Le premier week-end du mois de juin était un rendez-vous important pour nombre de personnes; et pour cause, se déroulait alors la 3ème édition du festival metal à Amnéville, Lorraine. La petite bourgade du nord-est de la France accueille plus de 20 000 festivaliers venant de tout l’Hexagone et des pays limitrophes (Belgique, Allemagne, Luxembourg). Lancé en France il y a trois ans, celui-ci ne présente que trois éditions cette année (Espagne, France et Italie), contre onze lors de la première fournée. Il y a eu beaucoup de réserves sur les autres années (annulations de groupes, organisation, conditions de vie sur le camping…), voyons ce qu’il en est cette fois avec un line-up plus qu’alléchant.
Arrivé la veille sur le site sous un soleil cuisant, nous attaquons le vif du sujet. Des bénévoles assurent l’orientation des véhicules et des festivaliers pédestres. Le staff ne semble pas plus au courant du déroulé des opérations sur le site du camping que les festivaliers eux-mêmes. “C’est un peu n’importe quoi, on est un peu débordé.”, nous confiera même l’un d’eux. Peut-être que la forte affluence à la veille de l’ouverture des portes n’était pas tout à fait prévue. Après avoir installé le campement, nous partons à la découverte du site de vie. Une scène off, un point restauration, un bar, des douches et toilettes payantes vite envahies et saturées, un stand merch et peu d’animation. Mais le soleil est au rendez-vous, la bonne humeur également et une bière fraîche font vite oublier la difficulté à trouver le site tant aucune espèce de signalisation ne se trouvait dans la ville. Certains festivaliers n’ont même jamais trouvé la navette qui était mise à disposition pour le transport depuis la gare. Le début de soirée est bercé de décibels et BPM hyperactifs. L’ambiance est bonne et les personnalités rencontrées au détour des allées du camping affichent toutes une banane enjouée.
Samedi 8 juin, le call in presse est à midi, nous arrivons donc sur le site du festival une bonne demie heure avant, et là… Aucune info précise sur où récupérer nos pass. Nous attaquons donc la queue la plus logique “Invitations”. Il se passera deux heures à être trimballé d’une queue à une autre par les agents de sécurité qui nous délivraient des informations contradictoires. C’est un confrère d’un autre média web qui nous sortira de cet enfer cuisant en nous expliquant que les accréditations sont à retirer au sommet du festival. Après donc 2h45 en plein soleil, nous obtenons le précieux sésame d’entrée. Un agent de sécurité nous expliquera par la suite qu’ils sont 180 agents en tout, venant de quatre villes différentes (Lille, Nancy, Metz, et Strasbourg) et que les équipes ne communiquent pas entre elles. Un sérieux manque de communication se précise. Il gratifiera notre questionnement par un joyeux : “C’est le bordel !”.
Nous voilà enfin accueillis dans l’espace VIP/Presse, où un catering fut prévu. Nous en oublions presque les longues heures d’attente qui nous ont coûté HEADCHARGER, DAGOBA et une bonne partie de Crucified Barbara. Attaquons le vif du sujet, nous sommes là pour la musique n’est-ce pas ?
Le site est grand et bien pensé, les deux scènes, Apollo et Saturn, se font face et alternent les concerts, les festivaliers n’ont que quelques minutes de répit entre les deux. CRUCIFIED BARBARA, quatre jolies nanas, suédoises, aussi sexy que démoniaques, vu quelques jours auparavant en concert à Paris. Du pur hard rock, efficace, une énergie scénique qui n’est pas sans rappeler celle des Runaways. Le contact avec le public est bon, la fosse est réceptive, de bonne augure pour ce premier jour. Le quatuor scandinave enchaîne les titres, l’énergie punk de leur début aide beaucoup à leur prestation.
Changement de scène pour KARNIVOOL, groupe australien qui délivre un rock aux fortes influences post-rock. C’est lourd, le chant est clean, les riffs de guitare sont tranchants et copieux. Surprenant au départ, puis on s’y fait, tout en trouvant cela un peu répétitif. Assez dommage donc car cela semblait très prometteur. Peut-être qu’après une écoute plus poussée leur son devient plus accessible, mais la mayonnaise a eu de mal à prendre. Cependant, les cinq musiciens sont tout à fait en place, et la section rythmique implacable.
