Cette quatorzième édition de Rock En Seine restera dans les mémoires comme celle des températures caniculaires et des brumisateurs géants mais aussi et surtout comme celle d’une programmation (enfin !) plus rock et de performances mémorables ! Retour sur trois jours de festival faits de danse, d’excellents concerts comme de moins bons, de bonnes surprises et de quelques déceptions mais aussi de jolies découvertes. Commençons par le vendredi 26 août avec The Last Shadow Puppets comme tête d’affiche.
BOMBINO (Grande Scène) – 15h30 à la montre marque l’ouverture de l’édition 2016 de Rock En Seine. Encore timides devant la Grande Scène, seuls quelques curieux sont au rendez-vous pour accueillir un artiste tout droit venu du Niger, Bombino. Vêtus de tenues traditionnelles, lui et sa formation se lancent dans un rock progressif teinté d’influence touareg, à la fois rythmé et intriguant. Un “desert rock” comme eux-mêmes aiment qualifier leur genre qui se compose de chants expressifs et de longs solos respectables, pour des morceaux dépassant facilement les cinq minutes. Entre deux titres, sous une chaleur plombante, le bassiste s’amuse du malheur du public en déclarant “ici, c’est l’hiver chez nous en Afrique”. Une répartie et un exotisme qui cachent en fin de compte l’absence d’un personnage primordial sur scène, la chanteuse Toulou Kiki, bloquée dans les embouteillages parisiens la majeure partie du set. Mention spéciale pour “Iyat Ninhay”, extrait du dernier album, “Azel”, sorti cette année.
THEO LAWRENCE AND THE HEARTS (Scène De L’Industrie) – La chaleur est écrasante; la petite foule venue voir le jeune franco-canadien de 21 ans et ses quatre compères limite donc ses mouvements ou profite de l’ombre des arbres pour apprécier le concert, allongée et au frais. La musique soul du jeune groupe aux multi-influences charme instantanément l’assemblée. Les singles “Heaven To Me” et “All Along” nous donnent déjà un petit aperçu de ce que sera le premier EP dont la sortie est prévue en septembre; “C’est la première fois de notre vie qu’on a un truc à vendre”, ironise Theo Lawrence. Le set est sobre, la présence scénique timide mais élégante et musicalement, c’est doux et maîtrisé. On n’en demandait pas mieux pour commencer la journée !
THE STRUMBELLAS (Scène Pression Live) – À l’extrême opposée du festival se cache sur une butte la cinquième scène de Rock En Seine. Un lieu reculé et partiellement à l’ombre où l’acoustique est totalement différente et l’ambiance intimiste. A l’heure du goûter, The Strumbellas, formation au désormais classique tube “Spirits”, est d’ailleurs là pour le confirmer malgré ses six musiciens. Entre harmonies vocales et hymnes folk pop balancées à foison par le sextette de Toronto, l’heure est à l’explosion de joie et à la contemplation, sur scène comme dans la fosse. Difficile de ne pas être réceptif aux mélodies de “Hope“, à l’instar de “Young & Wild” repris très largement par l’auditoire. La facilité musicale est ici certes de rigueur, mais le résultat final est quant à lui convaincant bien que sans surprise.
CARAVAN PALACE (Grande Scène) – C’est sur une scène décorée de jolies lumières en suspension et de néons en forme de “robot face”, titre-dessin du dernier album “” (2015), que les Français distillent leur électro swing au cours d’un show énergique et solaire. De l’incontournable “Jolie Coquine” à “Lone Digger”, le combo balaie son répertoire musical sans faiblir. Zoé Colotis, la chanteuse à l’incroyable présence scénique, en veut et en demande à son public : “Vous êtes prêts à bouger et à transpirer comme des malades ?”; l’audience, nombreuse, s’exécute avec allégresse malgré la chaleur, sautant et dansant jusqu’à finir en nage.
SLAVES (Scène Pression Live) – Amplis à onze, le duo anglais vient à son tour titiller l’acoustique de la Pression Live, cette fois-ci à coups de batteries dynamiques et de riffs de guitare brouillons. Dans l’optique d’une performance punk à souhait, le batteur-chanteur Isaac Holman, debout derrière ses fûts, offre avec son camarade Laurie Vincent un show parfois imprécis mais surtout décapant, jonché de cris et d’une hargne utile. Et même s’il est difficile de prendre au sérieux le backdrop de la formation, faisant vaguement penser à un ananas géant, sur scène, c’est tout autre chose, expéditif et joliment défendu, entre le fédérateur “Do Something” et le plus récent “Spit It Out”, issu de l’album “Take Control”, prévu pour fin septembre. Aussi à l’aise en tant que chauffeur de foule, le duo finira même par convaincre deux agents de sécurité de se câliner, le temps d’une chanson. Ah, ces Anglais !
