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ROCK EN SEINE 2023 : On y était ! (3/3)

En programmant le seul concert en France de Billie Eilish cette année, Rock En Seine a voulu frapper un grand coup pour son édition 2023. Retour sur quatre jours de fête au Domaine National De Saint-Cloud.

Les surprises

Hannah Grae (Scène Firestone)

Dans cette journée inaugurale dominée par Billie Eilish, il fallait avoir une bonne raison de braver la chaleur pour traverser le site vers la petite Scène Firestone. Cette motivation prend la forme d’une tornade blonde nommée Hannah Grae. Cette dernière n’aura de cesse de charmer un auditoire grossissant au fil d’un set aux multiples facettes. Celle qui déclare n’être venue qu’une seule fois à Paris, à Disneyland, nous fera ressentir une palette d’émotion digne du Space Mountain.

L’énergie pop punk est irrésistible sur l’ouverture “Time Of Your Life” ou la survitaminée “Propaganda”. Il se dégage un magnétisme et une maîtrise bluffante, tant sur des titres énergiques que sur des power ballads. L’intensité scotchera l’auditoire pendant ces quarante minutes sans temps faible.

La complicité entre la jeune femme de vingt-et-un ans et ses trois musiciens contribue grandement au charme dégagé. Tout le monde se retrouvera d’ailleurs côte à côte sur la reprise des 4 Non Blondes, “What’s Up”, reprise à l’unisson par tout le public. La Galloise a un ultime cadeau pour ce dernier, offrant à une spectatrice un bonnet bleu-blanc-rouge, tricoté par elle-même pour l’occasion. Décalé et rafraîchissant ! La performance se clôture dans l’euphorie sur un lancer de chapeau général, façon remise de diplôme, sur “Well I Hope Ur Happy”. Examen réussi avec mention donc, pour une promesse du rock UK qu’on suivra avec attention.

Mae Stephens (Scène Firestone)

Inaugurant la petite Scène Firestone pendant qu’un tsunami de fans prend d’assaut la Grande Scène, l’audience est évidemment très clairsemée pour accueillir la sensation Mae Stephens. Loin d’être déstabilisée, l’Anglaise de vingt ans arrive tout sourire, accompagnée de son groupe. Tout au long de son set, la jeune femme embarque les curieux avec sa pop teintée de funk. Le public est séduit par son groove, participant joyeusement et n’hésitant pas à s’improviser choriste (notamment sur “Boozy Bitch”). Sa performance est ponctuée d’interventions pleines de fraîcheur. Si sa gouaille n’est pas sans rappeler celle de Lilly Allen, elle fera également la démonstration de sa capacité à chercher des notes aigües sur la très belle “Stranger”, qui tirera quelques larmes de part et d’autre de la scène.

Pas de quoi gâcher la bonne humeur générale du set, qu’elle finira avec quelques pas de danse à l’occasion de son hit “If We Ever Broke Up”. Celle qui travaillait dans un supermarché il y a encore quelques mois reviendra ensuite discuter en tout simplicité avec ses fans du premier rang après le show. Gageons qu’ils seront de plus en plus nombreux après la sortie de son premier album.

Upsahl (Grande Scène)

Direction la Grande Scène pour le premier set du vendredi signé Upsahl, une jeune artiste américaine âgée de seulement vingt-quatre ans. Cette dernière n’est pas sans rappeler une certaine GAYLE, qui avait également ouvert la journée du vendredi lors de l’édition 2022. Ce n’est pas étonnant puisque Upsahl a également composé pour l’interprète de “ABCDEFU”. Vêtue d’un blanc éclatant, la chanteuse, arborant un look similaire à celui de sa consoeur, apparaît sur scène aux côtés de deux musiciens vêtus de rose, créant une esthétique visuelle tout aussi captivante que sa musique. Celle-ci se caractérise par une fusion de genres musicaux, allant de la pop à l’électro, en passant par le r’n’b et le rock. Un melting-pot sonore et une atmosphère unique, caractéristique de la génération TikTok à laquelle elle appartient.

En interprétant une série de compositions relativement courtes, issues pour la plupart de son premier album Lady Jesus (2021) et de son nouvel EP UPSAHL PRESENTS: THE PHX TAPES V3 paru quelques jours auparavant, Upsahl se donne à fond pour capturer l’attention du public encore disparate en ce début d’après-midi. Débordante d’énergie, elle ne cesse de parcourir la grande scène de long en large. Elle dégage une énergie communicative, on regrette que sa voix ait tendance à se perdre derrière les bandes sonores préenregistrées sur lesquelles elle chante, donnant l’impression d’assister à un karaoké.

Cependant, mention spéciale à son mash-up audacieux associant l’une de ses propres chansons “GOOD GIRL ERA (SIDE A)” au “That’s Not My Name” de The Ting Tings.

Si certains morceaux peuvent sembler répétitifs, Upsahl réussit à réveiller la foule en ce vendredi après-midi et à la maintenir en haleine tout au long de son set qui se termine par un petit bain de foule, pour le plus grand bonheur des festivaliers des premiers rangs !

Viagra Boys (Scène Cascade)

La journée du vendredi se poursuit avec une montée en puissance, et c’est au tour de Viagra Boys de prendre d’assaut la Scène Cascade. Dès les premières notes, le public plonge dans une ambiance résolument rock et survoltée.

Le groupe suédois débarque avec une énergie débordante, et malgré les accents anglophones de sa musique, le chanteur Sebastien Murphy fait un effort louable pour s’exprimer dans la langue de Molière, provoquant des sourires et des cris d’approbation parmi les festivaliers.

Une particularité marquante du groupe réside dans la voix grave du frontman. Celui-ci joue avec sa voix en parlant à toute vitesse, parvenant à rendre ses paroles incompréhensibles, mais créant ainsi un effet sonore unique et exaltant.

Après le tourbillon musical qu’était la prestation de Turnstile, les Viagra Boys prennent le relais avec une deuxième session de circle pit, faisant vibrer la foule dans une communion frénétique et explosive !

Musicalement, le groupe explore des territoires étranges et variés, donnant l’impression que chaque morceau pourrait être une improvisation spontanée entre amis. Les genres se mélangent, les rythmes se contorsionnent et la foule est emportée dans ce tourbillon sonore captivant.

En somme, Viagra Boys offre une expérience musicale intense, sauvage et captivante, laissant une empreinte indélébile sur la scène de Rock En Seine !

Pogo Car Crash Control (Scène Firestone)

La foule immense réunie devant la petite Scène Firestone confirme sans équivoque la popularité indéniable de Pogo Car Crash Control. Les fans sont venus en masse pour être témoins de cette prestation tant attendue. L’énergie est débordante et électrique.

Cependant, ce qui se déroule ensuite est d’une nature complètement inattendue et laissera une empreinte indélébile dans la mémoire des festivaliers : l’émergence d’un wall of death devant la modeste scène Firestone. L’énergie qui émane de la foule en délire est tangible. Au moment précis où la musique atteint son apogée, la foule se sépare en deux, créant un couloir au centre. Sur un signal du groupe, les deux parties se précipitent l’une vers l’autre dans un tourbillon frénétique de dévouement à la musique. Un instant de communion musicale et de folie collective où l’adrénaline est perceptible à chaque mouvement.

Les pogos ne sont pas en reste non plus ! Les fans se lancent dans des sauts effrénés et des mouvements frénétiques en harmonie avec les riffs survoltés des Français. Jamais auparavant un concert n’avait atteint une telle intensité en ce début de festival. Le chanteur, manifestement ravi de cette réaction, souligne entre deux chansons : “Au moins, comme je le dis toujours, cela permet de se défouler !“.

Si ce set de Pogo Car Crash Control demeure l’un des plus rock de tout le week-end, il est cependant difficile de ne pas nourrir un brin de regret quant à leur absence sur une scène plus vaste telle que la Scène Cascade. Peut-être que 2024 réservera de telles opportunités ? Une chose est certaine, cette prestation restera gravée dans les annales du festival.


Parlor Snakes (Scène Firestone)

Le duo rock franco-américain Parlor Snakes joue tôt ce samedi après-midi. Pas de quoi impressionner Eugénie, au chant et aux claviers, et Peter, à la guitare. Accompagnés par un batteur et un bassiste, ils font passer un bon moment aux premiers curieux du jour.

