A 21h30, LEPROUS, très attendu, propose directement deux morceaux (sur six) du dernier album “Pitfalls”, “Below”, et le groovy “I Lose Hope”. Bien évidemment tout est en place, la voix d’Einar Solberg est toujours aussi belle/touchante/originale, complétement possédé par son œuvre. “Stuck” rappelle que le dicton “Nice Boys Don’t Play Rock”n’Roll” n’a jamais été aussi faux. Et que dire du final électro de ce titre ? Complétement orgasmique.
Le son est fabuleux, clair, intense. Les lumières sont plutôt bonnes (à la surprise générale au vu de la réputation de la salle). Les lasers scéniques sont de sortie. Le public est en complète communion tout le long des quatre-vingt-dix minutes du concert. Nous entendrons même plusieurs fois des “chut !” venant de l’assistance à l’encontre de ceux qui sont un peu trop bruyants pendant les moments calmes. Diantre, la musique et l’émotion de Leprous se respecte ! Le syncopé “The Valley” est sublime avec son refrain entêtant et suivi d’un “Third Law” complétement épileptique.
Einar s’essaie à l’humour (ses propres dires) dans ses interventions.”Il y a des choses qui nous amusent mais qui n’amusent pas grand monde apparemment. J’ai mis une photo d’un pain énorme sur Instagram, prise dans une boutique à côté. Bon ben absolument personne n’a réagi, lol”.
Avant l’enchaînement des superbes “Observe The Train” et “Alleviate”, qui passent tellement bien l’épreuve du live, il s’amuse du changement de ses musiciens. Notamment le bassiste Simen Daniel Børven qui passe aux claviers) en déclarant : “Oui, dans ce groupe, tout le monde sait faire du clavier. Bon, vous avez pu constater que notre dernier album est extrêmement basé sur cet instrument”. L’apport de Raphael Weinroth-Browne et de son violoncelle est indéniable. L’assemblée se déchaîne vocalement et spontanément sur “The Price”. Un pur chef d’œuvre rythmique irrésistible et “Distant Bells” (quel solo de violoncelle !).
Nous tenons à souligner le talent de tous les membres de Leprous. Car tout musicien qui se respecte sait qu’il est très difficile de jouer avec autant de tact et de finesse. Mention spéciale au batteur Baard Kolstad qui est toujours aussi bluffant.
Le set se termine avec “From The Flame” et l’épique “The Sky Is Red” annoncé par des lumières rouges. Une ambiance exceptionnelle pour cette fin de set. Que dire de cette fameuse fin du morceau ? Glauque et lancinante à souhait, appuyée par des effets de lumière pertinente qui nous transportent littéralement dans une autre dimension.
Il est évidemment trop tôt pour parler de concert de l’année 2020, mais franchement…Il fallait y être !