BASTILLE (Grande Scène) – Annoncés tardivement comme étant les remplaçants de Eagles Of Death Metal, les Anglais de Bastille n’en sont pas moins attendus au tournant par leurs fans et les curieux de Rock En Seine. Avec prochainement un second album “Wild World” à son actif (ndlr : aujourd’hui disponible), la bande de Dan Smith n’est donc pas venue les mains vides, ordonnée d’assouvir la soif de l’assemblée à travers cette apparition exclusive. Avec une scénographie assez sobre, voire habituelle, et une absence de loup sur le T-shirt du frontman, les tubes planétaires s’enchaînent avec les prochains hits à venir, visiblement plus indie pop que les chansons de “Bad Blood” (2013) et plus ouverts aux guitares. En guise d’amuse-bouches, la troupe jouera notamment “Send Them Off!”, “The Currents” ou encore “Fake It”, des chansons déjà partiellement connues du public, qui nécessitent encore quelques rodages comparées à la réalisation parfaite du classique “Icarus”. Il n’empêche que cela fait plaisir de voir Bastille rebondir après son succès international, avec la même technique qu’auparavant. A noter que le groupe sera de passage le 2 février au Zénith De Paris.
THE BRIAN JONESTOWN MASSACRE (Scène De L’Industrie) – Les Américains sont visiblement très attendus par de nombreux fans qui s’impatientent dans la fosse avant le début du set. Malgré un début un peu mou, le parterre de la Scène De L’Industrie ne désemplit pas. “Anemone” ravit la foule, tout comme “Vad Hände Med Dem” ou encore “Pish” du dernier album, “Mini Album Thingy Wingy” (2015). On aurait aimé qu’Anton Newcombe surprenne un peu plus niveau setlist mais quand on a quinze disques à son actif il faut bien faire un choix. Le tout manque quand même un peu d’énergie, à l’image du flegmatique Joel Gion qui joue du tambourin en ondulant légèrement des hanches, les yeux levés vers le ciel, l’air ailleurs, ajoutant une touche d’humour au set. Toujours est-il que la qualité de ce rock psychédélique est au rendez-vous.
TWO DOOR CINEMA CLUB (Grande Scène) – Trois ans qu’on n’avait pas entendu parler des Irlandais, les voilà de retour. Au détour des classiques “Sun” et “What You Know” qui clôture le set en beauté, le trio, accompagné d’un quatrième membre pour la tournée, le batteur Benjamin Thompson, nous présente les versions live de “Bad Decisions” et “Are We Ready? (Wreck)”, deux morceaux très entraînants issus du nouvel opus, “Gameshow” (à paraître le 14 octobre prochain, ndlr), dont les clips ont été dévoilés en juillet. La foule est dense et énergique ce soir face à un Alex Trimble en grande forme. A noter, un superbe décor fait d’écrans verticaux lumineux disposés en arc de cercle autour des musiciens où se succèdent diverses images, qui donnent encore plus de puissance à l’indie rock de la formation. L’un de ces shows qui rend instantanément heureux !
CLUTCH (Scène De L’Industrie) – Face à l’indie pop légère des Irlandais, le heavy metal stoner des Américains de Clutch. Souvent de passage dans notre belle France ces dernières années, le quatuor n’en demeure pas moins désiré par les fans si l’on en juge le nombre de personnes amassées devant la Scène De L’Industrie quelques minutes avant son arrivée sur scène. En écho du concert au Trabendo en novembre 2015, les musiciens défendent fièrement leur dernier essai “Psychic Warfare” avec une prestance digne du genre, des riffs réfléchis et un dynamisme à toute épreuve. Ceci dit, malgré un bon démarrage et un “X-Ray Visions” au poil, certaines longueurs et un manque d’originalité dans le son finissent par se manifester, rendant la performance générale à la fois ébouriffante et redondante. Quelques petits défauts qui n’enlèvent en rien le talent de la formation.
ROYAL REPUBLIC (Scène Pression Live) – Trois ans après leur dernier concert électrique dans la capitale, on retrouve le sourire aux lèvres sur la Pression Live les Suédois de Royal Republic, prêts à dégainer. Le son est puissant et actuel, le set parsemé de classiques (“Make Love Not War” en interaction avec un dénommé François du public, “Everybody Wants To Be An Astronaut”) et de nouveautés (“Walk!”) et le backdrop joliment utile (aka les deux éclairs sur les amplis). Entre le dernier folk show à La Maroquinerie en 2014 et aujourd’hui, le quatuor a travaillé sur un nouveau disque, “Weekend Man“, un quatrième essai plus léger et fluet mais toujours autant “RoyalRep” sur les bords, c’est à dire à la folie significative aux rockeurs, qui sera partiellement mis en avant ce vendredi soir. A côté de cela, le leader Adam Grahn ne manque pas de raconter les péripéties arrivées à son groupe, expliquant qu’ils ont dû faire neuf heures de route pour arriver ici et que, même si la fatigue se fait ressentir, l’heure est à la danse et à la musique. Une ligne de conduite qui s’avère convaincante en tout point pour une performance détonante et singulière. On en redemanderait presque !
