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SYSTEM OF A DOWN @ Ziggo Dome – AMSTERDAM (17/04/15)

C’est devenu presqu’habituel depuis cinq ans, et pourtant c’est toujours un événement majeur : lorsque System Of A Down annonce une tournée européenne, tout le monde se prend à rêver qu’un nouvel album fera suite à cette reformation ponctuelle (ponctuelle tous les deux ans tout de même). Cette année, il ne s’agit pas vraiment de futur, mais plutôt du passé. Année du centenaire du génocide arménien, ce “Wake Up The Souls Tour” donnerait presqu’à penser que la musique n’est qu’un prétexte pour le groupe des quatre Californiens pour parcourir le monde afin de prêcher la bonne parole : le génocide arménien n’est pas encore une évidence pour tout le monde et l’on doit continuer de se battre pour que ceci change.

Setlist monstrueuse, salles remplies, pas de première partie, on savait d’ores et déjà ce qui nous attendait : SOAD allait offrir une tournée sans concession. Car pour toucher les coeurs, il faut donner de sa personne (et ne pas offrir un spectacle un peu paresseux comme ce fut le cas il y a deux ans à Rock En Seine). Rendez-vous donc à Amsterdam dans ce très joli Ziggo Dome (il était temps de refaire Bercy, car le reste de l’Europe ne nous a pas attendu pour offrir des salles de spectacles dignes de ce nom).

Dans la fosse, on retrouve des Hollandais bien sûr, mais aussi beaucoup de Belges, quelques groupes de Français et quelques Espagnols parsemés par-ci par-là. A ce rythme d’une date par pays en Europe, les déplacements furent parfois nécessaires pour assister à cette célébration, à cette fantastique réunion. Ainsi, lorsque les lumières s’éteignent et que trois écrans géants diffusent la première partie d’un mini documentaire relatant le génocide arménien, la formation aurait pu faire le choix de traduire le propos dans la langue maternelle du pays accueillant le concert. Mais choisir l’anglais permet surtout à ces fosses, composées de multiples nationalités, de comprendre le propos quoiqu’il en soit.

