Après avoir accueilli les Rolling Stones pour trois dates d’inauguration en octobre dernier, la U Arena fête l’arrivée de l’été avec une autre pointure du rock. Fondateur et leader de Pink Floyd avant de s’en séparer en 1985, Roger Waters est indissociable du groupe de par ses engagements politiques qui transpirent au sein de ses compositions. Fervent militant pour la paix réputé pour avoir instauré une tyrannie au sein de la formation psychédélique, “The Wall” (1979) est considéré comme son chef d’oeuvre. Un homme complexe avec qui nous sommes rarement au bout de nos surprises.
Une heure avant le début du concert, c’est sous un soleil de plomb que les spectateurs cherchent leur entrée tout en commandant une pinte aux stands extérieurs. Il est difficile d’être familier d’une salle aussi jeune, mais la fraîcheur de ses couloirs nous font rapidement oublier ce détail. Personne ne se presse, tout le monde connaît la nature millimétrée du show. Le temps de flâner au comptoir merchandising et de trouver une place de choix pour admirer un peu moins de trois heures l’oeuvre de toute une vie. Contrairement à la représentation de la veille, celle-ci n’affiche pas complète en laissant une fosse à moitié pleine. Cela peut s’expliquer par une setlist inchangée sur l’intégralité de la tournée, amenant à la réticence les plus amoureux ne voulant pas débourser une certaine somme pour un set identique.
Avec la précision d’un horloger suisse, c’est à 20h que les cris lointains des mouettes introduisent sur l’écran géant la vidéo d’une jeune femme assise de dos sur une plage. Immobile pendant une quinzaine de minutes et permettant aux retardataires de s’attrouper, cette personne contemplant la mer disparaît pour laisser place à la pénombre alors que retentit “Speak To Me” jusqu’au basculement sur les musiciens avec “Breathe”. Tout de noir vêtu, Waters garde la tête haute et son timbre de voix particulier. Comme en 2006, “The Dark Side Of The Moon” (1973) est joué en intégralité en rythmant le début de la première partie, ainsi que la fin de la seconde. Présent jusqu’au titre de la tournée (“US And Them”), l’orientation bascule majoritairement sur une atmosphère politique tout en célébrant les quarante-cinq ans de l’album culte.
Bien que les morceaux soient joué avec exactitude, la seule liberté est prise par les talents rassembleurs de mise en scène du frontman. Cette indépendance repose sur un orchestre d’habitués où se trouve également une doublure basse souvent sollicitée lors des nombreux parcours de scène de Waters. De l’hymne “Welcome To The Machine” à l’incontournable “Another Brick In The Wall” où il est rejoint sur scène par des enfants en tenue de prisonniers de Guantanamo, il est inquiétant de constater le caractère intemporel de ces morceaux. Le début de la deuxième partie enfonce le clou avec “Dogs” et “Pigs” où Donald Trump se retrouve être le cochon de la farce. Le Britannique, aujourd’hui citoyen américain, n’hésite pas à taper sur le reste des figures politiques avec “Money”.
Le sens du spectacle hérité de son compère David Gilmour demeure intact. La réalisation des clips apporte une aura supplémentaire à l’ensemble musical. Seuls jurent certains effets de fond vert, notamment sur “The Great Jig In The Sky” avec l’incrustation galactique des deux vocalistes. Maintenant piloté par un couple de drones, le cochon volant, ainsi que la reproduction en projections de la Battersea Power Station, restent les points culminants d’une soirée pleine d’émotions. Celui-ci se fend d’un message sur ses flancs dans la langue de Shakespeare et de Molière “Restez Humain / Stay Human”. Entre temps, Waters arbore un masque de cochon levant un écriteau où il est inscrit “Pigs Rule The World”. Une fois le masque enlevé, un nouvel écriteau. “Fuck The Pigs”.
L’intensité est là, parmi les classiques et les morceaux récents. Parmi les phrases de Trump et le soutien à la jeune infirmière de Gaza assassinée par l’armée israélienne. Seul manque au tableau l’âme et la voix de Gilmour, absence encore plus ressentie lors de l’interprétation de “Wish You Were Here” et du morceau final, “Comfortably Numb”. Vestige de poésie mêlée aux convictions de Waters, un ballon en forme de lune plane auprès d’une projection laser du triangle de “The Dark Side Of The Moon”. Tout cela nous laisse également songeur.
Setlist :
Breathe
One Of These Days
Time
Breathe (Reprise)
The Great Gig In The Sky
Welcome To The Machine
Déjà Vu
The Last Refugee
Picture That
Wish You Were Here
The Happiest Days Of Our Lives
Another Brick In The Wall Part 2
Another Brick In The Wall Part 3
—-
Dogs
Pigs (Three Different Ones)
Money
Us And Them
Smell The Roses
Brain Damage
Eclipse
—-
Comfortably Numb