Les intros sont bien travaillées, la voix d’Eugénie bien en place. Leur musique énergique et envoûtante ne révolutionne pas le genre mais a le mérite de plaire au public, conquis. Une prestation encourageante pour l’avenir de Parlor Snakes, dont l’énergie et la prestance scénique sont à souligner.

The Amazons (Scène Firestone)

Quasi inconnu en France, le groupe de rock britannique The Amazons a connu un petit succès Outre-Manche. Son album How Will I Know If Heaven Will Find Me? a atteint la cinquième place des charts anglais.

Les quatre garçons plein d’énergie sont à l’aise et s’amusent avec le public, le faisant chanter et taper des mains en rythme. Doté d’une voix aussi puissante qu’émouvante, Matt Thomson est capable de monter dans les aigus avec une facilité déconcertante.

Le solo de guitare du dernier titre “Black Magic” finit d’électriser la foule compacte amassée devant la petite Scène Firestone. Bondissant dans tous les sens, le public ne peut que constater que la magie à opérer entre The Amazons et lui.

Angel Olsen (Scène Cascade)

Folk, country, années 80, Angel Olsen aime explorer les styles. Chargée d’ouvrir cette dernière journée un peu fraîche, Angel a attiré bon nombre de festivaliers. Portée par cinq musiciens dont une violoniste et une violoncelliste, sa musique aux sonorités variées et profondes est douce, réconfortante.

Angel chante la tristesse et l’espoir avec son cœur, joue de manière imprévisible avec les rythmes et les tonalités. Sa musique ne parlera pas forcément aux fans de punk. Cependant, les amateurs du genre ont de toute évidence passé un bon moment.

Amyl & The Sniffers (Grande Scène)

Les amateurs de punk étaient gâtés en ce dimanche. Le quatuor punk australien Amyl & The Sniffers a prévu de mettre le feu à la Grande Scène. Mélangeant à la fois rage et second degré, le groupe pétille d’énergie. La chanteuse Amy est déchaînée, quitte à en oublier sa voix par moments. Les slammeurs s’en donnent à cœur joie. Quand Amy descend devant les crash barrières, le public devient encore plus fou. Fait rare, il faut même évacuer les photographes qui travaillaient là, pour leur sécurité. Le sourire vissé sur le visage, rouge à lèvres débordant autour de sa bouche, elle s’amuse du fait qu’on ne comprenne pas son accent. Pas de quoi gâcher la fête, elle nous invite à taper dans nos mains plutôt que de chercher à la comprendre.

La batterie est lourde, sauvage. La connexion avec l’auditoire est présente. Amy danse autour des agents de sécurité sur “Security”. Et c’est sur une danse country, à l’image de l’esprit bon enfant qui se dégage du groupe, que la bande quitte la scène, sous les applaudissements d’un public satisfait par la performance.

En route vers 2024 ?

Cette année, Rock En Seine a célébré ses vingt ans d’existence avec quatre jours de festivités. Si le Golden Pit s’est transformé en Garden, le concept est le même, mais le public semble s’être habitué à cette zone premium, qui n’empiète finalement que très peu sur les premiers rangs, étant fortement implantée sur le côté.

L’organisation à l’entrée et à la sortie a cependant été fortement critiquée, notamment le mercredi, jour de forte affluence. Files interminables, fouilles mal assurées, sorties non indiquées sur le plan, de nombreux festivaliers ont partagé leurs déboires sur les réseaux sociaux. Ces problèmes sont malheureusement rapportés d’année en année.

Les soixante-seize concerts sur quatre jours (dont trois sold out), répartis sur cinq scènes, ont attiré cent quarante-quatre mille festivaliers, soit six mille de moins que lors de l’édition 2022.

Côté programmation, soulignons tout de même la soirée 100% féminine du mercredi. Et toutes les jolies découvertes que le festival nous a permis de faire, en misant sur des artistes aux genres et aux renommées variés.

Les équipes du festival ont d’ores et déjà confirmé la tenue de l’édition 2024 (du 21 au 25 août), labellisée Olympiade Culturelle par les équipes organisatrices des Jeux Olympiques et Paralympiques.

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Albane Toulouse
Music speaks to people in a way that breaks down boundaries that words and actions sometimes can't.