Le quatuor arrive discrètement sur scène, sans artifice comme à son habitude et entame un “Holy Mountains” lourd de sens après une telle entrée en matière. Si la chanson est l’une des meilleures composées par la bande d’origine arménienne, la fosse n’offre d’abord pas la guerre annoncée. Des poings en l’air scandant les “freedom” du refrain, une cohésion déjà palpable entre le combo et son public, mais pas de débordements. Calme de courte durée, “Jet Pilots” vient anéantir cette torpeur et lance un concert endiablé. Car les personnes présentes dans les gradins nous l’ont confirmé, le spectacle proposé par la fosse ce soir était impressionnant à voir. Jusqu’à sept circle pits pouvant se former en même temps, des stage diving incessants, des groupes entiers de fans hurlant les paroles, bras dessus-bras dessous. La vie, la vraie. A peine le temps de se remettre de s’époumoner sur “Prison Song” que “U-Fig” arrive pour l’une des premières fois dans les oreilles en live. SOAD accentue sa setlist vers les passages les plus semblables à la musique traditionnelle orientale et “U-Fig” en fait partie avec son pont tout en nuances. Car si System of a Down sait envoyer le pâté comme “Bubbles” et “CUBErt” savent nous le montrer, ou encore la doublette magique “Needles” / “Deer Dance”, le groupe sait également la jouer fine sur “Hypnotize” et le magnifique pont de “Dreaming”, joué dans sa configuration la plus simple, mais magnifiquement interprété par la voix si singulière de Daron. Visuellement, les musiciens sont égaux à eux-mêmes. Beaucoup décroche de System lorsqu’ils se confrontent aux prestations scéniques. Ce serait de mauvaise foi que de ne pas admettre que les membres ne se foulent pas. Habillés de noir, sans décors ni mise en scène. Non, pour le divertissement visuel, s’en remettre aux mimiques et aux pitreries de Daron, au sourire de Serj, à l’austérité quasi caricaturale de John et à la cool-attitude de Shavo. Balancer un “P.L.U.C.K.” tellement logique après la deuxième partie du documentaire est extrêmement émouvant. Si l’ensemble de l’assemblée semble peu sensible à ces interludes historiques et éducatives, il l’est beaucoup plus lorsqu’il s’agit de retourner le Ziggo Dome. Cette deuxième partie, c’est d’ailleurs un peu le passage où la setlist écrase tout. Des tubes intergalactiques que sont “Psycho”, “Chop Suey”, aux brûlots “Bounce” ou “Kill Rock N Roll”, en passant par l’inédite “Marmalade” trop peu souvent entendue, il n’est pas improbable de ressentir un coup de mou lorsque System enchaine “Lost In Hollywood”, “Spiders” et “Mr. Jack”, soit les trois ballades (si on peut appeler ça des ballades). Magnifiquement interprétées, “Lost in Hollywood” et “Spiders” font passer des frissons sur les 30 000 bras présents ce soir, alors que “Mr. Jack” orientalise encore plus le propos et le rend encore plus radical, majeurs tendus sur le dernier refrain. C’est une fin de set en roue libre que nous propose SOAD : entre les pitreries de Daron qui n’hésite pas à qualifier “War?” de “easy going song”, ou encore ce même guitariste fou qui, à défaut d’éviter les pains, n’évite pas le soutien gorge qu’on lui envoie et ne se gêne pas pour le porter avec la sensualité qu’on lui connait pour le plus plaisir (désespoir ?) de Serj. Seulement, le premières notes de “Roulette” déclenche l’hystérie dans la fosse. Pas le moment de pogoter, mais celui où tout le monde s’égosille sur “a beautiful song for a beautiful girl”. Efficace. Terriblement émouvant surtout. Le temps de prendre part à ce gigantesque circle pit, déclenché par le quartette lors de “Toxicity” puis de se prendre les derniers coups dispensés par une fosse qui a tenu ses engagements ce soir sur “Sugar” qu’il est déjà le temps pour System Of A Down de quitter la scène.

Inutile d’attendre un rappel, après deux heures de concert et trente-huit chansons jouées, c’en est presque insultant. Non, il ne nous reste qu’à ranger les souvenirs d’une soirée encore une fois magnifique en compagnie des quatre américains d’origine arménienne tout en gardant dans un coin de sa tête que leur démarche n’est pas vaine et que depuis vingt ans, ils font bouger les choses. Il y a quelques jours, ils étaient pour la première fois en terres arméniennes, la veille de la célébration du centenaire du génocide, pour un concert gratuit sur la place principale d’Erevan, capitale du petit pays du Caucase. Et si le gouvernement arménien a autorisé ce concert à une telle période, c’est tout un symbole prouvant l’impact qu’a eu SOAD sur les mentalités actuelles. Les portes drapeaux du metal actuel se transforment petit à petit en porte voix d’une population toute entière en mal de reconnaissance d’un fait historique dramatique, aux impacts monumentaux sur l’histoire de ce monde. Espérons qu’un jour les quatre musiciens pourront se reposer et contempler un monde un peu meilleur auquel ils auront grandement contribué.

Setlist :

Wake Up The Souls – Part 1
Holy Mountains
Jet Pilot
Suite-Pee
Prison Song
U-Fig
Aerials
Soldier Side – Intro
B.Y.O.B.
I-E-A-I-A-I-O
Radio/Video
Bubbles
CUBErt
Hypnotize
Dreaming
Needles
Deer Dance
Wake Up The Souls – Part 2
P.L.U.C.K.
Sartarabad
Psycho
Chop Suey!
Lonely Day
Question!
Bounce
Kill Rock ‘N Roll
Marmalade
Lost in Hollywood
Spiders
Mr. Jack
Wake Up The Souls – Part 3
Science
Chic ‘N’ Stu
War?
Arto
Cigaro
Roulette
Toxicity
Sugar

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN