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ROCK EN SEINE 2024 : On y était !

Rock En Seine a une fois de plus frappé très fort pour sa vingtième édition. En même temps, il fallait marquer le coup ! Avec un impressionnant total de 182 000 festivaliers sur cinq jours, le festival a non seulement attiré des foules plus grandes que jamais, mais a aussi mis en avant des valeurs essentielles qui résonnent profondément avec notre époque. Cette année, l’événement a mis l’accent sur l’inclusivité, l’accessibilité et les préoccupations environnementales, tout en offrant une passerelle avec le sport grâce au passage de la Flamme Paralympique sur la Grande Scène, juste avant le concert tant attendu de LCD Soundsystem.

Les incontournables

Lana Del Rey (Grande Scene)

Dès le premier concert de la journée, la foule amassée jusqu’à la régie nous donnait une indication sur l’affluence du soir. Nous étions loin du compte. C’est dans une ambiance proche de celle des Hunger Games que chaque centimètre carré est défendu bec et ongles, au sein d’un parterre brassant les âges et les nationalités. 21h45, enfin, ça va commencer ! Hélas, les minutes s’égrènent, sans que la diva pointe le bout de son nez. De quoi raviver chez certains le souvenir de l’annulation de son concert à l’Accor Arena quatre ans plus tôt. C’est finalement vingt-cinq minutes après l’heure prévue (nous y reviendrons dans la rubrique “déception“) que résonnent les premières mesures de “Body Electric”.

Évoluant dans la démesure d’un décor végétal, l’Américaine propose un étonnant mélange de vulnérabilité et de grâce. Alors que Paris vient d’envoyer sa plus belle carte postale au monde à l’occasion des Jeux Olympiques, les visuels rivalisent de clins d’œil à une Amérique fantasmagorique de l’âge d’or d’Hollywood. Fidèle à son personnage, la jeune femme se repose sur une présence scénique minimaliste, laissant ses danseuses faire le show. L’artiste sortira ponctuellement de sa zone de confort, notamment à l’occasion d’un très beau tableau allongé sur “Pretty When You Cry”.

Bien que le début du set soit assez convenu, la montée en puissance est réellement enclenchée sur “Bartender”. Très incarné, ce morceau s’avère être l’un des meilleurs moments du concert. On regrettera par ailleurs que l’excellent album Norman Fuckin Rockwell! (2019) ne soit pas davantage représenté tant il fourmille de pépites. Pourtant, difficile de reprocher des impairs de setlist. Lana multiplie en effet les versions abrégées pour tenter de balayer le plus largement possible sa discographie. Les puristes regretteront peut-être les coupes sur certains titres emblématiques (“Ride”, “Born To Die”). Ils remarqueront également que les paroles de “Chemtrails Over The Country Club” ont été changées façon Taylor Swift, “you’re born in December” devenant “he’s born in March“. De quoi alimenter les rumeurs autour d’une artiste d’une rare discrétion sur sa vie privée.

Finalement, malgré le couac initial, comment rester de marbre devant les envolées proposées sur “Arcadia”, “Cherry” ou “Young & Beautiful” ? Achevant sa prestation à l’issue de l’heure et demie convenue, l’artiste aura donc réussi à se faire, en partie, pardonner. Lana Del Reydemption.


Pomme (Grande Scène)

Programmée alors que la journée affichait déjà complet, Pomme nous annonce être consciente que la foule n’est pas là pour elle. Pourtant, cette journée entièrement féminine ne pouvait rêver meilleur complément. Comme le fera remarquer malicieusement l’artiste, elle devine que le public de Lana Del Reyfait partie de cette catégorie de personnes qui n’ont rien contre les chansons tristes“. Et tant mieux, car la Française maîtrise l’art de conter ses failles à la perfection. Alors que certains lui prédisaient un statut d’étoile filante, la jeune femme a pris ces considérations à contrepied. Cultivant sa singularité, la multi-instrumentiste nous emmène dans un voyage de poésie mélancolique, où l’humour le dispute à l’onirique.

À Saint-Cloud, c’est surtout son second album (couronné d’une Victoire de la Musique) qui est représenté. De la bien nommée “Anxiété” à “Soleil, soleil”, une grande partie de la foule est suspendue à ses lèvres. De son premier album au ton plus léger, il ne subsiste désormais que deux titres. L’assemblée saluera la rythmique addictive de “Ceux qui rêvent”, entonnant volontiers son refrain. Elle frissonnera surtout sur l’ode à l’amour lesbien, “On brûlera”, où la justesse textuelle tutoie le sublime des envolées. Magnifique ! Quelques moments nous laisseront plus dubitatifs (notamment l’usage de l’auto-tune sur une reprise de Barbara), mais ce concert est frappé du sceau des artistes authentiques. Une prestation pleine de classe, qui assoit Pomme comme l’une des autrices les plus intéressantes de la chanson française.

