En ce samedi 23 novembre, ce n’est pas uniquement le Tour Of The Setting Sum qui achève son passage européen à Paris; c’est aussi Sum 41 qui vient faire ses adieux définitifs à son public français. Plus de six mois après la parution de leur dernier album, Heaven :x: Hell, les Canadiens célèbrent leur punk rock addictif avec une Paris Défense Arena au rendez-vous pour ce dernier face-à-face déjà teinté de nostalgie.
Dynamite Shakers
De la première partie de KO KO MO à La Cigale en novembre 2023 à celle de Sum 41 à Paris La Défense Arena en novembre 2024, les Vendéens de DYNAMITE SHAKERS peuvent être fiers de leur année. Et de leur présence scénique : dès 18h30, les quatre musiciens font exploser leur garage punk électrisant, captant l’attention d’une Paris Défense Arena se remplissant au rythme de leurs riffs effrénés. Leur rock très up-tempo se caractérise par une simplicité parfois ébréchée, ponctuée d’excellents solos de guitare. Le batteur injecte sporadiquement une dose supplémentaire de folie en s’adonnant à des cris endiablés dans son micro. Après avoir invité les premiers arrivés de la salle à renouveler l’expérience le 12 mars à La Maroquinerie, Dynamite Shakers quitte la scène avec le même mélange d’aisance et de modestie qui a dicté sa performance.
Neck Deep
Le niveau sonore de la salle prend quelques décibels supplémentaires lorsque NECK DEEP s’empare de la scène. Ce soir, son pop punk sonne plus punk que pop tant la saturation des guitares et le jeu de batterie affolé prennent le dessus sur les mélodies. Les Britanniques peuvent compter sur quelques connaisseurs dans le public, qui s’adonnent aux premiers refrains chantés, crowdsurfs et circle pits de la soirée. Rien d’étonnant : à bien des égards, Neck Deep s’apparente à un frère cadet de Sum 41, venu chauffer la salle pour son grand frère. Ben Barlow rend d’ailleurs hommage à “Fat Lip” et à l’album All Killer, No Filler comme marqueurs essentiels de sa jeunesse musicale, et assure que Neck Deep n’existerait pas sans son aîné. Cerise sur le gâteau, le groupe fait grimper Dave Baksh (l’un des deux guitaristes de Sum 41) sur scène pour un morceau. Une transition toute trouvée qui achève de faire grimper le niveau d’excitation général.
Mention spéciale au discours que Ben Barlow porte à quelques minutes de la fin, axé sur la nécessité de se rassembler et de dépasser nos différences culturelles face au vrai ennemi, que le chanteur identifie dans la personne des plus riches et des hommes et femmes politiques. Il termine en affirmant les convictions anti-racistes, anti-sexistes et anti-homophobes du groupe, et en prenant la soirée comme illustration de l’unité qui peut prédominer entre êtres humains. Plutôt que de tomber dans la facilité de la démagogie, cette intervention rappelle les racines profondément politiques et contestataires du punk, dont Neck Deep est un héritier contemporain.
Sum 41 : So long goodbye
Pour sa tournée d’adieux, SUM 41 préfère aux larmes le punk. Mené par un Deryck Whibley fidèle à lui-même, le groupe livre une impressionnante performance de plus de deux heures, puisant dans l’entièreté de sa discographie et de ses inspirations.
Il faut dire que les Canadiens ne tardent pas à lancer les hostilités : en débutant le concert avec “Motivation”, Sum 41 réveille déjà les corps et les esprits nostalgiques. Les morceaux qui suivent (“The Hell Song”, “Over My Head (Better Off Dead)”, “No Reason”, “Out For Blood”) font chacun monter l’ambiance d’un cran, transformant une généreuse partie de la fosse en ring à moshpits, tandis que le reste de la salle bondit et que certains occupants des tribunes peinent à rester assis. Les musiciens marquent une pause pour remercier le public de son soutien au fil des ans, remerciements prolongés par “War”, que Deryck dédie à la “famille Sum 41“.
