En programmant le seul concert en France de Billie Eilish cette année, Rock En Seine a voulu frapper un grand coup pour son édition 2023. Retour sur quatre jours de fête au Domaine National De Saint-Cloud.
Les pépites
Girl In Red (Grande Scène)
Alors que son show précède celui de Billie Eilish, la grande scène affiche déjà complet quand Girl In Red prend possession des lieux. Sa présence scénique, que ne laissaient pas présager ses compositions plutôt calmes, est époustouflante. Débutant pied au plancher avec “Stupid Bitch”, on constate avec plaisir que la foule balance ses mains à l’unisson sur “October Passed Me By”. La magnifique ballade “We Fell In Love In October” est reprise en chœur, comme de nombreux titres. Il semblerait que les premières parties de Taylor Swift ou de Billie Eilish aient considérablement accru sa notoriété depuis son dernier passage à Saint-Cloud. La jeune femme trouvera même le moyen d’adresser un clin d’œil à la TA du jour sur “Serotonin”, co-produit par Finneas, le frère de Billie Eilish.
L’entêtant refrain de “Dead Girl In The Pool”, parfaitement introduit par un extrait de “Seven Nation Army”, fait jumper la foule. La jeune femme se montre pleine de sollicitude pour son public, interrompant son show pour permettre aux secours de prendre en charge les malaises qui se multiplient.
L’énergie déployée force d’autant plus le respect qu’elle confiera, en larmes, jouer fiévreuse. L’occasion pour le public de lui rendre sa belle générosité en lui réservant une ovation méritée. La Norvégienne jettera ses dernières forces sur l’hymne “I Wanna Be Your Girlfriend”, achevé dans le public. Plus qu’un triomphe, c’est un véritable marqueur du changement de dimension pris par Girl in Red, qui postule désormais à des salles de type Zénith.
Turnstile (Scène Cascade)
C’est sur un ton résolument énergique que les choses sérieuses débutent à la Scène Cascade le vendredi avec le punk percutant du sextette anglais, Turnstile. Alors que le groupe impressionne déjà en studio, sa présence scénique libère une énergie d’une puissance inégalée. Dès les premières notes, une onde de frénésie se propage dans l’atmosphère, créant une ambiance électrisante où éclatent les premiers circle pits, pogos et slams du festival. Une véritable claque !
Mais les surprises ne s’arrêtent pas là. Le set connaît un tournant majeur avec la participation impromptue de Julien Baker de Boygenius, qui devait jouer quelques heures plus tard sur la Grande Scène, pour une interprétation incroyable de “UNDERWATER BOI”, ajoutant une touche inattendue et captivante à la performance.
Les fans se montrent totalement acquis à la musique, répétant avec enthousiasme chaque demande du charismatique chanteur, Brendan Yates, véritable pile électrique. Les guitares massives et l’ambiance survoltée créent une atmosphère électrisante. La cohésion du groupe est palpable, chaque membre apportant sa propre énergie débordante à la scène.
Assurément l’un des meilleurs concerts de cette édition 2023 du festival !
Yeah Yeah Yeahs (Scène Cascade)
Près de dix ans d’absence dans la capitale, les Parisiens commençaient à trouver le temps long. Le groupe New-Yorkais est donc logiquement ovationné par son public de connaisseurs dès son entrée sur la Scène Cascade.
Teintée de punk, de blues et d’éléments électroniques, la musique de Yeah Yeah Yeah est originale et entraînante. La voix de Karen O, qui rappelle parfois celle de Blondie, se mêle aux mélodies avec douceur.
La scénographie est certainement l’une des plus travaillées de toutes celles qu’on observe cette semaine. Les lumières sont absolument splendides, venant souligner la prestation convaincante du trio.
Le public vit l’instant présent à fond et encourage le groupe à pleins poumons, le récompensant de sa présence scénique exceptionnelle. Muée en véritable bête de scène, la leader fait tourner plusieurs fois son micro au-dessus de sa tête, le jette à plusieurs reprises au sol. Puis le lance dans le public, conquis par une expérience visuelle et auditive originale et exceptionnelle.
Altin Gün (Grande Scène)
Le groupe de rock anatolien (mouvement turc des années 60/70) Altin Gün est l’une des sensations de ce samedi à Saint-Cloud. Avec ses orgues vintage, guitares électriques et instruments folkloriques, le sextette mélange traditions et contemporain avec brio. Les sublimes et entraînantes parties instrumentales prennent autant de place que les parties chantées. Résultat : un rock funk original, hypnotisant, et totalement accrocheur.
En ce milieu d’après-midi, le public gigote et apprécie la découverte, et n’hésite pas à le montrer. Des cris retentissent entre chaque morceau interprété. Les quarante-cinq minutes du concert passent à la vitesse de l’éclair. Et c’est sous un tonnerre d’applaudissements bien mérité que les musiciens quittent la Grande Scène, tout sourire.
Tamino (Scène Cascade)
Avec son sourire charmeur et sa voix exceptionnelle, le Belge Tamino est une véritable pépite. Pour apprécier la musique de Tamino, il faut savoir prendre le temps de l’écouter, pour la simple et bonne raison que l’artiste prend le temps de donner vie à ses morceaux. Leur construction prend peu à peu forme, jusqu’à une quasi incontournable envolée finale. Chaleureuse, réconfortante et solaire, sa musique mêle des sonorités folk, orientales et rock.
Si le fond de l’assemblée est un peu bruyant, profitant de ce moment pour pique-niquer au fond de l’étendue d’herbe, les premiers rangs sont attentifs et apprécient ce moment suspendu.
Nova Twins (Grande Scène)
Explosif. C’est ce qu’il faut retenir du set de Nova Twins. Les deux amies britanniques, débarquées dans la sphère rock en 2016, s’y sont fait une place à part. Avec leurs looks excentriques et leur musique survitaminée, les Nova Twins font bondir les festivaliers dès la première note.
Amy Love à la guitare, Georgia South à la basse, accompagnées d’un batteur, galopent sur la scène, embarquant tout le monde avec elles dans leur galaxie punk 2.0. Désormais habituées aux festivals français, elles sollicitent régulièrement l’assistance, qui ne se fait pas prier pour bondir sur leurs riffs acérés.
Particulièrement acclamées à l’issue de leur performance, il y a fort à parier qu’entre Nova Twins et le public français, l’histoire ne fait que commencer.
Gaz Coombes (Scène Cascade)
Gaz Coombes n’est autre que le chanteur/guitariste du groupe Supergrass. Son album Turn The Car Around, paru en janvier 2023, s’inscrit dans la lignée de ce qu’aime faire l’artiste anglais : explorer les genres. Son glam rock soigné retentit dans nos oreilles avec douceur et élégance. Chapeau, lunettes de soleil et guitare électrique à la main, le Britannique alterne entre ballades et mélodies pêchues.
Le public tend l’oreille mais ne semble pas plus enthousiasmé que cela par la performance, pourtant carrée, de Gaz Coombes. Peut-être aurait-il aimé se sentir plus connecté à l’artiste ?
The Murder Capital (Scène Cascade)
Dans la veine d’Idles et Fontaines D.C., le groupe irlandais de post punk The Murder Capital est une vraie tornade. Passés par Rock En Seine à leurs débuts en 2019, ils reviennent pour présenter leur deuxième disque Gigi’s Recovery.
James McGovern et ses camarades ont bien l’intention de mettre le feu à la Scène Cascade. Dès le troisième titre, le charismatique leader bondit sur les crash barrières pour aller à la rencontre des fans. On sait tout de suite qu’on va assister à un grand moment de communion.
Fidèles à l’esprit punk, les premiers rangs se lancent dans des pogos. Les guitares sont ravageuses à souhait, la batterie bien lourde. Les longues parties instrumentales ne brisent pas l’atmosphère créée par le groupe. Connectés du début à la fin, interprètes et fans savourent chaque instant avec fougue et passion. James finit par sauter dans le public et se lance dans un crowd surfing endiablé, le tout en chantant.
Visiblement ravis, artistes et festivaliers prennent le temps de se dire au revoir, reconnaissants pour le moment de partage survolté qu’ils viennent de vivre.
Wet Leg (Scène Cascade)
Les deux amies britanniques du duo Wet Leg ont glané deux Grammy Awards en 2023. Révélées en pleine pandémie, elles parcourent désormais le monde à la rencontre de leurs fans. Le tout en parvenant assurément à en conquérir de nouveaux. Le duo indie rock et ses musiciens délivrent des riffs vitaminés, appuyés par une ligne de basse efficace. Les couplets à l’allure nonchalante débouchent sur des refrains entraînants, maintenant les spectateurs en éveil.
Mais comme si c’était écrit, la pluie commence à s’abattre au-dessus de Rock En Seine. Loin de faire fuir le public, qui se réfugie sous les arbres entourant l’espace, elle donne à la prestation un charme unique. Est-ce la météo qui précipite la fin du set, raboté de quinze minutes ?