The Last Dinner Party (Grande Scène)

Première fois à Rock En Seine pour The Last Dinner Party, et elles ont frappé fort ! Le quintette de Londoniennes investit la Grande Scène sous un soleil digne d’une “golden hour” et démarre son set avec “Burn Alive”. Avec une introduction presque mystique, la voix envoûtante d’Abigail Morris transporte les festivaliers dans un voyage en terre baroque. La gestuelle théâtrale de Morris, qui occupe magistralement la scène, associée aux tenues des musiciennes composées de robes empire, de corsets et de cols Claudine, donne une véritable dimension dramatique à la performance de The Last Dinner Party.

En plein milieu du set, le groupe dévoile même une nouvelle chanson inédite, offrant ainsi une petite surprise aux festivaliers. Et en parlant de surprises, une autre nous est réservée : une reprise de “Call Me” de Blondie, titre que la formation a joué pour la première fois dans l’émission australienne Like A Version sur Triple J. Les Britanniques proposent une version indie de ce classique de la bande de Debbie Harry, rendant ainsi un superbe hommage à ce titre cher aux yeux du quintette. Pour clôturer leur passage, comment ne pas mentionner le moment où la petite sœur de la claviériste Aurora Nishevci monte sur scène pour souffler ses bougies d’anniversaire ? The Last Dinner Party ouvre ainsi les hostilités pour cette seconde journée de festival et offre une première prestation à Rock En Seine qui restera sans doute dans les annales.


Frank Carter & The Rattlesnakes (Scène Cascade)

Dès que Frank Carter et sa bande entrent sur la Scène Cascade, le public se déchaîne dans un mouvement de foule intense : c’est la fête aux circles pits et aux pogos. Fidèle à lui-même, Frank Carter met le feu à la fosse avec une énergie débordante, lançant des moshpits à répétition. Toujours en interaction avec le public, il survole même la foule en délire, chantant au milieu des festivaliers tout en gardant ses lunettes de soleil blanches intactes, un exploit qui impressionne à chaque fois !

L’un des moments les plus mémorables du set est sans doute le moshpit réservé aux femmes, organisé avec soin, créant une atmosphère inclusive et puissante. Le groupe met à l’honneur son nouvel album, Dark Rainbow (2024), avec près de six titres joués, et le public accueille ces nouveautés avec enthousiasme, prouvant que les fans sont prêts à suivre le groupe dans ses nouvelles aventures musicales.

En fin de performance, tout l’auditoire chante en chœur “I Hate You”, un classique de la formation, avant de célébrer l’anniversaire du batteur avec un “Joyeux Anniversaire” retentissant, clôturant le concert sur une note joyeuse et communautaire. Connu pour ses concerts déjantés, Frank Carter n’a pas déçu, offrant à Rock En Seine un second passage au festival inoubliable.


Måneskin (Grande Scène)

Le groupe de glam rock italien Måneskin enflamme la Grande Scène de Rock En Seine pour le dernier concert de leur tournée. Avec une énergie folle, le set démarre avec le titre “DON’T WANNA SLEEP” qui maintient tout le monde éveillé. La tension dans le public ne faiblit pas un instant durant l’heure et quart de show, alimentée par les nombreuses interactions du groupe avec les fans. La bassiste Victoria De Angelis s’élance dans la foule après le tube “Beggin'”, suivi de près par le guitariste Thomas Raggi, créant une osmose parfaite entre le groupe et le public. Un tifo est même brandi sur les premiers rangs, formant le message “Thank U“, une manière touchante de remercier la formation pour le service rendu tout au long de sa tournée. Durant toute la durée du show, la scène devient le théâtre de tous les excès, et les festivaliers ne se font pas prier pour monter à leur tour pendant “KOOL KIDS”, transformant la fin du concert en une sorte de rituel chaotique et passionné.


Après un rappel bien mérité (à se demander si le concert était terminé ou non ?), le groupe offre une dernière ballade, “THE LONELIEST”, magnifiée par un solo introductif d’une justesse rare de Thomas Raggi. Måneskin propose ainsi au public de Rock En Seine un set composé des classiques de Teatro d’Ira – Vol. 1 (2021) et de sa nouvelle livraison, RUSH! (2023). Un choix de morceaux restreint pour une formation qui compte déjà quatre albums à son actif, si bien que Måneskin sert en guise de rappel une seconde interprétation du titre “I WANNA BE YOUR SLAVE”, ce qui laisse un petit goût d’inachevé. Le concert se conclut dans un vacarme géant, les instruments résonnant encore seuls sur scène, comme pour signifier qu’il reste encore bien des pages à écrire dans l’histoire de Måneskin.