Le groupe a prévu une setlist plutôt équilibrée, à la fois entre les albums et les différents styles explorés au sein de ceux-ci. Si le tournant de 2011, caractérisé par des inspirations plus metal, n’a droit qu’à peu de slots (Screaming Bloody Murder (2011), 13 Voices (2016) et Order In Decline (2019) n’obtiennent qu’un morceau chacun), “Screaming Bloody Murder”, “Rise Up” et autre “Waiting On A Twist Of Fate” honorent cette facette réussie de sa discographie et par la même occasion, la plus récente production de Sum 41. S’ajoutent des extraits de “Raining Blood” (Slayer) et “Master Of Puppets” (Metallica) à la fin de la fabuleuse “We’re All To Blame” pour rappeler les influences metal des Canadiens.
Les passages les plus heavy sont aussi à trouver dans les aventures les plus sobrement punk des débuts de Sum 41 : l’enchaînement des meilleurs moments de “My Direction”, “No Brains” et “All Messed Up”, toutes trois issues de Does This Look Infected? (2002); les prestations agitées de “Fat Lip” (All Killer, No Filler (2001)) et de “Summer” (que Deryck identifie comme la plus vieille chanson écrite par le groupe), et la fin en apothéose proposée par “Welcome To Hell” (Chuck (2004)).
Même si Deryck rappellera à de nombreuses reprises que cette soirée est avant tout une célébration punk, la setlist laisse de la place à des instants plus mélancoliques et calmes, portés par certaines des plus belles ballades du groupe, “With Me” en tête. “Pieces” offre quant à elle quelques minutes d’intimité entre l’audience et Deryck, installé au piano et simplement éclairé d’un faisceau de lumière blanche. Enfin, le deuxième rappel du groupe s’ouvre sur “So Long Goodbye”, dont les paroles semblent particulièrement à propos ce soir.
La facette la plus pop de Sum 41 explose via ses refrains plus cathartiques les uns que les autres : la plébiscitée “Noots”, la récente et populaire “Landmines”, les mythiques “We’re All To Blame” et “Still Waiting”… et bien sûr, la célébrissime “In Too Deep”, qui transforme la Paris Défense Arena en une chorale bondissante et exaltée.
La scénographie contribue à l’esprit festif de la soirée. Jets de confettis et effets pyrotechniques sont évidemment de sortie, tandis qu’un squelette gonflable dont les doigts forment les chiffres 4 et 1 occupe le fond de scène pendant la deuxième moitié du concert. Mais la réelle attraction scénique, c’est évidemment la joyeuse agitation de Deryck, qui n’en finit pas d’interagir avec l’auditoire, de le faire chanter, se baisser, jouer avec des ballons, sauter, moshpiter, brandir ses lampes torches… le tout dans un esprit de gratitude mutuelle et de célébration.
Ses compagnons de scène s’attirent aussi les projecteurs. Surtout Dave Baksh, qui fait résonner sa guitare au fil de ses solos, plus impressionnants les uns que les autres (“Out For Blood”, “Screaming Bloody Murder”, “Rise Up”, “Waiting On A Twist Of Fate”…); et Frank Zummo de renchérir en proposant quelques passages de batterie délectables, particulièrement à la fin de “Some Say” et pendant le medley de Does This Look Infected?.
Histoire de retarder le salut final, Sum 41 prévoit deux rappels, qui voient les cinq musiciens et leurs fans livrer tout ce qui leur reste d’énergie. En donnant leur dernier discours, les Canadiens semblent certes émus par les applaudissements et les cris incessants de la foule, qui couvrent presque la voix de Deryck. Mais les sourires sur leurs visages témoignent aussi d’un sentiment de satisfaction certain face à la réussite de la soirée, et plus généralement, de celle d’une relation de presque vingt-cinq ans avec une audience à la loyauté infaillible.
Dire adieu à un artiste de sa jeunesse n’est jamais chose aisée, mais cette dernière rencontre entre Sum 41 et sa “famille” française aurait difficilement pu mieux sceller le lien entre les musiciens et leurs fans. Un contrat d’un soir parfaitement rempli par les deux parties, où la célébration et l’euphorie punk ont triomphé de la tristesse d’un au revoir.