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MESHUGGAH @ Bataclan (02/12/12)

C’est le premier dimanche de l’Avent qui va voir se dérouler la grand-messe des fous de grooves alambiqués et de guitares à 8-cordes : après des années loin de la capitale (leur dernier passage remontant à 2005 au Trabendo), Meshuggah investit le Bataclan, après Nantes et Bordeaux la veille, en compagnie de CB Murdoc et Decapitated. On sent néanmoins que la plupart des spectateurs n’auront d’yeux que pour la tête d’affiche ce soir, la file devant le Bataclan n’étant pas celle des grands soirs.

C’est CB MURDOC qui ouvre les hostilités, devant un public encore clairsemé, avec un metal technique et rapide qui souffre hélas d’un son exécrable, rendant la découverte de leurs titres quasiment impossible. Les musiciens se démènent, sont souriants et sollicitent le public, le set est carré et résolument professionnel, et la technicité des morceaux ne semble pas verser dans la démonstration factice, mais bien être au service de compos souvent assez longues et appuyées par des claviers plus ambiants que progressifs. A redécouvrir dans de meilleures conditions (les premières parties au Bataclan étant rarement à la fête), ou sur disque !

 


Après un changement de plateau qui va permettre à l’imposant kit de batterie de Pawel Jaroszewicz de prendre place au centre de la scène, c’est DECAPITATED qui va envoyer le ravageur “The Knife” dans les dents des premiers rangs, remplis de die-hard fans. Le groupe n’est pas du genre à faire dans la dentelle, ce qui n’empêche pas Vogg de montrer de tous ses talents de guitariste à une assistance enthousiaste et rapidement conquise. Visiblement ravi de l’accueil, Rafal demande la formation d’un circle-pit, qui se forme rapidement, et n’hésite pas à sauter dans le pit photo pour se rapprocher du public. La cohésion du reste du groupe est absolument incroyable, et cela sert au mieux une musique réputée difficile d’accès. Le son est monté d’un cran en qualité comme en volume, même s’il est souvent difficile de distinguer toutes les cellules mélodiques qui composent les riffs tortueux et brutaux de Decapitated, la prestation est d’une telle efficacité qu’elle laisse tout le monde sur le carreau.

 


Mais c’est bien sûr MESHUGGAH qui est attendu ce soir, et tout le monde vient se masser contre les crash barrières pendant le line-check des suédois. Un immense backdrop aux couleurs de “Koloss” est en fond de scène, et une partie de l’artwork de l’album est reproduit sur deux grandes structures en forme de colonnes de part et d’autre de la scène. Les lumières s’éteignent enfin, et le groupe fait son entrée alors qu’un extrait de “Obsidian” est diffusé dans la salle. Puis c’est l’entrée en matière avec “Demiurge”, premier des quatre extraits de “Koloss” joués ce soir, qui va enflammer tout le Bataclan, avec un light-show millimétré (l’ingénieur-lumières de Meshuggah est depuis régulièrement filmé par des spectateurs, à voir sur YouTube, ce type est un monstre !) et parfaitement synchronisé à la musique du groupe. L’abondance de blinders donne, cependant, trop souvent l’impression d’assister à un spectacle d’ombres chinoises, mais c’est un choix parfaitement assumé et encadré par une production sans faille. La setlist de ce soir donnera la part belle aux deux derniers opus du groupe, avec notamment “Pravus”, “Combustion” ou le très brutal “The Hurt That Finds Your Fist”. Les amoureux des “Chaosphere” (1998), “Nothing” (2002) ou “Destroy Erase Improve” (1995) en seront pour leurs frais, ils n’auront droit qu’à un extrait de chaque galette, tandis que le combo nous offre en milieu de set une quasi suite issue de “Catch ThirtyThree” (2005), commençant par “Mind’s Mirror” tandis que les musiciens quittent un instant la scène, pour mieux revenir lors du diptyque “In Death”, toujours aussi dévastateur. A noter que les départs de morceaux étant programmés et donnés aux musiciens via leur ear-monitors, ils n’ont plus besoin de se donner un quelconque décompte pour commencer à jouer. L’effet est particulièrement saisissant quand c’est “Bleed” qui surgit presque par surprise.

 


Est-ce nécessaire de préciser que la formation bénéficie d’un son parfait, et que ses membres exécutent avec une précision diabolique chaque note de chaque partie de chaque morceau ? Certains trouveront ce concert d’une froideur polaire ou manquant de spontanéité, d’autres auront pu se déchaîner pendant plus d’une heure et demie sur les riff imparables du groupe, d’autres encore, d’admirer les performances instrumentales de Thomas Haake ou Fredrik Thordendal. Une chose est sûre, Meshuggah ne vit pas dans le passé, refusant de s’appuyer sur les albums qui ont fait sa gloire, et est résolument obstiné à faire la part belle à son travail récent. Une déception pour certains, une évidence pour d’autres. Les suédois quittent la scène après “Rational Gaze”, et reviendront pour un double rappel composé de “Future Breed Machine” et du très tordu “Dancers To A Discordant System” qui achèvera un auditoire conquis. Une prestation impressionnante pour un groupe qui décidément ne fait rien comme tout le monde.

Setlist :

Obsidian
Demiurge
Pravus
Combustion
Glints Collide
Lethargica
Do Not Look Down
The Hurt That Finds You First
Mind’s Mirrors
In Death – Is Life
In Death – Is Death
Bleed
New Millennium Cyanide Christ
I Am Colossus
Rational Gaze
Future Breed Machine
Dancers To A Discordant System
The Last Vigil

Crédit photos : Virginie Schmidt