The Hives (Grande Scène)

Les Suédois de The Hives apportent une bouffée d’énergie brute sur la Grande Scène, transformant l’atmosphère en une véritable explosion de décibels. Pelle Almqvist, le chanteur, toujours charismatique et débordant d’énergie, n’hésite pas à descendre dans la foule pour interpréter le hit “Tick Tick Boom”, mettant littéralement le feu à la fosse.

Cependant, l’audience de festival, moins habituée à leurs frasques qu’en salle, met un peu de temps à se lâcher complètement. Peut-être est-ce l’effet de la fatigue accumulée ou de la chaleur de cette journée intense, mais les spectateurs se montrent d’abord hésitants, observant avec curiosité l’audace du groupe sur scène. Pelle Almqvist, infatigable, arpente la scène de long en large, harangue la foule et multiplie les acrobaties, déterminé à briser la glace.

Mais comme toujours avec The Hives, la magie finit par opérer. L’énergie contagieuse des Suédois, leurs riffs acérés et leurs rythmes frénétiques finissent par avoir raison de toutes les résistances. Peu à peu, les festivaliers se laissent emporter par la vague d’électricité qui émane de la scène. Les bras se lèvent, les pieds battent la mesure.

Le groupe offre un set best of, enchaînant les tubes avec une énergie communicative, et rappelant à tous pourquoi ils sont l’un des groupes les plus électrisants de la scène rock actuelle. Les classiques comme “Hate To Say I Told You So” et “Main Offender”, ou encore “Come On!” font chavirer l’assemblée. En quittant la scène, The Hives laisse derrière lui un public galvanisé, les yeux brillants et les oreilles bourdonnantes, prêt pour la suite du festival.

Massive Attack (Grande Scène)

Massive Attack monte sur la Grande Scène dans une atmosphère électrique. Dès les premières notes, il est évident que les pionniers du trip hop sont là pour offrir bien plus qu’un simple concert. Ils transforment leur performance en un véritable spectacle audiovisuel, fusionnant musique, lumière et images pour créer une expérience profondément immersive.

Le groupe débute avec quelques-uns de ses morceaux les plus emblématiques de l’album Mezzanine (1998), plongeant immédiatement l’assistance dans une ambiance sombre et envoûtante. Les basses résonnent puissamment, enveloppant les festivaliers d’une énergie presque hypnotique.

Peu après, des invités de luxe commencent à apparaître sur scène. Horace Andy, chanteur jamaïcain, interprète “Girl I Love You”, puis Elizabeth Fraser pour “Black Milk” et les membres de Young Fathers qui apportent une dose supplémentaire d’énergie brute et d’émotion sur plusieurs titres dont “Voodoo In My Blood”.

En parallèle, les écrans géants se remplissent d’animations vidéo percutantes, créant une toile de fond visuelle qui magnifie chaque morceau. Massive Attack utilise ces visuels pour aborder des sujets contemporains brûlants : la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, la pandémie de COVID-19. Les images sont saisissantes, les messages clairs, et les festivaliers se retrouvent captifs de cette narration engagée.

Les textes, projetés et traduits en français, ne passent pas inaperçus. Ils suscitent des réactions immédiates et des discussions passionnées parmi les spectateurs. À chaque nouvelle animation, le public réagit, partageant ses pensées et ses émotions. “La méfiance est une autre forme de contrôle“, lit-on à un moment donné. Cette phrase résonne particulièrement fort, capturant l’essence du concert et l’engagement politique de Massive Attack.


The Kills (Grande Scène)

The Kills, l’un des duos les plus électrisants de la scène rock alternative, est de retour à Paris pour la deuxième fois cette année. Après un concert mémorable à l’Olympia en mai dernier, le passage à Rock En Seine est attendu avec impatience par les fans, prêts à revivre l’intensité des prestations en live.

Lorsque Alison Mosshart et Jamie Hince montent sur la Grande Scène, une vague d’enthousiasme parcourt la foule. Malgré une pluie battante qui s’abat sur le festival, le public est bien présent, armé de parapluies, déterminé à ne rien manquer du spectacle. Le set démarre en trombe avec “Kissy Kissy”, tiré du premier album Keep On Your Mean Side (2003), un clin d’œil à leurs débuts qui ravit immédiatement les fans de la première heure.

Le duo enchaîne les titres avec une précision presque chirurgicale, créant une montée en puissance irrésistible. Les notes grondent, les amplis crépitent, et la voix rauque d’Alison Mosshart captive l’auditoire. Jamie Hince, à la guitare, alterne entre riffs acérés et rythmiques hypnotiques, tout en maintenant une complicité palpable avec sa partenaire.

