Dernier jour. Il en faut un. Complet lui aussi. Le soleil tente quelques percées encourageantes et AC/DC résonne au bord du lac comme des techniciens jouent “What’s Next To The Moon” en guise de balances sur la scène Montagne. Plutôt agréable comme entame de journée.
BE QUIET (Scène Pression Live) – Aujourd’hui, il ne fallait pas être en retard car Be Quiet commence son concert avec un quart d’heure d’avance. Comme les jours précédents, le premier groupe de la journée joue devant un parterre de spectateurs plus que clairsemé. Les bordelais proposent une pop électro à tendance new wave qui, avouons-le, manque d’un petit quelque chose pour susciter un réel intérêt et leur prestation ne devrait pas marquer les annales du festival.
TULSA (Scène Pression Live) – Tulsa, autre formation bordelaise, emmenée par Bérénice Pouplet, assez charismatique, ramène un peu d’énergie et de dynamisme sur l’esplanade. Voix erraillée, ambiance blues rock de fin de nuit où l’on imagine aisément les bouteilles vides et les cendriers remplis – quand tout le monde vapotera, qu’écrirons-nous ? -, l’univers des bordelais est plutôt intéressant. Là aussi, le groupe sait jouer dans des configurations interchangeables : Elise abandonne un instant sa basse pour se mettre à la batterie, tandis que Kévin, le batteur, s’installe aux claviers. Les Français se montrent concernés par la cause des intermittents. En effet, chacun des musiciens porte la croix blanche, signe de la protestation que nous aurons eu l’occasion de voir assez souvent puisque chaque jour, sur la scène Montagne, en fin d’après-midi, une tribune est laissée aux intermittents que FFF aura même accompagnés sur scène hier.
VALERIE JUNE (Scène Pression Live) – Le soleil revient pour faire briller une jolie perle noire : Valérie June qui propose une musique empreinte de blues, de folk, de soul, d’un zeste de country pour un bien agréable voyage dans le cœur de la musique noire américaine. La chanteuse possède un charisme indéniable et sa voix a un timbre vraiment intéressant. Après le départ des photographes du pit, un invité de marque s’y installera pour regarder le concert : Seasick Steve, rien de moins.
GARLAND JEFFREYS (Scène Montagne) – Pour les jeunes générations venues voir Stromae – vous le constaterez plus tard, l’artiste belge est LA star du jour, même du festival – qu’est-ce que représente un gars comme Garland Jeffreys, issu des années 70 et dont le tube “Matador” est sorti alors que probablement une bonne partie de l’assistance n’était même pas née ? La réponse restera en suspend car sur l’esplanade, le New-Yorkais met tout le monde d’accord avec son rock blues (ou son blues rock, comme vous voudrez) mâtiné d’influence reggae, soul, funk. Avec son allure bien à lui, Garland donnera un concert impeccable, servi par un son correct, des guitares qui caressent les oreilles et des classiques comme “Wild In The Streets”, “96 Tears” ou encore “Matador”, tout en subtilité et légèreté. Du haut de ses soixante-dix ans passés, le chanteur n’oublie pas le contact avec le public. En effet, il descend dans le pit, montant sur les crash barrières ou encore courant pour taper les mains des fans qui se tendent. Facétieux, il taquinera gentiment un homme de la sécurité. En rappel, sa reprise de “I’m Waiting For My Man” de feu Lou Reed rappelle que Garland est issu de cette mouvance new-yorkaise très urbaine et qui a produit de sacrés artistes !
SEASICK STEVE (Scène Lac) – Avec Seasick Steve, nous restons aux Etats-Unis, mais dans sa version plus roots. Sa bouille sympa, son air bonhomme et sa bonne humeur emportent l’adhésion du public. Quant à sa musique, blues râpeux à souhait, avec un son énorme, elle aussi est vraiment bien accueillie par les festivaliers. Et dire qu’ils ne sont que deux ! Réduits à l’essentiel. Cale se voit particulièrement sur “You Can’t Teach A Dog New Tricks” où Seasick est équipé d’une guitare bricolée avec un enjoliveur offert par Jack White – “C’mon, you know Jack White” insistera le chanteur – une canette de bière, une spatule pour retourner les hamburgers sur le barbecue et un morceau de bois ! Sur la ballade blues “Walking Man”, il invite comme à son habitude une jeune fille à monter sur scène. Le concert se déroule face à un public réceptif avec lequel Seasick instaure un vrai contact. L’homme apprécie manifestement le festival : il indique qu’il était là en 2010 et qu’ils ont utilisé une photo de Musilac pour un album. Il aime aussi le vin français, dont il a une bouteille sur scène à laquelle il boit directement au goulot. Il a aussi le sens de l’à-propos live : quand son batteur rencontre quelques problèmes avec sa batterie qu’il essaye de recaler, il s’en moque expliquant qu’il est suédois, donc bizarre et qu’il est en train effectivement de se comporter bizarrement. Avant “Keep On Keepin’ On”, il exhorte la foule a toujours poursuivre ses rêves. Lui-même ne jouait que pour son chien au tout début qui ne lui donnait pas une chance ! Grosse ovation pour un artiste qui le mérite tant il a mis le feu à l’esplanade dans une jovialité et une décontraction salvatrice.
