Vendredi soir, en début de tournée printanière, la tornade post punk Shame a fait trembler le Bataclan sans répit.
Cela fait quelques temps que la scène londonienne bouillonne d’artistes bricolant d’étonnants mélanges de styles. Nouvelle preuve en est en ouverture avec PVA. Le trio manie les synthétiseurs et les percussions efficacement, quoique l’ensemble tourne assez vite au déjà-entendu. L’atmosphère chaotique et parfois oppressante à la Suuns, finement rehaussée par des moments plus pop aux rythmiques entraînantes, fait réagir le public peut-être plus par convention que par réel plaisir. Un bref moment (tout juste vingt-cinq minutes) qui n’aura pas été aidé par le son écrasant des basses dans le mix.
Vite, la suite
C’est au son des Red Hot Chili Peppers que les cinq gars de SHAME font leur entrée. Très vite, cela commence à chauffer avec deux extraits de Drunk Tank Pink (2021), les concentrés d’énergie que sont “Alphabet” et “6/1”. Depuis le bord de la scène, le charismatique Charlie Steen dirige la foule en distribuant poignées de mains tout en débitant ses textes passionnément. Derrière lui, Josh Finerty se lance dans des sprints, ponctués de galipettes exécutées proprement avec sa basse. Le refrain entêtant de “Concrete” met en voix une fosse qui s’en donne à cœur joie, entre slam et pogo. Ces derniers sont légion, aux dires de certains plus furieux que ceux du concert de IDLES le mois dernier. C’est dire !
Du nouveau dans la setlist
Les concerts sont un excellent moyen de tester de nouveaux morceaux sans artifice. Les Anglais comptent bien profiter du moment pour en jouer toute une pelletée. Les guitares dissonantes à souhait de “This Side Of The Sun” et les riffs bien rock’n’rollesques de “Everything In This Room” sont accueillis avec enthousiasme. Mais on retiendra surtout la dense et mélodique “Fingers Of Steel” et surtout l’explosive “Wicked Beers” qui font monter le set un cran d’intensité au-dessus.
Une performance autant scénique que musicale
Morceau iconique du quintette, “The Lick” voit le groupe se surpasser sur la large scène, entre les exploits sportifs de Finerty, la frappe massive et chirurgicale de Charlie Forbes et l’équilibre quasi-parfait de Steen, tenant debout sur le public avant de plonger dedans. Et cela enchaîne jusqu’à “Born In Luton”, dense, avec les (relativement à Shame, bien sûr) mid-tempo “Nigel Hitter” et “Tasteless”. Légère baisse de régime côté public ensuite, avec une poignée de titres nouveaux ou rarement joués comme “Lost In The Woods” et “Water In The Well”.
Plus sombre et tourmentée, l’inédite “Adderall” se distingue toutefois avec son final particulièrement ravageur. Elle amorce une fin de set tout en montée en puissance. Après déjà une bonne heure d’hyperactivité de la part des cinq musiciens, surtout pas de rappel : ils enchaînent la frénétique “Snow Day” et l’hymne “One Rizla” au refrain fédérateur. Ce sera la nerveuse “Station Wagon” qui conclura parfaitement la soirée. Le job est fait, sobrement mais efficacement.
Comme à leur habitude, les Londoniens se sont donnés dans une performance intense, rodée et sans réel temps mort. A défaut d’être novateurs, les nombreux morceaux, qui figureront sans doute sur leur prochain album, présagent du Shame pur jus. Et au vu du moment passé en leur compagnie, on ne va pas s’en plaindre.