Le public réagit avec ferveur lorsque “U.R.A. Fever” ou encore “Future Starts Slow” résonnent dans les enceintes. Malgré la pluie et les conditions météorologiques difficiles, la présence scénique du duo est à la hauteur des attentes. Cependant, les conditions climatiques ne sont pas sans conséquences. La vue sur la scène est quelque peu obstruée par les nombreux parapluies des festivaliers, et quelques problèmes techniques surgissent, mais rien de tout cela ne semble pouvoir entamer la détermination du groupe.

Ils poursuivent avec un set généreux de quatorze titres, un choix audacieux et inhabituel pour un concert de festival, d’autant plus qu’ils ne sont pas la tête d’affiche de la soirée. La majorité des morceaux provient du nouvel album God Games, qui semble déjà avoir conquis le public.


The Offspring (Grande Scène)

Malgré une attente prolongée sous une pluie battante, les festivaliers de Rock En Seine ne se découragent pas. À peine le groupe californien met-il les pieds sur scène que, comme par magie, les nuages se dissipent légèrement, laissant passer quelques rayons. C’est comme si The Offspring avait ramené un peu de soleil de Californie à Paris. Dès les premières notes de “Come Out And Play”, le public entre en effervescence. La fosse, impatiente de se déchaîner, explose immédiatement, les slams se multiplient et les corps s’entrechoquent. Les festivaliers sont emportés par une vague d’énergie collective, unissant leurs voix pour chanter chaque mot en chœur avec Dexter Holland. Ce concert, placé sous le signe de la nostalgie, célèbre également les trente ans de l’album Smash (1994), un classique du punk rock qui a marqué toute une génération. La setlist le met particulièrement en avant avec pas moins de quatre titres joués : “Self Esteem”, “Bad Habit”, “Gotta Get Away”, et bien sûr, “Come Out And Play”. Chaque morceau est accueilli avec enthousiasme par le public, qui semble connaître chaque parole par cœur.


En parallèle, le groupe fait la part belle à ses plus grands succès, rappelant aux fans les belles heures du punk rock des années 90. La frénésie atteint son apogée avec “Americana”, un autre classique intemporel qui fait sauter et danser toute la foule. Fidèles à leur réputation de showmen, The Offspring surprennent les festivaliers avec quelques reprises inattendues. Ils enchaînent avec une version de “Sweet Child O’ Mine” de Guns N’ Roses, puis, comme un clin d’œil à leurs racines punk, ils déchaînent la foule avec une reprise furieuse de “Blitzkrieg Bop” des Ramones. Les fans, déjà bien échauffés, ne se font pas prier pour chanter les “Hey! Ho! Let’s go!” à pleins poumons dans un joyeux chaos. Le groupe déploie ainsi des effets scéniques qui viennent embellir la fin du show. Des confettis multicolores et des ballons géants envahissent l’espace, créant une atmosphère encore plus intense. The Offspring quitte la scène sous les acclamations et les applaudissements, laissant derrière lui un public euphorique.

PJ Harvey (Grande Scène)

PJ Harvey investit la Grande Scène sous un ciel qui se teinte de couleurs pastel, rappelant les soirées d’été des années 70. Dès les premières notes, elle instaure une atmosphère qui transporte les festivaliers dans un autre temps, une époque où la musique et la poésie s’entremêlaient. Vêtue d’une robe fluide et accompagnée de ses musiciens, PJ Harvey éblouit par sa présence et son aura mystique.

Pour ce set, PJ Harvey fait preuve d’une grande polyvalence en passant d’un instrument à l’autre. Le public est particulièrement impressionné par son utilisation du violon et de l’auto-harpe, qui ajoutent une dimension presque celtique à certaines de ses chansons. Ces instruments apportent une texture unique à la performance, renforçant l’impression d’assister à un moment hors du temps, comme une résurgence de l’esprit flower power et Woodstock.

Cependant, tout ne se passe pas sans accroc. Quelques problèmes techniques surviennent, notamment des problèmes de cadrage sur les écrans géants qui entourent la scène. Pendant un instant, les spectateurs les plus éloignés se retrouvent frustrés de ne pas pouvoir profiter pleinement du spectacle visuel. PJ Harvey offre tout de même une prestation d’une intensité rare, où chaque morceau est livré avec sincérité.