DROPKICK MURPHYS (Scène Montagne) – “Let’s go murphys!” chantent les fans des Dropkick Murphys en attendant les Irlandais, ah, non, les Américains, enfin des américains de Boston, Massachusetts, qui produisent une musique irlandaise. Des Pogues plus électriques qui attaquent leur set avec l’énergique “The Boys Are Back” et un Al Barr tout de suite aux avants postes, tout devant la scène face à l’assemblée, ses acolytes restant plus en retrait. Le public accueille les Américains avec ferveur. Les instruments ont beau changer, accordéon, mandoline, banjo et autres, les chants alternés entre Casey et Al Barr, la prestation reste assez répétitive. Al est devant, les autres musiciens en arrière, avançant à de rares occasions et musicalement, la variété n’est pas ce qui marque le plus l’œuvre des Américains. Ils sont une tripotée sur scène et produisent moins d’énergie qu’un Seasick avec sa musique de bric et de broc. Et ce n’est pas la reprise du “T.N.T.” d’AC/DC qui changera la donne. Forcément ce morceau fonctionne à plein avec une audience qui apprécie la prestation, ce qui est l’essentiel finalement. Les Dropkick font de la musique à boire ? Allons donc en boire une !
TOM ODELL (Scène Lac) – Pour ceux qui ne suivraient pas, pas compliqué de savoir qui se produit ensuite sur la scène Lac. Le fond de scène est habillé de grandes lettres lumineuses qui affichent Tom Odell. Plutôt sympa comme effet. Moins sympa, la pluie qui s’abat sur le festival dès le début du concert incitant les photographes à se carapater. Les musiciens ne seront pas épargnés non plus. Tom essuiera son piano, les techniciens viendront reculer quelques retours. Rien qui n’arrête le show toutefois, d’autant que le jeune pianiste peut compter sur les festivaliers qui restent motivés et apprécient ce moment plus romantique appuyé par des titres comme le hit odellien “Another Love”. Centrée sur le piano, la musique de Tom Odell, soutenue par une guitare, une batterie et une basse/contrebasse, apporte une touche inédite à ces trois jours qui auront quand même été marqués par des formations majoritairement centrées sur la guitare. Le son est bon et Tom, certes coincé devant son clavier, fera tout de même preuve d’une belle énergie et montrera que même s’il n’a qu’un seul album dans sa besace (il offrira ce soir un inédit), sa place assez enviable haut dans l’affiche n’est pas usurpée et qu’il sait tenir son rang live.
Avant l’arrivée d’Etienne Daho, Mathieu Madénian, humoriste et chroniqueur chez Michel Drucker, monte sur scène pour annoncer les dates de l’édition 2015, soit les 10, 11 et 12 juillet prochain. Il ponctue son intervention d’une charge très démago contre Jean-François Copé et anti-FN. D’autres auront été plus habiles, plus crédibles, FFF pour ne pas les nommer. Il se lancera aussi dans une charge contre les spectateurs installés sur les plateformes, incitant le public de la fosse à huer ces privilégiés. Quelle idée saugrenue de monter une partie du public contre une autre. Très mal venu. D’autant que parmi ces plateformes au moins une est réservée aux handicapés. Bref, passons à autre chose.
