Établi comme une valeur sûre du rock rageur anglais, Slaves est venu faire trembler le Trabendo avec son excellent troisième album, “Acts Of Fear And Love”.
Les cinq membres de HOTEL LUX n’ont pas besoin d’ouvrir la bouche pour qu’on comprenne qu’ils sont anglais. Avec leurs chemises à carreaux boutonnées comme il faut, leurs coupes de cheveux austères et leur je-m’en-foutisme ostensible couplé à une application presque écolière, les Britanniques nous emmènent droit dans un pub brumeux et décrépi british. Oscillant entre un pub rock traînant et un post punk macabre, la musique de la bande tourne un peu en boucle mais connaît quelques coups d’éclat comme le morceau d’ouverture “Daddy”, et surtout, celui de fin, l’excellent “Berlin Wall”. Si elle partage une gouaille british ostentatoire avec la tête d’affiche du soir, la bande de Londres est cependant peut-être un poil calme pour le public des deux turbulents garçons de Slaves. Non pas que le duo du Kent ne sache parfois se faire discret : c’est dans l’ignorance générale que Laurie Vincent et Isaac Holman passent une tête dans la foule pour assister à la première partie.
Après avoir chauffé son public avec une playlist mélangeant rap, grime et punk, c’est finalement sur de l’eurodance que SLAVES débarque sur scène. “We Like To Party!” de Vengaboys résonne, le Trabendo danse déjà. Le ton est donné. Isaac, torse nu et muscles saillants, s’installe debout derrière sa batterie alors que Laurie, avec ses mèches peroxydées, empoigne sa basse. L’enragé “Sockets” ouvre les hostilités, suivi sans répit par le tout aussi furieux “Bugs”. Les deux acolytes foncent, enchaînent les morceaux avec une ardeur déroutante, ne s’arrêtant que pour échanger entre eux ou avec l’assemblée. “On n’est que deux dans le groupe, parce qu’à nos débuts, personne d’autre ne voulait jouer avec nous”, explique le chanteur avant de faire scander au Trabendo le plein d’ironie “Fuck The Hi-Hat”. À l’image de Slaves, la scénographie est simple et efficace : son nom trône en néon derrière les deux acolytes, clignotant à tout-va, en blanc la plupart du temps, parfois en rose criard ou en vert.
Que ce soit sur les titres qui font désormais figures de vieux classiques (“Cheer Up London”, “Where’s Your Car Debbie?”) ou sur les morceaux du dernier album, “Acts Of Fear And Love” (“The Lives They Wish They Had”, “Cut And Run”, “Chokehold”), on assiste à une déferlante d’énergie, aussi bien sur scène que dans la fosse. Côté foule, les quelques timides tentatives de reprise de la chorégraphie du clip de “Cut And Run” sont vite noyées par de joyeux pogos et des slams, constants pendant le set. Se nourrissant de l’énergie de leur auditoire, les deux musiciens redoublent d’agitation, occupant étonnant bien la scène pour un effectif si réduit. Ni trop en retrait, ni surjouée, la présence scénique du groupe est impeccable. Même coincé derrière ses fûts, Isaac émane la puissance, le charisme et impressionne par sa stature. Dès qu’il en a l’occasion, il lâche ses baguettes pour rejoindre son fougueux compère tortionnaire de cordes, en grimpant sur une enceinte ou en se jetant dans la foule. S’il lui saute dessus, il en prend également soin. Le frontman ordonne à son audience de bien se tenir avec les filles, puis encourage tout le monde à se faire des câlins. Derrière leurs airs de punks impétueux, les deux Anglais font de la bienveillance leur mot d’ordre.
Slaves met sur pause cette déferlante d’énergie ravageuse, avec l’un de ses rares morceaux plus calmes, la nouvelle “Photo Opportunity”. Loin de la véhémence ou de l’ironie dans lesquels baigne généralement le duo, la bande présente ici une facette plus vulnérable. Alternant entre passage doux et refrains explosifs, le morceau donne surtout l’occasion d’entendre le travail vocal effectué par le chanteur sur cet album. Sans rien perdre de son coffre, il s’illustre ici brillamment dans un registre moins rentre dedans. Jouant toujours sur une progression d’énergie, l’excellentissime “Sugar Coated Bitted Truth” élève la performance d’encore un cran. Porté par le riff obsédant de Laurie et la diction rageuse de Isaac, le titre instaure une atmosphère envoûtante. Simplement renversant. Après un “Beauty Quest” bien hargneux, Slaves offre une dernière occasion de se défouler au Trabendo avec “The Hunter”. Au bout d’une heure d’un set peut-être un peu concis mais terriblement efficace, le groupe quitte la scène, laissant planer une question : à quand la prochaine fois ?
Avec un concert ravageur, généreux et convaincant, Slaves adresse un joli geste d’amour à son public parisien.
Setlist :
Sockets
Bugs
Magnolia
Fuck The Hi-Hat
Live Like An Animal
Cheer Up London
The Lives They Wish They Had
Cut And Run
Where’s Your Car Debbie?
Chokehold
Photo Opportunity
Sugar Coated Bitter Truth
Beauty Quest
The Hunter