BIRDY NAM NAM (Scène De La Cascade) – Pendant plus d’une heure, Crazy B, DJ Need et Little Mike enchaînent les morceaux à un rythme effréné, dans la bonne ambiance et devant une foule enthousiaste et prête à se déhancher. Outre “Abbesses”, que le groupe se réservera pour la fin, le désormais trio électro (DJ Pone a quitté le groupe en 2014, ndlr) propose beaucoup de nouveautés qui figureront sur le nouvel album, “Dance Or Die”, dont la très pop “Lazers From My Heart”. Des nouveautés qui incluent des paroles, un changement radical pour ce combo instrumental. Les nouveaux morceaux entendus ce soir sont certes dansables mais un peu trop mainstream à notre goût et bien moins originaux que ceux de l’album éponyme par exemple. Comme si Birdy Nam Nam avait perdu de son authenticité au profit d’une certaine facilité, sans pour autant perdre des fans.
THE LAST SHADOW PUPPETS (Grande Scène) – C’est sûrement le duo le plus attendu de cette première journée de festival. Propulsé au rang de tête d’affiche des suites de la sortie en avril dernier du second disque “Everything You’ve Come To Expect” huit ans après “The Age Of The Understatement”, le supergroupe anglais composé d’Alex Turner (Arctic Monkeys) et de Miles Kane (The Rascals) a ce soir la lourde tâche de satisfaire la foule venue en masse découvrir ce phénomène éphémère. Accompagnés de quelques violons et de deux musiciens du groupe Mini Mansions, c’est sur un sobre “Bonjour Paris” d’un Turner pas si clean que s’ouvre la cérémonie d’adieu. D’adieu, car en plus de la difficile tâche qui lui incombe, The Last Shadow Puppets clôture ce soir sa tournée mondiale et la deuxième ère du duo. Une fin qui permettra aux deux principaux musiciens de se focaliser sur leurs autres projets (et pourquoi pas sur le prochain album des Arctic Monkeys ?).
Qu’à cela ne tienne, c’est dans une drôle d’ambiance, à la fois romantique et morbide, que les Anglais se lancent dans leur démonstration de force. Sans réellement communiquer entre eux, si ce n’est à des moments téléphonés, le duo de tête est égal à lui-même, enchaînant anciens et actuels tubes avec une attitude presque trop mécanique, un set peut-être aujourd’hui trop rôdé pour être vrai. Bien qu’il n’y ait que peu de choses à redire des chansons en elles-mêmes, interprétées à leur juste valeur (pouce levé pour “My Mistake Was Made For You”, “The Age Of The Understatement” et “Aviation”), sur scène c’est tout autre chose.
En opposition au côté romantique de la situation, Alex Turner s’accapare les projecteurs avec ses mimiques approximatives qui mériteraient quelques explications, comme lorsqu’il donne sans raison un coup de poing au sol. Fort heureusement, en faisant abstraction de ce comportement sûrement altéré par la fatigue ou autre, ressortent de ce set quelques moments frissonnants, à l’instar de la réalisation sans encombre de “Standing Next To Me”, la reprise des “Cactus” de Dutronc suivi d’un jam rythmé par la phrase “I say comment ça s’écrit” ou encore la cover de “Moonage Daydream” de David Bowie. Mais il en aurait fallu visiblement plus pour convaincre l’assemblée qui se vide fortement entre chaque coupure. Une situation en somme désolante sur plusieurs points qui permettra malgré tout de confirmer une chose : The Last Shadow Puppets a le don de faire des tubes transgénérationnels persuasifs. Jamais deux sans trois ?
BREAKBOT (Scène De L’Industrie) – Accompagné d’Irfane, Thibaut Berland offre un set gai et maîtrisé qui fait danser la foule. Outre la célèbre “Baby I’m Yours” qui déchaîne les passions, “Get Lost In The Morning”, issu de son dernier album aux sons 80’s “Still Waters”, fonctionne très bien en live. L’assemblée est dense et profite de la température plus agréable et de l’atmosphère joyeuse pour danser et sautiller sans relâche. Mention spéciale au décor, simple mais fun avec ces escaliers lumineux sur lesquels trônent Breakbot et Irfane. Une façon parfaite de conclure cette première journée sur un son électronique et pop.
Cette première journée de Rock En Seine aura majoritairement répondu à nos attentes et assouvi positivement notre curiosité, malgré le manque de bonne volonté de certains artistes. Peu de mauvaises surprises sur l’organisation du festival, entre le système de paiement cashless au point, des points d’eau accessibles par tous (mais encore trop peu nombreux) et une réactivité de l’équipe sur place face à ces excès de chaleur. Le soleil n’aura finalement pas découragé les festivaliers venus en nombre découvrir les groupes du moment. Nos coups de coeur de ce vendredi : Slaves et Two Door Cinema Club.