En ce jour du premier tour des élections législatives, des millions de Français prennent la direction des urnes. Une partie d’entre eux a peut-être la chance de vivre la dernière journée du Hellfest. D’autres se rendront à l’Élysée Montmartre pour assister au concert de Lord Huron. Après six années d’absence dans nos contrées, le quatuor folk américain revient nous offrir une parenthèse poétique et salvatrice. Le contrepoint idéal pour oublier le climat électoral tendu qui agite le pays.
Sous le soleil de Brisbane
Avant de se rendre sur les rives du Lac Huron, ASHA JEFFERIES nous propose un petit détour en Australie. Originaire de Brisbane, l’artiste nous présente son premier album, Ego Ride, dans une veine pop dépouillée et intimiste. Seule sur la grande scène de l’Élysée Montmartre, la chanteuse/guitariste a bien du mal à convaincre malgré sa bonne humeur communicative. Dès le deuxième titre, un guitariste la rejoint sur scène pour ajouter quelques arpèges à l’ensemble. Mais le rythme monotone et la formule éprouvée empêchent Asha Jefferies de réellement marquer les esprits durant ses vingt-cinq minutes de set. Bonne nouvelle, les quelques enthousiastes pourront tout de même la retrouver à Paris, au Supersonic, le 17 septembre prochain.
Folk n’roll
L’atmosphère de l’entracte est particulièrement lourde. Et pour cause, une bonne partie du public a les yeux rivés sur son téléphone pour découvrir les premiers résultats des législatives. À 20h30, l’obscurité regagne l’Élysée Montmartre. Une cabine téléphonique au centre de la scène s’illumine et se met à sonner. Les musiciens de LORD HURON arrivent un à un sous un tonnerre d’applaudissements. Ben Schneider, le maître à penser du groupe, clôture le bal et décroche le téléphone pour démarrer le set sur l’explosive “Never Ever”. Tous vêtus de costumes, les six musiciens prennent possession de la scène, incarnant avec une énergie résolument rock l’esprit folk de la formation. Il faut dire que la présence de trois (parfois quatre !) guitares, d’une basse et d’un clavier ajoute du relief au répertoire des Américains. Le lightshow, généreux et toujours en phase avec la musique, donne encore plus de relief à la performance.
Un leader charismatique
Mais ce qui différencie Lord Huron de ses pairs, c’est Ben Schneider : créateur, compositeur, chanteur et guitariste du projet. Après quelques chansons tirées de l’album Vide Noir (2018), le leader charismatique salue l’assemblée et exprime sa joie d’être de retour en France après six années d’absence. Ben en profite pour expliquer la démarche du concert. Il y en aura pour danser, pour pleurer et peut-être même pour “réfléchir sur le cosmos“. Pas forcément décelable sur disque, l’humour et la bonne humeur contagieuse font pourtant partie intégrante de l’expérience proposée par le groupe. Danses, gestes, interactions avec l’assistance ou ses musiciens : Ben oscille entre parfait maître de cérémonie et véritable showman habité. Sur des ballades telles que “The Yawning Grave” ou “When The Night Is Over”, le dandy montre surtout l’étendue de sa puissance vocale. Et que dire, elle est nettement supérieure aux versions studio, tout en restant juste !
Cry me… a desert
Pendant presque deux heures, Lord Huron s’attache à faire successivement danser et pleurer l’auditoire. Sur “Mine Forever” et “Ends Of The Earth”, l’Élysée Montmartre prend des allures de saloon. Les guitares évoquent la sueur et la poussière du désert soulevée par les boots des Américains. Nous sommes plongés au cœur des westerns que Ben Schneider chérit tant. Mais c’est indiscutablement le premier album, Strange Trails (2015), qui remporte tous les suffrages. Chaque titre renferme une mélancolie suave, une granularité identifiable, qui ramène invariablement aux paysages qui l’ont vu naître. Alors qu’on ne l’attendait plus, “The Night We Met”, ballade qui a fait exploser le groupe à la face du monde, retentit. L’émotion est à son comble, et le dernier refrain est repris par une foule émue aux larmes. Juste avant le rappel, “Fool For Love” invite à se déhancher de plus belle.
Une soirée d’émotions et de rêveries
Après le rappel, les musiciens de Lord Huron remontent sur scène pour donner le coup de grâce sur “Not Dead Yet”. Un morceau qui porte bien son nom et lors duquel l’intensité ne faiblira pas d’un cran. Tantôt énergique, tantôt rêveuse, la bande de Ben Schneider livre ce soir un concert sans faille qui transcende les barrières de la simple folk. Le temps d’une soirée, les mille-quatre-cents âmes qui ont rempli l’Élysée Montmartre ont pu mettre de côté la politique pour s’imprégner de la poésie des grands espaces, en dansant souvent, en pleurant parfois. Et en vivant un concert hors de l’espace et du temps, tout simplement. Plus sommairement, la performance de Lord Huron pourrait sérieusement prétendre au titre de concert de l’année.