En ce premier jour d’automne, l’impressionnante file à l’extérieur du Bataclan montre que la rentrée musicale est attendue de pied ferme chez les amateurs de post hardcore. Il faut dire que la programmation a de quoi séduire les aficionados de mélodies catchy, saupoudrées de screams. De retour après cinq ans d’absence, les phénomènes d’Internet Our Last Night ont en effet convié la révélation Lifespark et le quatuor en pleine ascension, Normandie. Cette grande cohérence saura-t-elle faire mouche ?
Lifespark
L’avantage du Bataclan, c’est que, même à guichet fermé, la configuration des lieux permet d’avoir une bonne vision. Nous profitons donc de l’attente au merchandising pour nous faufiler sans trop de difficulté parmi les premiers rangs. La proximité des genres permet à LIFESPARK de performer devant un public très nombreux. Comme son nom ne l’indique pas, ce groupe nous vient d’Allemagne. Le quatuor, performant en anglais, se montre ravi de fêter sa deuxième date à l’étranger. Et ce ne sont pas quelques soucis techniques qui viendront doucher leur enthousiasme ! Prenant à sa charge la majeure partie du chant, le frontman agrémente ses parties pop punk d’envolées hardcore maîtrisées (“Stay Away”, “Endless Paradise”).
Pour ne rien gâcher, le groupe dégage une complicité sublimant des compositions prometteuses. La récente “So Long” nous séduit tout particulièrement, exposant un grain de voix à la Bring Me The Horizon. La formation quittera la scène sur des “ohoho” qu’on imagine particulièrement gratifiants, après un set applaudi mais assez statique côté public.
Normandie
À peine le temps d’apprécier un extrait de Foo Fighters pour tromper l’attente, que l’on assiste déjà au débarquement de NORMANDIE. Là encore, attention aux faux amis, puisque nous faisons face à une formation venue de Suède. Décidés à lancer au mieux ce set, les membres du groupe dégainent l’un de leurs titres les plus connus : “Serotonine”. Un choix validé par la foule, qui scande massivement les paroles. Ce banger passé, on se dit alors que le rythme pourrait avoir du mal à se maintenir à ce niveau. On ne pouvait pas plus se tromper ! À notre (belle) surprise, nous découvrons que la fanbase a massivement répondu présent. L’ambiance ne faiblit pas une seconde, tant et si bien qu’on a l’impression d’assister à la prestation d’un co-headliner plus qu’à une première partie.
Si les compositions du groupe sont agréables sur disque, elles prennent une tout autre dimension en live. “Holy Water” et “Overdrive” bénéficient ainsi d’arrangements beaucoup plus musclés, déchaînant l’enthousiasme d’une fosse acquise à la cause de Philip Strand. Le chanteur semble dans son élément, multipliant les clins d’œil complices envers l’assemblée. Non content d’assurer une présence scénique de tous les instants, sa voix rauque injecte beaucoup de relief à des compositions plus pop (“Blood In Water”). L’audience est sous le charme, au point de faire partir de nombreux slams sur le hit “Babylon”. La formation se retire sur son plus grand succès, “White Flag”, qui parachève un triomphe rarissime pour une première partie. Et dire qu’il reste le plat principal…
Our Last Night
Une nouvelle fois, le changement de plateau est extrêmement rapide, dévoilant une imposante batterie en son centre. Bonne nouvelle, cette courte attente aura permis de ne pas faire retomber la pression. Tous les bras sont déjà en l’air pour battre la mesure au son de “Graveyard”, marquant l’arrivée de OUR LAST NIGHT. Bien que ce titre soit issu du dernier EP en date, Empires Fall (2022), ce n’est pas cette livraison qui est à l’honneur ce soir. En effet, le groupe a décidé de consacrer une large partie de sa setlist à des reprises de chansons pop à la sauce post hardcore. Un exercice dans lequel il est passé maître sur Internet au fil de ses quinze ans de carrière. On s’époumone ainsi avec plaisir sur des versions musclées de “Habits” de Tove Lo, de “Shape of You” d’Ed Sheeran ou encore de “Dark Horse” de Katy Perry.
Pop dites-vous ? Pas seulement… Car ce début de concert est également l’occasion de mettre en avant le flow de Trevor sur “Astronaut In The Ocean”. Après s’être attaqué à Kendrick Lamar lors de la tournée précédente, cette nouvelle reprise d’un morceau rap confère un petit côté Falling In Reverse à cette entame. L’audience semble ravie, et marque son approbation en déclenchant des pogos bon enfant.
Alors que leurs qualités vocales en live pouvaient par le passé prêter à caution, les deux frères Wentworth sont en pleine forme ce soir. Musicalement très complémentaires, Matt semble toutefois plus à l’aise à la guitare que dans l’échange avec le public, malgré la volonté de Trevor de l’impliquer. L’entertainment est néanmoins assuré par une scénographie particulièrement bien pensée. Les jeux de lumière participent pleinement à l’immersion, appuyés par quelques canons à fumée intensifiant certaines envolées bien senties.
Des reprises, mais pas que
Naturellement, les compositions originales ne sont pas oubliées pour autant. On (re)découvre ainsi avec plaisir le potentiel tubesque de “Same Old War”. Si vous cherchez la définition d’un hymne emo, ce titre de 2013 en est un véritable concentré. Le mode scream est enclenché avec l’inédite “PAY ATTENTION”, qui reçoit un bel accueil. “BURIED ALIVE” et “F.E.A.R” participent également à montrer la facette plus hardcore du groupe. L’émotion, cependant, n’est pas oubliée, avec “When We Were Broken”, qui inonde la salle de smartphones, avant un “White Tiger” élevé au rang de classique. Enfin, impossible de clôturer l’arc de leurs compositions originales sans interpréter “la chanson qui fait que nous sommes tous là“. Toute la salle rentre alors en communion sur “Sunrise”, le public parisien se faisant un devoir de démontrer sa grande connaissance des paroles.
Cette ultime composition originale lancera un finish triomphal. Tous les majeurs se lèvent contre les exs de “abcdefu” de GAYLE, avant que “Beautiful Thing” de Benson Boone ne rappelle que ce hit n’est pas qu’un thème de reel à succès. Après un court aller-retour en coulisse, Trevor annonce qu’ils ont le temps pour une dernière chanson. Malheureusement, cette ultime reprise de “Iris” de Goo Goo Dolls s’avère être la moins marquante de la soirée. Un paradoxe au regard des titres figurant dans leur catalogue. Cette conclusion mitigée n’entame toutefois pas la qualité de la performance des Américains, qui quittent la scène visiblement ravis, annonçant un retour “très prochain“.
C’est donc une soirée pleinement réussie à laquelle nous venons d’assister. À la sortie, nombreux sont les spectateurs à saluer la performance des trois groupes, qui devraient tous voir leur fanbase profiter pleinement de cette programmation. Espérons retrouver une aussi belle ligne directrice tout au long de cette nouvelle saison musicale !