Le public se masse devant la scène Apollo, une marée noire qui attend avec impatience la prestation des polonais de BEHEMOTH. Un groupe qui a déjà pas mal traîné ses basques depuis une vingtaine d’années. Grimés en personnages occultes, Adam “Nergal” Darski (chant), Patryk “Seth” Sztyber (guitare) et Tomasz “Orion” Wroblewski (basse) déclenchent une effervescence lors de leur arrivée sur scène. Du black/death metal puissant et si lourd que l’on se sent possédé par les démons inspirant leur musique. Un peu moins d’une heure sur scène animée par une énergie mystique. L’ambiance est pesante, les musiciens prennent leur rôle d’apôtres de Satan très au sérieux, les riffs lancinants, la basse profonde, le chant d’outre tombe, un jeu scénique réglé au millimètre. Le Sonisphère tremble sous la puissance des subwoofers, Amnéville se transforme l’espace de leur prestation en l’antichambre de l’enfer. Notons tout de même l’absence de Zbigniew “Inferno” Prominski (batterie), qui devait se faire opérer de toute urgence et qui fut remplacé par Krimh (ex-Decapitated).
Place à la guerre avec SABATON. Les suédois mondialement reconnus, font partie des acteurs majeurs de la scène heavy metal. Le frontman Joakim Brodén fait part d’une anecdote concernant leur backdrop, en effet, celui-ci n’a pu être affiché car il a été perdu en même tant que leurs valises par la compagnie aérienne. La basse et le kick se mêlent dans le mix sonore, dommageable donc car la lourdeur caractéristique de leur son s’y perd. Les refrains sont repris en chœurs par un public massif qui gratifie le quintette par une forêt de mains levées à chaque mesure. Des titres du nouvel album “The Lion From The North” sont présentés et rencontrent un franc succès. Les scandinaves en treillis assurent une belle prestation en ce premier jour de Sonisphère.
Les plus jeunes se dirigent vite pour obtenir une place de choix avant l’arrivée sur scène de BRING ME THE HORIZON. Aux dires du public, les anglais, déjà à l’affiche de la première édition, assurent un très bon show, le chanteur Oli Sykes (que nous avions interviewé à Paris) restant fidèle à lui-même offrant un salut du majeur à la fosse venue l’acclamer ainsi que ses acolytes. On peut ne pas être fan de leur metalcore devenu post-hardcore avec le dernier album “Sempiternal“, mais il faut leur accorder le mérite d’une prestation plus qu’honorable.
De retour d’interview d’avec Head, guitariste de Korn, nous arrivons pile à temps pour l’abordage des vikings. AMON AMARTH ancre son drakkar sur la scène Saturn pour une heure de show intense. Une grosse claque tant visuelle que sonore. La double pédale retentit si fort que Thor semble s’être installé derrière les fûts. Le chant guttural de Johan Hegg, que nous avions interviewé à Paris, retentit sur l’ensemble du site. Les musiciens semblent ravis d’être présents et se donnent à fond. Le contact avec le public est chaleureux et leur est bien rendu. Chaque fin de chanson est couverte par un tonnerre d’applaudissements et autres expansions vocales. Si l’on était proche de l’enfer avec Behemoth, là nous sommes en chemin pour le Valhalla. Les solos de guitare sont tranchants et se distinguent par la mélodie dégagée dans la puissance et la lourdeur générale.
Restons dans les sons lourds et puissants avec le groupe le plus puissant du monde, l’incomparable légende du heavy metal, MÖTÖRHEAD. Leur arrivée sur scène déclenche l’hystérie au sein d’une fosse déjà conquise, les t-shirts à leur effigie ont défilé toute la journée, et là, c’est la grosse réunion. Bikers, rockers, jeunes et moins jeunes. Lemmy Kilmister salue de sa voix chauffée au Jack et aux cigarettes, on rentre directement dans le vif du sujet, les premières mesures de basse font sauter le pit chauffé à blanc par le soleil tapant et les groupes précédents. Les décibels fusent comme l’éclair, Phil Campbell (guitare) semble être là sans être là. Une énergie bizarre anime les musiciens, cela n’entâche en rien la qualité de ce concert, cependant le public aurait apprécié un peu plus d’échanges avec ces vieux loups de la route. Les afficionados connaissent les personnages et ne sont pas déçus, bien au contraire. C’est donc une grande réunion de famille qui se passe avec Mötörhead, on se prend par les épaules, on hurle aussi fort que l’on peut les paroles de “Hellraiser”, et on part ensemble se chercher une bonne bière bien fraîche pour trinquer avec les nouveaux amis. Il semble bien que le rock soit un des derniers styles musicaux les plus fédérateurs au monde.
