Quatre ans après la tournée d’adieux de 2009, la bande à Trent annonce son retour. Après une prestation au dernier festival Rock en Seine, le “Tension Tour” repasse par Paris, cette fois seule aux commandes du vaisseau. Le public ne s’y trompe pas, le Zénith affiche complet depuis des semaines.
Ce soir les places sont chères. Cinq cent membres du fan club entrent en priorité avant les autres fans qui patientent encore un peu dehors. La salle se remplit rapidement et les lumières s’éteignent à 19h30 pour COLD WAVE. Deux silhouettes prennent place devant un triptyque de plantes lumineuses, et Wesley Eisold, le chanteur se présente : “Cold Cave from Los Angeles”. Vêtu du noir de rigueur, le couple n’est que très peu éclairé, tandis que le backdrop change au gré des morceaux : trois drapeaux américains, des tournesols, des écrans neigeux, ou la sentence “people are poison”. Rythmique électro indus, voix new wave un peu plaintive, un rythme associé à une mélodie électro dancefloor : le duo applique une formule éprouvée, mais manque de personnalité. Wesley, poli et même un peu intimidé, est agrippé à son pied de micro tandis qu’Amy Lee s’occupe des synthétiseurs ; parfois ils chantent à deux voix. Encore deux titres, ils remercient tout le monde, puis sortent après une prestation de trente-cinq minutes. Un set frais, mais un peu gauche auquel aurait sans doute mieux convenu une salle de capacité moindre.
Le Zénith est plein comme un œuf et à peine quelques minutes plus tard, à 20h30, résonnent des sons sourds. La salle est plongée dans le noir, mais il est possible d’apercevoir entrer les quatre sombres silhouettes des membres de NINE INCH NAILS. L’éclairage laisse apparaître Trent Reznor arcbouté derrière son clavier, il le lâche, et s’avance au micro pour le moite “Me, I’m Not” (2007). Sous des faisceaux violets et bleus, les quatre musiciens sont en ligne : Joshua Eutis échappé de Telefon Tel Aviv, Alessandro Cortini fidèle depuis dix ans, et comme lors de la dernière tournée, Ilan Rubin le frisé et Robin Fink le colosse. Trent Reznor porte une jupe noire sur un pantalon, et sous des lumières blanches très froides, sa solide dégaine se dessine crûment sur un drap noir satiné qui fait pour le moment office de backdrop. Pied de micro fermement empoigné, déhanchement viril, le patron a toujours de l’allure. Le bourdonnement apocalyptique annonciateur de “March Of The Pigs” se propage et la fureur de Trent explose dans un souffle : “Come on! Come on!”. Le titre rageur est enchainé avec l’ondulant “Piggy” où Trent est éclairé par un spot tenu à la main par un road, tandis que les fans reprennent en chœur “nothing can stop me now”. Quelques notes de piano comme sur l’album, et voici les grondements inquiétants de “Reptile”. Le son clair et net, comme toujours avec Nine Inch Nails. A droite, Fink a pris la guitare et tout est baigné dans ce “vert NIN” si caractéristique. Les jeux de lumière sont un élément scénographique à part entière et comme toujours, le public a droit à un fantastique ballet. Des lasers ton sur ton, des lights violettes et vertes partant du sol, des flashs rouges dans une ambiance bleue, du jaune orangé, différentes structures métalliques modulant des formes : les lumières se composent finement comme des volumes. Voici le saccadé “Survivalism” où le frontman donne le frisson lorsqu’il chuchote “I got survivalism”, puis fait taper des mains sur l’explosif “Gave Up” clos par une grosse guitare saturée. Sans que l’on sache bien à quel moment, le tissu noir au fond a cédé la place à un écran horizontal amovible : des images comme altérées par la chaleur pour “Sanctified” (relifté), un travail plastique magnifique évoquant de la lave pour “Closer”, une succession de visuels subliminaux pour “The Great Destroyer” (et son final électro apocalyptique), tandis que “Disappointed” donne écho à un jeu de lignes et d’effets d’optique comme cette structure en 3D qui semble tourner autour des musiciens. L’indus musical et visuel figure des carrés, des angles, une recherche sur l’espace géométrique, ainsi la batterie trône derrière un assemblage métallique qui se substitue parfois à l’écran. Gros succès dancefloor pour “The Hand That Feeds”, puis un “Head Like A Hole” de folie; renforçant encore son impact théâtral, les musiciens prennent le relais au micro et martèlent le refrain à la place du chanteur.
Contrastant avec ce final sous testostérone, un simple “thank you! “, puis un sobre logo NIN prend la place du gang. Il est 22h00. Rapide retour en remerciant à nouveau le public, pour encore deux titres, dont le célèbre “Hurt” repris par Johnny Cash. L’écran combine des images particulièrement prenantes de prisonniers de camps et d’insectes, avant que dans la pénombre de la scène, les musiciens ne partent un par un presque à la dérobée.
Coup de tonnerre : en 2009 Reznor annonce qu’il raccroche les gants de Nine Inch Nails; déclaration soldée par une tournée d’adieux qui passait par cette même salle. Pourtant, NIN revient en 2013 avec un nouvel album “Hesitation Marks” et s’arrête à Rock En Seine où ils livrent une setlist best off parfaite pour un festival. Fortement dosée en “Year Zero”, et orchestrée de main de maitre Reznor, ce soir, ils ont façonné une œuvre d’art dont les fans se sont délectés. Une émotion brute qui transforme quasiment le Zénith en monument sacré, le volcan dans la machine.
Setlist :
Me, I’m Not
Copy Of A
The Beginning Of The End
March Of The Pigs
Piggy
Reptile
Survivalism
Gave Up
Sanctified
Closer
Disappointed
Find My Way
The Warning
The Great Destroyer
Eraser
Wish
The Hand That Feeds
Head Like A Hole
—-
The Day The World Went Away
Hurt