Pixies (Scène Cascade)

Deuxième passage à Paris cette année pour les Pixies, et cette fois-ci, c’est à Rock En Seine que le groupe pose ses amplis, pour le plus grand bonheur des fans. Programmés en last-minute pour remplacer The Smile, les Pixies apparaissent comme une véritable surprise dans la programmation du festival. Dès que les premières notes de “Gouge Away”, tiré de l’album Doolittle (1989), résonnent dans les enceintes, la foule entre en transe. Les guitares saturées et la voix reconnaissable entre mille de Black Francis transportent immédiatement les festivaliers, plongeant tout le monde dans l’univers sonore abrasif et poétique du groupe.

Comme à leur habitude, les Pixies entrent sur scène sans préambule. Pas de discours d’introduction ou de salutations prolongées. La musique est lancée sans crier gare et ne semble pas prête de s’arrêter. Le set est une succession de morceaux joués à une vitesse vertigineuse. En une heure dix de concert, le groupe enchaîne pas moins de vingt-et-un titres, une performance impressionnante qui montre leur envie de couvrir un maximum de terrain musical malgré le temps limité. La voix de Black Francis, toujours aussi puissante et rocailleuse, est parfaitement complétée par la qualité musicale de Joey Santiago à la guitare, David Lovering à la batterie, et Emma Richardson à la basse. Ensemble, ils créent une alchimie musicale qui rappelle pourquoi les Pixies ont marqué l’histoire du rock alternatif. Même si le groupe ne s’embarrasse pas de grandes démonstrations scéniques, sa présence suffit à captiver.

Comme une tradition bien établie, “Where Is My Mind”, titre emblématique, vient clôturer le spectacle. Dès les premières notes, une vague d’émotion traverse la foule, et tous les festivaliers présents se mettent à chanter en chœur. Pourtant, malgré l’efficacité du set, un sentiment mitigé pourrait se faire sentir. Le rythme effréné du concert, sans pause ni communication, peut donner une impression d’inachevé. Mais voilà, les Pixies sont les Pixies, et leur musique parle pour eux.

LCD Soundsystem (Grande Scène)

Pour clôturer cette édition de Rock En Seine, LCD Soundsystem prend possession de la Grande Scène sous un ciel étoilé, prêt à offrir une performance inoubliable. Dès les premières notes de “Get Innocuous!”, l’atmosphère se charge d’électricité. Le groupe poursuit avec “I Can Change”, introduit par un extrait de “Radioactivity” de Kraftwerk, un clin d’œil à ses influences électroniques. Sur scène, les musiciens jonglent habilement entre synthétiseurs, boîtes à rythmes, guitares et batterie, démontrant une maîtrise instrumentale impressionnante. LCD Soundsystem ne se contente pas de jouer ses morceaux tels qu’ils ont été enregistrés en studio. Le groupe transforme plusieurs titres en de longues improvisations instrumentales, mêlant sonorités analogiques et digitales, créant une expérience sonore unique. James Murphy, avec son charisme habituel, interagit avec le public entre les morceaux, partageant des anecdotes et remerciant les fans d’être restés pour ce dernier concert du festival.


L’ambiance atteint son apogée avec “Losing My Edge”, où des extraits de “Ghost Rider” de Suicide, “Robot Rock” de Daft Punk, et “Don’t Go” de Yazoo sont subtilement intégrés, rendant hommage à la scène électronique des années 80 et 90 qui a tant influencé LCD Soundsystem. Chaque morceau est une montée d’adrénaline, et lorsque “Dance Yrself Clean” retentit, une vague d’euphorie parcourt la foule. Le groupe enchaîne avec “New York, I Love You but You’re Bringing Me Down”, un moment plus introspectif où James Murphy, d’une voix émotive, évoque les contradictions de sa ville natale. La mélancolie de la chanson contraste avec l’énergie des morceaux précédents, offrant une pause contemplative bienvenue avant le final explosif.

Pour clore la prestation, “All My Friends” résonne sous les acclamations d’un public en transe. Ce dernier morceau est la synthèse parfaite de ce qu’est LCD Soundsystem : un mélange de nostalgie, d’euphorie, et de musique électro rock qui réunit toutes les générations. L’éclectisme caractéristique de LCD Soundsystem était la parfaite manière de clore cette vingtième édition de Rock En Seine.

Les surprises

Durry (Scène Firestone)

Alors que Kasabian attire une grande partie des festivaliers, quelques centaines de spectateurs profitent de la Scène Firestone pour l’un de ces moments inattendus dont le festival a le secret. À la manœuvre, les frères et sœurs de Durry, venus de leur Minnesota natal, délivrent leur indie rock jubilatoire. Naturellement, il est impossible de ne pas être frappé par le look improbable du chanteur. Le dénommé Austin Durry arbore en effet une audacieuse coupe mulet, un clin d’œil aux récits de losers magnifiques décrits dans le premier album Suburban Legend (2023).