Pendant ce temps là, les suédois de IN FLAMES bercent une petite pause bien méritée de leur death metal mélodique. Alternant envolées au synthé et grosses lignes binaires. Une formation qui séduit majoritairement les plus jeunes, et les fans de solo type guitar hero.
De lourdes notes de basse retentissent au loin, SLAYER est en soundcheck, il est temps de se diriger vers la scène Apollo. Le public se tasse pour voir ces légendes du Big 4. De retour au Sonisphère où ils avaient déjà joué en 2011. La formation thrash metal que l’on ne présente plus réserve ce qui va s’avérer être l’un des meilleurs shows de la journée. Un son aux petits oignons, un light show époustouflant (défi pour les photographes massés dans le pit). La guitare est l’une des vraies pierres angulaires de Slayer, ça joue sévère. La technicité des syncopes, stops, changements de tempo et de tonalités, pas étonnant qu’une folie contagieuse s’empare de la fosse juste au bout de trois ou quatre mesures. Bien évidemment, un hommage sera rendu à leur ami et partenaire décédé il y a peu, Jeff Hanneman. Des sous-bock aux couleurs d’Heineken (la bière préférée de Jeff) s’affichent sur les écrans, la marque est remplacée par le nom et prénom de cet homme parti trop tôt. Moment d’émotion que tous célèbrent avec ferveur. Celui-ci est remplacé haut la main par Gary Holt (Exodus) alors que Paul Bostaph reprend officiellement son poste de batteur, remplaçant ainsi Dave Lombardo…
Suit KORN qui fête le grand retour de Head, son guitariste originel. Les attentes du public sont lourdes. Avoir l’opportunité de voir cette formation qui a inspirée tant de musiciens et de fans à travers le monde au fur et à mesure des années, Korn fait partie des noms incontournables de ce Sonisphere 2013. Un show à marquer d’une pierre blanche. Les mines réjouies des musiciens font plaisir à voir, la complicité d’antan est retrouvée. Les chansons sont quasiment toutes reprises en chœur par la fosse qui bouge joyeusement aux rythmes groovy de la basse de Reginald “Fieldy” Arvizu, aux syncopes de batterie léchées de Ray Luzier, aux guitares assassines de Brian “Head” Welch et James “Munky” Shaffer, et au chant si caractéristique de Jonathan Davis. Un light show bien réglé qui donnera du mal aux photographes (comme pour Slayer plus tôt), un contact public bien présent, et surtout la joie des retrouvailles. Place méritée dans le top 5 des meilleures prestations de la journée.
La clôture de cette intense première journée est assurée par le groupe qui a marqué nombre d’ados durant les 90’s, LIMP BIZKIT. Beaucoup de fans impatients squattent les premiers rangs depuis un bon moment. L’arrivée sur scène des américains, mêlant hip hop et metal, se fait sous un tonnerre d’applaudissements. Le concert à peine commencé, un fan est invité à monter sur scène, repéré grâce à son panneau “Chocolate Starfish And The Hot Dog Flavored Water”, il restera là à vivre sûrement l’un des plus beaux jours de sa vie le temps de la susnommée chanson. Le concert a du mal à démarrer cependant, la voix de Fred Durst n’est pas tout à fait au rendez-vous. Le guitariste Wes Borland, grimé de la tête au pied, assure ses lignes mais semble avoir des problèmes techniques, ce qui s’avèrera être vrai lorsqu’on le verra balancer son pédalier en côté de scène. Il faudra trois ou quatre morceaux pour que le show décolle enfin. Certains spectateurs déçus sortent de la fosse pour profiter du concert de loin. Ceux qui sont restés ne sont pas déçus. Tous les plus grands classiques seront joués dans une ambiance électrisante. Le show durera pas loin d’une heure et demie, avec beaucoup de très bon morceaux qui feront oublier le début du show. La recette marche encore très bien, les fans sont au rendez-vous, la scénographie bien pensée et épurée, musicalement efficace et une bonne manière de finir ce premier jour de Sonisphere.
Un samedi bien chargé, et c’est les oreilles et les yeux bien remplis qu’il est tant de retourner vers l’espace camping où la soirée continuera de battre son plein jusqu’aux premières lueurs du jour. Mention spéciale aux prestations de Behemoth, Amon Amarth, Motörhead, Slayer et Korn. C’est avec tristesse que nous avons appris le décès d’un festivalier peu après Motörhead, un biker souriant et amical rencontré pendant le concert. Nous adressons toutes nos condoléances et notre soutien à sa famille, ses amis, et ses frêres du club. RIP l’ami.
Crédit photos : Nicko Guihal