L’impressionnante file devant le Trabendo est à la hauteur de l’attente suscitée par la tête d’affiche du soir. C’est en effet la première apparition française de Nessa Barrett, dont le premier album, young forever (2022), a confirmé que l’on pouvait être issu de TikTok et proposer un disque de qualité. Alors que nous indiquions, dans sa chronique, attendre avec impatience la suite de ce premier album, a-t-elle su confirmer nos premières impressions ?
Briskin
Dans une salle déjà largement remplie par une audience particulièrement jeune, un Anglais à peine plus âgé se présente devant un public qui attend patiemment, pour certains depuis de longues heures. Le dénommé BRISKIN est accompagné d’un musicien qui gère l’instrumental au moyen d’un ordinateur et s’empare parfois de la guitare. Si la vibe pop dégagée est sympathique, on se rend rapidement compte de la jeunesse de la prestation. L’omniprésence d’une bande instrumentale donne malheureusement la sensation d’une interprétation artificielle, à laquelle s’ajoute une maîtrise du rythme trop aléatoire. Une partie du public ne lui en tient pas rigueur, accueillant avec bienveillance sa pop solaire. Les autres oublieront un set manquant de corps, desservi par une configuration minimaliste.
Nessa Barrett, en terrain conquis
Alors que les fans tentent de trouver le meilleur spot possible, l’attente permet aux roadies d’installer une scénographie assez sobre, à l’exception notable d’une énorme croix façon Justice. Avec quelques minutes de retard, les “Nessa, Nessa” laissent place à des paroles familières : “Can I be young forever? Would it be fun forever?” Ces paroles, issues de l’un de ses tubes les plus connus, résonnent de façon lancinante dans la salle. Comme sur l’album, allons-nous débuter avec “tired of california” ? Raté, c’est “madhouse” qui lance les hostilités, repris aussitôt par toute la salle. Bien que sa discographie soit principalement composée de titres calmes, NESSA BARRETT a choisi de livrer certains de ses morceaux les plus dynamiques dès l’entame pour lancer l’ambiance. Et cela fonctionne ! “too hot to cry” et “talk to myself” sont ainsi repris à pleins poumons. Spoiler : ce sera le cas sur toute la soirée.
Il est frappant de voir à quel point l’assemblée est composée de fans absolus. Alors que certaines stars de TikTok doivent parfois faire face à des désillusions quant à la connaissance réelle de leur discographie, la fanbase du soir est à mille lieues de ces considérations. Au contraire, cette date est émaillée de nombreuses démonstrations d’affection. Le premier moment d’accalmie sur “god’s favorite” voit ainsi fleurir dans toute la salle de très nombreuses feuilles comportant l’inscription “You made it“. Une belle initiative de la Nessa Nation France, qui tirera quelques larmes à leur “Baby Cowboy“.
Ambiance et safe place
Faisant naturellement la part belle aux compositions de young forever, ce récital est l’occasion de constater que leur transposition sur scène tient toutes ses promesses. Teasée en début de concert, “tired of california” est connue sur le bout des doigts, incitant l’artiste à tendre le micro aux premiers rangs, tout sourire. Les pépites plus calmes du premier album (“lovebomb”, “dear god”) sont également l’occasion de beaux moments de communion, bien qu’un peu trop similaires aux versions studios. On regrettera tout de même l’absence de l’un des meilleurs morceaux, “forgive the world”, étonnamment mis de côté.
La setlist est dosée très intelligemment, la jeune femme n’hésitant pas à piocher dans toute sa discographie, y compris la version deluxe de son disque. Deux reprises issues de cette extension seront ainsi interprétées. La très gothique revisite de “do you really want to hurt me?” de Culture Club, mais surtout celle du chef-d’œuvre d’Arctic Monkeys, “505”, jouée exceptionnellement ce soir pour notre plus grand plaisir.
Si la timidité de la chanteuse contraste avec sa tenue, on ressent une vraie sincérité dans les échanges avec ses fans. Nessa les remerciera à plusieurs reprises pour leur enthousiasme et leurs attentions, que l’on devine précieux pour une chanteuse qui lutte contre les difficultés mentales. L’un des moments forts de la soirée a ainsi lieu sur “Noose”, morceau particulièrement poignant évoquant le suicide. La chanteuse confie que l’interpréter est toujours difficile, mais qu’elle remercie les fans de faire de ses concerts des “safe places“.
Un set court mais prometteur
La fin du concert est irrésistible : la classe “gaslight” et la presque dansante “dying on the inside” nous emmènent au tube viral “die first”, scandé à pleins poumons. Intelligemment introduit par le “Bang Bang” de David Guetta et Nancy Sinatra, son propre morceau “BANG BANG!” achève de mettre le feu aux poudres, faisant une bien meilleure impression que la version studio. C’est également l’occasion pour le batteur de sortir un peu de l’ombre d’une chanteuse qui, il faut bien l’avouer, prend toute la lumière ce soir. Chapeau de cow-boy vissé sur la tête, cette dernière annonce qu’il ne reste qu’une chanson, mais certifie au public du Trabendo qu’elle reviendra bientôt.
Son hit “i hope ur miserable until ur dead” clôt les débats, l’Américaine tendant son micro à de nombreuses reprises, donnant l’occasion aux fans du premier rang de crier, eux aussi, leur colère contre un(e) ex. Mettant fin aux derniers espoirs de rappel, le groupe tire sa révérence après près d’une heure cinq de show.
Si nous aurions aimé une prestation plus longue et des arrangements plus surprenants, il faut néanmoins reconnaître que pas moins de dix-huit chansons ont été interprétées ce soir. Pas mal pour une chanteuse qui, rappelons-le, débute seulement sa carrière. À la vue de l’enthousiasme des fans à la sortie, c’est peu dire que Nessa Barrett a réussi sa première dans l’Hexagone. La conclusion est finalement la même que pour son album : vivement la suite !