Mais c’est surtout son énergie contagieuse, empreinte de sincérité brute, qui pousse le public à rester. Les quarante minutes qui leur sont attribuées sont l’occasion de distiller un rock indé qui s’approche du punk enthousiasmant des Menzingers, avec un grain de voix rappelant Kings Of Leon. Les refrains sont accrocheurs, la musicalité serrée, et tout est en place pour passer un excellent moment. Autour de nous, les sourires envahissent l’assemblée, qui joint la danse aux applaudissements de plus en plus nourris.

“Coming Of Age”, “TKO”, “I’m Fine (No Really)”, et le tube à succès “Who’s Laughing Now” se font sûrement une place dans de nombreuses playlists en cette belle après-midi. Un groupe à suivre de très près à l’avenir !

Please (Scène du Bosquet)

La vingtième édition de Rock En Seine met en avant de nombreux artistes francophones, et parmi eux, le groupe parisien Please se révèle comme une des grandes surprises de la Scène du Bosquet. Véritable anti-groupe de rock, Please cultive une esthétique kitsch inspirée des années 70. Bien que le public soit encore clairsemé au début de la performance, il est rapidement attiré par la musicalité exceptionnelle du groupe et la voix charismatique de son chanteur.

Please interprète avec une ferveur incroyable les titres de son premier EP éponyme. Les influences des légendes du rock comme Dire Straits et Deep Purple sont clairement perceptibles, mais le groupe y ajoute sa touche unique. Le chanteur passe aisément de la guitare au clavier, apportant une dynamique particulière à chaque morceau.

La formation parisienne ne se contente pas de jouer ses morceaux : elle interagit constamment avec le public, créant une connexion authentique et immédiate. Pour le dernier morceau, le chanteur invite les spectateurs à répéter en boucle les paroles du refrain, une astuce efficace pour ancrer cette mélodie entêtante dans les mémoires des festivaliers. Le set se termine de manière festive avec un lancer de T-shirts dans la foule et une invitation à se retrouver le 27 septembre pour la sortie du deuxième EP, un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte !

New West (Scène Firestone)

Dès son entrée sur la Scène Firestone, New West captive l’audience avec une énergie contagieuse et une aura intrigante. Le chanteur, avec ses danses désarticulées et une voix envoûtante rappelant celle de Chris Martin de Coldplay, ne laisse personne indifférent. Le quatuor canadien, souvent comparé à Coldplay, confirme ces similitudes en live avec une prestation qui mêle intensité émotionnelle et interactivité.

Les lauréats du Juno Award 2024 ne se contentent pas de jouer leur musique; ils cherchent à établir une connexion sincère avec l’auditoire. Multipliant les moments de partage, ils prennent plusieurs photos du pit et, dans un élan de spontanéité, le chanteur Kala Wita utilise le téléphone d’une festivalière pour lui offrir une vidéo unique du concert.


Le clou du spectacle arrive lorsque le frontman descend de la scène avec son micro pour interpréter “Bitter Sweet Symphony” de The Verve, se mêlant à la foule. Très à l’aise, il prête son micro aux spectateurs et explore le site de Rock En Seine, transformant le concert en une véritable fête interactive. Cette performance atypique attire rapidement une foule de curieux, un exploit inédit pour la scène alternative Firestone.

New West termine son set avec “Those Eyes”, un titre extrait de son premier album Based On A True Story (2023), que le public reprend en chœur. La prestation laisse une empreinte mémorable, démontrant la capacité du groupe à créer des moments uniques et à captiver son audience de manière originale.

Sleater-Kinney (Grande Scène)

Cette année, Rock En Seine met à l’honneur de nombreux groupes féminins, et le passage de Sleater-Kinney sur la Grande Scène est l’un des moments les plus attendus. Groupe emblématique du mouvement Riot Grrrl des années 90, la formation portée par Carrie Brownstein et Corin Tucker ne tarde pas à enflammer le public.

Dès les premières notes, Sleater-Kinney rend hommage à ses morceaux les plus emblématiques, comme “Jumpers” de l’album The Woods (2005), avec une énergie qui ferait pâlir bien des jeunes groupes. Mais la formation ne se contente pas de jouer la carte de la nostalgie : elle intègre également des titres de son nouvel album, Little Rope (2024). Les représentantes de Riot Grrrl prouvent ainsi qu’elles restent à la pointe de la scène musicale actuelle, alliant l’héritage du passé à une pertinence contemporaine.

Avec une formation originale, incluant deux claviéristes, Sleater-Kinney transporte l’assemblée dans son univers unique et dynamique. Corin Tucker se rend même à la barrière pour interpréter “Untidy Creature” au milieu de la foule, créant un moment de proximité rare qui conclut le set sur une note mémorable.

