Rien ne semble arrêter la machine Perturbator. Après avoir écumé les plus gros festivals cet été, James Kent a sillonné les États-Unis pendant trois semaines. Pour la troisième étape de ce Heaven And Hell Tour, le maître de la synthwave pose ses valises en Europe. Lendemain d’un kick off à Lille, l’Olympia de Paris marque la deuxième date de ce volet européen. Entre une évolution de style sur son dernier album, Lustful Sacraments, et des premières parties tout aussi éclectiques qu’originales, la soirée s’annonce prometteuse !
Acte I : Drone machines
20h tapantes. Alors qu’une longue file d’attente s’impatiente Boulevard Des Capucines pour rentrer dans le plus ancien music hall de Paris, AUTHOR & PUNISHER investit la scène. Derrière ce nom énigmatique, se cache l’Américain Tristan Shone. Ingénieur avant d’être musicien, ce prodige utilise un instrument qu’il a conçu et fabriqué de toutes pièces : la Drone Machines. Penché sur son invention et s’époumonant devant un étrange micro, le one man band livre une musique oscillant entre indus, noise et drone. Rien que cela. Cette entrée en matière marquée par son lot d’expérimentations est d’autant plus difficile que le son est brouillon. L’ajout d’un guitariste sur scène apporte certes du relief à l’ensemble mais ne suffit pas à sauver les meubles. Outre sa démarche sincère et originale, Author & Punisher ne marque pas les esprits, malgré une reprise de “Glory Box” (Portishead) plutôt intéressante.
Acte II : French black metal
Si Perturbator ne fait pas de black metal, ce n’est un secret pour personne : les fans de metal adorent Perturbator. Et l’inverse est tout aussi vrai ! Il n’est donc pas surprenant que REGARDE LES HOMMES TOMBER soit de la partie. Avec une signature chez Season Of Mist et trois albums au compteur, les Nantais ont su progressivement s’imposer dans une scène française florissante. C’est avec une scénographie en noir et blanc et à la lueur de bougies que le quintette entame un set puissant. Une fois encore, les problèmes de son s’invitent et ne rendent pas justice à son post black metal. Les variations de rythme et l’enthousiasme du chanteur qui lève régulièrement son pied de micro parviennent néanmoins à convaincre l’assemblée. Du haut de ses neuf minutes, le sacral “Au Bord Du Gouffre” clôt le set en apothéose, sous des lights stroboscopiques et une armada de poings levés.
Acte III : La décadence
Le verdict tombe et les gradins de l’Olympia l’attestent : le concert est loin d’être complet. Peu importe car quelques mètres plus bas, la fosse est compacte et s’impatiente devant les rideaux. Que cachent-ils ? À 22h tapantes, le voile s’ouvre et laisse apparaître une imposante structure métallique en forme d’hexagone au sommet duquel trône un pentagramme. James Kent et son batteur font leur entrée sur “Excess”, un titre aux sonorités post punk dansantes qui remplit à merveille sa fonction d’amuse-bouche. Cette curieuse plateforme se pare de lumières qui changent de couleurs et se font le chef d’orchestre de la soirée. Le but est simple : transcender la synthwave de PERTURBATOR pour proposer une expérience audiovisuelle immersive. En d’autres termes : le duo va nous en mettre plein la tronche et on risque d’en redemander sans ménagement. L’autre bonne nouvelle, c’est le son : il est massif et précis.
Plaisir(s) coupable(s)
Le batteur a beau être d’une vélocité et d’une précision déconcertantes, tous les yeux sont rivés sur James Kent, le vrai instigateur de cette soirée. La foule est hypnotisée par le Parisien qui alterne entre claviers et guitare tout en headbanguant copieusement. Tel un gourou, Perturbator dégaine d’emblée ses arguments les plus convaincants. “Neo Tokyo” puis “Future Club” donnent le ton et embarquent les derniers réfractaires, s’il en restait. L’Olympia n’a plus d’Olympia que le nom. La salle mythique est devenue une boîte de nuit aux accents rétro et aux teintes violacées. Dans le public, chacun trouve midi à sa porte. Quand certains dansent, d’autres hurlent et ceux qui ne slament pas brandissent le poing en rythme. Le pentagramme et la structure, dont les couleurs clignotent ou changent à vive allure, rendent le public esclave d’une ambiance dont il se délecte.
Un sans faute
Les qualités évidentes du nouveau disque permettent à Perturbator de proposer un set avec du relief. Le voile de reverb de “The Other Place” et les arpèges froids de “Messalina Messalina” offrent autant de belles accalmies que d’ambiances hétéroclites. L’écueil du concert électro qui tabasse sans relâche est ainsi largement évité. Mais même quand il ralentit, James Kent ne le fait que dans le but de submerger son public par une nappe encore plus écrasante que la précédente. Après une heure de set, le duo se retire avant de faire son retour sur “Perturbator’s Theme”. Les mélodies inquiétantes rappellent le thème de Halloween (John Carpenter) et le caractère cinématographique de la musique du Parisien. Une fois n’est pas coutume, la messe noire se termine de manière magistrale sur un “The Cult Of 2112” d’anthologie.
Statut confirmé
Sur les traces d’un Carpenter Brut, Perturbator continue de tracer son sillon. Fer de lance d’une synthwave qui n’appartient qu’à lui et dont il se délecte de déjouer les codes, James Kent propose une performance intégrale où son et lumière dialoguent et se conjuguent à la perfection. Si le succès est mérité, il ne faut pas non plus oublier de rappeler quand il est honoré !