ETIENNE DAHO (Scène Montagne) – Etienne Daho arrive sur scène dans une relative pénombre avec un jeu de lumières très sombre. Lunette noir de rigueur, avec un costume et un col blanc qui lui donne un air de prêtre, le dandy français offrira une prestation plutôt honnête. Certes, il n’enflammera pas les foules par un concert endiablé, mais ses chansons ont de jolies mélodies et ses titres offrent des rythmes variés pour un ensemble assez agréable à entendre même si Daho n’est pas le plus grand vocaliste qui soit. “Epaule Tattoo”, “Tombé Pour La France”, qui reçoit un bel accueil du public sont des titres bien connus du répertoire du français. On peut regretter toutefois ce choix de jeu de lumières qui a tendance à cacher les musiciens dans des contre-jours ou des éclairages très faibles et finalement créer une distance entre le chanteur et son public. Déjà les photographes avaient été cantonnés à un côté de la scène, assez éloignés de l’artiste. Un problème d’image ? Une volonté de contrôle ? Le mystère reste entier.
STROMAE (Scène Lac) – A entendre la réaction de la foule aucun doute possible, Stromae est bien l’artiste pour lequel les festivaliers sont venus. Le site est d’ailleurs plein à craquer. Autre signe qui ne trompe pas quant à l’intérêt général porté au chanteur belge : le carré VIP est vide ! “Ta Fête” démarre les hostilités et montre le sens de l’à-propos de Stromae qui intègre des “Musilac te fera la fête”. “Bâtard” fait hurler un public déjà conquis qui chantera les “…je suis, j’étais…” de la chanson. En ce début de spectacle qui montre qu’il vient avec une grosse production, Stromae, short et chaussettes bien connus, se tient plutôt en fond de scène mais rassurez-vous il se rapprochera bientôt. “Ca va ? La famille ? Mes amis ? La santé ?” dialogue-t-il avec l’auditoire. “Nous ça va, merci de le demander”, plaisante-t-il. Sur le très électro “Peace Or Violence”, Stromae se rapproche de la scène pour un contact plus direct avec les fans qui (sur)réagissent dès que le chanteur tend le bras. Assurément, l’homme assure le show et sait jouer avec la foule comme lorsqu’il s’amuse à faire crier les filles puis les garçons, tout en expliquant aux hommes que pour se faire entendre, il faut faire comme les filles et pousser dans les aigus ! “Tous Les Mêmes” remporte un évident succès. “Cul sec ! Cul sec !”, scandent les spectateurs lorsque le belge est installé à une table avec un verre. “Vous voulez me voir par terre ? Il ne suffit pas d’être bourré pour être par terre”, dit-il en s’allongeant sur scène dans un côté clown évident. Parce qu’un spectacle du belge n’est pas qu’un concert. Il y a du cabaret, du théâtre, un one man show dans sa prestation. L’homme est une bête de scène qui en donne énormément à son public. Le succès est d’ailleurs au rendez-vous. Impressionnant cette foule qui saute à l’unisson. Il y aura aussi la tirade revendicatrice sur la nationalité des frites et sur l’horrible appellation “French fries” usurpée puisque les frites sont belges et devraient donc être “Belgian fries”. Il y a aura aussi l’humour à deux balles assumé “Musilac, ça baigne ?”. “Formidable”, jolie chanson, “Papaoutai”, ultratubesque, finiront d’achever les spectateurs aux anges, qui auront fait un accueil magistral à un artiste généreux offrant un spectacle total. On a beau ne pas être fan, comment ne pas reconnaître à Stromae un énorme talent scénique ? Impossible sans être d’une totale mauvaise foi.
KAVINSKY (Scène Montagne) – La soirée est loin d’être terminée même si l’on change de registre avec Kavinsky aux platines qui recevra lui aussi un excellent accueil.
GIORGIO MORODER aura pour charge de clore cette treizième édition et d’emmener jusque tard dans la nuit les derniers festivaliers.
Diversité. Qualité. Curiosité. Trois mots qui collent vraiment à Musilac, au moins sur cette édition. Diversité des styles dans les artistes proposés. Diversité des styles de restauration. Qualité des prestations qui pour la plupart, en toute objectivité, étaient vraiment dignes d’intérêt. Certaines ont même mis le feu. Kaiser Chiefs, -M-, Shaka Ponk, FFF, Skip The Use, Seasick Steve, Stromae. Qualité des infrastructures comme les toilettes. Important pour un festival. Curiosité d’un public qui aura accueilli avec une ouverture d’esprit remarquable des artistes aussi écartés sur le spectre musical que Motörhead ou Vanessa Paradis ou encore Tinariwen. Que demander de plus ? Même la météo aura été clémente épargnant le festival des déluges des jours précédents. Des points à améliorer ? Sûrement. Lesquels ? A vous de le dire !