Inhaler (Scène Cascade)

Le groupe irlandais Inhaler, mené par Elijah Hewson, est de retour à Rock En Seine après son premier passage il y a deux ans. Depuis, la formation a parcouru un beau chemin, passant de révélation prometteuse à figure incontournable de la scène rock irlandaise. Malgré le passage tardif juste avant la tête d’affiche Massive Attack sur la Grande Scène, Inhaler parvient à captiver son public sur la Scène Cascade avec un set énergique et plein de passion.

Le groupe reprend la quasi-totalité des titres de ses deux albums, It Won’t Always Be Like This (2021) et Cuts & Bruises (2023), offrant aux festivaliers un véritable voyage à travers sa discographie. La ressemblance vocale entre Elijah Hewson et son père, Bono de U2, est frappante : lorsqu’on ferme les yeux, on pourrait presque croire entendre les débuts de U2. Inhaler montre que la relève est non seulement assurée, mais le fait avec une classe et une maturité impressionnantes.

Giant Rooks (Grande Scène)

Giant Rooks monte sur la Grande Scène de Rock En Seine avec une ambition claire : donner le meilleur d’eux-mêmes en quarante-cinq minutes. Dès le début, ils captent l’attention du public, attirant une foule nombreuse devant la scène, où le premier rang est rempli de fans arborant fièrement les T-shirts du groupe. L’interaction entre les musiciens et la foule crée une ambiance chaleureuse et complice.

Lorsque la bande interprète “Fight Club”, tiré du dernier album, il introduit la chanson avec une citation des fameuses règles du film : “The first rule of Fight Club is: You do not talk about Fight Club. The second rule of Fight Club is: You do not talk about Fight Club. Third rule of Fight Club: someone yells stop, goes limp, taps out, the fight is over.” Cette introduction pleine d’humour et d’énergie séduit les spectateurs, qui se prennent au jeu avec enthousiasme.

Musicalement, Giant Rooks évoque les sonorités accrocheuses et l’énergie d’Imagine Dragons. Bien que la scène paraisse un peu vide au début, le groupe parvient rapidement à attirer une foule impressionnante grâce à sa performance dynamique. Le titre “Somebody Like You”, issu du dernier album sorti en 2024, devient un moment de communion avec l’assistance chantant en chœur, prouvant que cette chanson est déjà un classique parmi les fans.

Un moment touchant se produit lorsqu’une fan offre au groupe un bouquet de tournesols, l’emblème du groupe. Le chanteur, ému, prend le bouquet et le brandit fièrement à la foule, perpétuant une tradition observée lors de précédents concerts. Avant de lancer la dernière chanson, il exprime sa gratitude avec : “Can’t wait to come back“. Avec cette performance, Giant Rooks laisse une impression durable et suscite l’envie de le revoir sur scène.

Les déceptions

L’attitude de Lana Del Rey

Présente dans la section “Incontournable“, il est impossible de passer sous silence les vingt-cinq minutes de retard de Lana Del Rey à Rock En Seine. Ce retard, bien que non isolé dans le monde des festivals, a malheureusement entaché la prestation tant attendue de l’artiste. Les spectateurs du Reading Festival ont rencontré le même problème quelques jours plus tard, ce qui a eu pour effet de raccourcir la performance et de frustrer les fans.

Les conséquences de ce retard ont été réelles et préoccupantes. En cette chaude journée, de nombreux fans, dont beaucoup de jeunes, s’étaient rassemblés bien en avance pour obtenir une place de choix. Cela a conduit à des problèmes d’afflux massif et a nécessité des interventions d’urgence, avec des évacuations commençant dès le concert de Pomme et se poursuivant de manière significative pendant la prestation de Lana Del Rey. La densité de la foule a rendu les interventions difficiles et les secours ont eu du mal à accéder aux personnes en détresse.

Bien que Lana Del Rey ait interrompu sa performance pour aider ceux qui demandaient assistance à l’aide de leurs téléphones portables, il est regrettable que ce genre de situation n’ait pas été anticipé. Un comportement plus préventif aurait pu limiter l’ampleur de ce phénomène. Bien que l’artiste soit incontestablement talentueuse et ait une grande base de fans, ces problèmes d’organisation ont terni l’expérience pour de nombreux spectateurs.

Ghinzu (Grande Scène)

Les Belges de Ghinzu ont investi la Grande Scène avec leur marque de fabrique : une énergie contagieuse et un public déjà séduit. Connus pour leurs concerts dynamiques et leur connexion avec l’audience, ils ont tenu leur réputation.

Dès les premières notes, le groupe a plongé dans une setlist largement axée sur leur album emblématique Blow (2004). Les morceaux comme “Do You Read Me?” et “The Dragster-Wave” ont résonné avec force, ravissant les fans de longue date. Le public, visiblement enthousiaste, a répondu avec des cris d’acclamation et a dansé avec ferveur. La complicité entre les musiciens et les spectateurs a créé une atmosphère électrique et animée.

Cependant, la performance a été marquée par de sérieux problèmes techniques. Le volume sonore excessif a rendu certains passages difficilement audibles, même pour ceux qui utilisaient des bouchons d’oreilles. Ces difficultés ont inévitablement affecté l’expérience globale du spectacle. Malgré ces contretemps, le groupe a fait preuve de résilience, s’efforçant de maintenir l’énergie et l’engagement tout au long du concert.

Bien que les problèmes techniques aient laissé un goût amer à certains festivaliers, Ghinzu a su conserver une grande partie de son public jusqu’à la fin de sa prestation. Cela témoigne de la fidélité et de l’affection des fans, qui ont continué à soutenir le groupe malgré les obstacles.

Dead Poet Society (Scène Cascade)

Dead Poet Society a pris d’assaut la Scène Cascade avec une énergie brûlante. Dès son entrée en scène, le groupe a capté l’attention des festivaliers avec un set intense et plein de fougue. Le public, visiblement en transe, a répondu avec enthousiasme, lançant des slams effrénés et se lançant dans des circle pits vibrants, en parfaite synchronisation avec les riffs puissants et les cris du groupe.

La setlist, riche en morceaux de rock alternatif et de post grunge, a parfaitement illustré la force et la passion de Dead Poet Society. Chaque chanson invitait les spectateurs à se laisser emporter par l’intensité musicale, et la réponse du public a reflété cette énergie collective. Cependant, le set n’a pas été exempt de difficultés.

Des problèmes techniques majeurs ont assombri l’expérience. Les basses, mal équilibrées, ont parfois couvert les autres instruments et la voix du chanteur, rendant certains passages du show difficilement audibles. Ces désagréments ont frustré de nombreux festivaliers, et des regards déçus ont été échangés dans la foule.

Malgré ces obstacles, Dead Poet Society a continué à jouer avec une détermination admirable. Jack Underkofler, le chanteur, a même plongé dans la foule, incarnant l’esprit de communion et de passion qui caractérise le groupe. Son plongeon dans le public a été un moment fort du concert, soulignant leur engagement à offrir une performance mémorable malgré les difficultés techniques.


En fin de compte, bien que les problèmes sonores aient altéré l’expérience, la détermination du groupe et l’engagement du public ont fait de ce concert un moment marquant de Rock En Seine.

Kasabian (Grande Scène)

Lorsque Kasabian prend possession de la Grande Scène, l’atmosphère est teintée d’une attente à la fois fébrile et incertaine. Le groupe, en pleine transition avec Sergio Pizzorno assumant le rôle de frontman après le départ de Tom Meighan, débute avec “Club Foot”. Bien que la prestation soit impeccable, la foule ne réagit pas avec l’enthousiasme habituel, et l’énergie semble plus contenue.

Le setlist est un tour d’horizon de la discographie, intégrant des classiques ainsi que des morceaux du dernier album Happenings (2024). Cependant, les nouvelles chansons peinent à susciter l’engouement espéré, et les tentatives de raviver l’ambiance avec des titres phares comme “Shoot The Runner” et “Fire” rencontrent un succès limité. Sergio Pizzorno, bien que donnant tout ce qu’il a, semble avoir du mal à recréer la magie qui faisait des concerts de Kasabian des moments électrisants.

Le concert se termine avec “L.S.F. (Lost Souls Forever)”, qui parvient à rassembler une partie du public et à offrir un instant de connexion, mais le sentiment général est celui d’une performance qui n’a pas pleinement répondu aux attentes. La transition du groupe semble encore en cours, avec Sergio Pizzorno et les autres membres essayant de trouver leur rythme et de s’ajuster à la nouvelle dynamique. Leur talent reste indéniable, mais l’absence de Meighan et les ajustements nécessaires rendent la performance quelque peu inégale.

Cette édition 2024 de Rock En Seine a été marquée par des moments mémorables et une programmation variée, même si certains aspects, notamment le vendredi, ont laissé une impression plus mitigée. Le festival continue de se distinguer comme l’un des grands rendez-vous musicaux de l’été, offrant une plateforme pour une gamme éclectique d’artistes et d’expériences musicales. Rock En Seine démontre une fois de plus son importance et son influence dans le paysage des festivals européens.

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Kaithleen Touplain
Historienne de l'art et passionnée de musique rock à mes heures perdues.