La dernière fois que la France a eu la chance de capter le chanteur Nate Ruess sur son territoire pour un concert, c’était le 21 juin 2013 au Stade De France, en première partie de Muse. A l’époque, l’Américain exerçait avec ses acolytes sous le nom de fun. et conquérait le monde à l’aide des mélodies fougueuses de “Some Nights”, recueil d’hymnes pop par excellence. Depuis, les saisons ont passé, le guitariste de la formation Jack Antonoff s’est lancé sous un autre nom, Bleachers, et le soprano a délaissé pour une durée indéterminée ses habits de popstar en vue d’un projet plus personnel. Un retour aux sources qui agit également sur les concerts, puisque le showman fait aujourd’hui son comeback français dans la salle-restaurant du Réservoir, à la capacité plus que limitée. Un placard à balais pour l’idole des jeunes.
19h30 marque pour certains l’attente du JT de TF1, pour d’autres le début de l’apéro sur les quais de Seine : ce sera pour nous l’arrivée de SOREN LYANN sur l’estrade. Nous avions déjà eu la chance de voir le musicien folk sur scène l’année dernière au Trabendo, en ouverture de Daughtry. Tout sourire face aux premiers rangs et simplement armé de sa guitare acoustique, le Français enchaîne les mélodies folk rock, dressées par des paroles dans la langue de Molière. Un univers défendu corps et âme par le compositeur qui tend à être bien reçu par le public. Certes, le son est bien moins pop que la tête d’affiche, mais il faut savoir prendre le temps de décrypter ses textes chantés pour réellement profiter de sa performance. D’autant que le compositeur réalisera l’intégralité de son set assis face à la fosse.
Soixante minutes après l’arrivée de Soren, à l’heure où les tireuses à bière sont sous pression pour répondre à la demande générale et où les tables de la salle disparaissent sous des amas de manteaux et de sacs, la troupe de NATE RUESS débarque finalement sur la piste, mise en scène pour l’occasion, avec une simplicité déconcertante. Au total, on ne dénombre pas moins de sept personnes face à nous, chanteur compris, chaque personne remplissant un rôle bien défini. Et au delà de la présence de Ruess, quel plaisir de retrouver Emily Moore, Will Noon et Nathan Harold, trois musiciens qui ont participé activement au succès scénique de fun. ! Mais pas le temps de s’attarder sur les détails, puisque le vocaliste agrippe rapidement et de façon euphorique son micro, signe de début de concert. Aux premières notes de “Great Big Storms”, la tempête pop récemment révélée, le ton de la soirée est donné. Les fans, venus en nombre, s’empressent de chantonner le plus fort possible le refrain épuré et joyeux, extrait de “Grand Romantic”, pour le plus grand plaisir de la tête d’affiche. Il faut dire que la rythmique générale et les quelques gimmicks réparties entre les musiciens font leur effet, dirigés par un chef d’orchestre souriant et joueur. La prestance est juste, les déhanchés aussi, et le frontman met en scène sa bonne humeur afin d’animer la soirée. Pour continuer dans les présentations, l’ensemble enchaîne directement avec la mise à l’honneur de deux nouveaux morceaux : la ballade “Take It Back”, qui mettra en avant les talents de guitariste de Sulene Van Der Walt, et le drôle “You Light My Fire”, influencé par les mouvances des 70’s. Des nouveautés justement juxtaposées qui coupent instinctivement le souffle de chaque individu présent dans la salle. Mais la foule n’a pas uniquement fait le déplacement pour nourrir sa curiosité et cela, l’orchestre l’a très bien compris. Ainsi, comme l’avait laissé clairement comprendre l’artiste sur les réseaux sociaux, ce récital est également l’occasion de voir en live des mélodies de fun. et de The Format. Le groupe ne déroge donc pas à la règle et apporte sur un plateau d’argent du contenu ayant fait ses preuves comme “Carry On”, “Oceans” ou “We Are Young”. Il ira même, par la suite, encore plus loin avec une reprise de Prince, “Let’s Go Crazy”, ainsi qu’une réinterprétation du hit de Bruce Springsteen, “Thunder Road”. Autant le dire tout de suite : sur le moment, ce micmac est plaisant, mais paraît vite un tantinet facile, d’autant que les quelques membres de fun. manifestent quelques automatismes sans goût et sans chaleur. Les vraies surprises, elles, jouent plus sur la subtilité de la chose, à l’instar du court “Just Give Me A Reason”, durant lequel Nate Ruess s’amusera à expliquer qu’il éprouve un malin plaisir à lancer sa voix sur ce morceau. Avec justesse, bien sûr. Enfin, le temps passe, les secondes se perdent et l’heure de fin approche. Juste le temps de jouer humblement “Harsh Light” (ndlr : initialement, un titre destiné au nouvel album de fun. mais récupéré par le chanteur pour son album solo) que les sept camarades disparaissent partiellement derrière un rideau, avant de revenir en trombe avec “AhHa”. Mélopée aux choeurs moqueurs, le public semble définitivement conquis par la nouvelle facette du musicien. En contre-partie de cela, les interprètes s’autoriseront un petit excès avec une reprise spontanée et partielle de “She Doesn’t Get It”, single principal de The Format. Un moment de rire et de joie, où l’impulsivité engendre un résultat plus que convainquant et solide avant d’ouvrir la voix au révolutionnaire “Some Nights”. La soirée se termine poing levé face à l’américain, débout sur le bar.
Que faire face à un homme visiblement content des changement dans sa vie ? L’applaudir. En somme, Nate Ruess a encore du mal à se détacher de l’image de fun. et a délaissé son personnage pour s’afficher tel qu’il est réellement mais la patience finira par payer. Quoi qu’il en soit, les quelques extraits de “Grand Romantic” interprétés ce lundi soir sont marqués par des émotions claires et fonctionnent parfaitement sur scène. Message aux personnes pas encore convaincues par l’artiste ou les retardataires ayant manqué le show : des bruits de couloir laissent entendre qu’un nouveau concert parisien devrait avoir lieu cet automne. On ne vous a rien dit !
Setlist :
Grand Romantic (Intro)
Great Big Storm
Take It Back
You Light My Fire
Carry On
Let’s Go Crazy
Oceans
What This World Is Coming To
Nothing Without Love
Just Give Me A Reason
Thunder Road
We Are Young
Harsh Light
—-
Ah-Ha
She Doesn’t Get It
Some Nights