Annulation, report, changement de salle, le retour de The 1975 dans la capitale fut une route semée d’embûches. Mais finalement, en ce dernier jour de printemps, la célèbre devanture de l’Olympia affiche pour la deuxième fois le nom du groupe de Matty Healy, à l’occasion d’un concert aussi réussi qu’attendu.
Faute à une date mal choisie ou à manque de visibilité en France, la salle est loin d’être remplie peu avant 20h. Mais peu importe, les fans se pressent depuis le début de la journée et à l’intérieur, l’ambiance est électrique. Venu accompagné de la pop aérienne et délicate de The Japanese House lors du premier Olympia, The 1975 choisit pour cette date un groupe au son plus proche du sien, PALE WAVES. Trop proche même. Si vous étiez trop petit pour voir la scène ou occupé sur votre portable, les chances sont fortes que vous ayez cru être passés directement à la case headliner. Seul indice : la voix féminine de la chanteuse Heather Baron-Gracie. Mais le reste, indie pop coloré au pastel ? Check. Riff funky ? Check. Mélodies atmosphériques ? Check. La formation joue des compositions intéressantes (le single “There’s A Honey” et sa touche goth, produit d’ailleurs par Matty Healy et George Daniel), mais la ressemblance flagrante impose une comparaison forcément désavantageuse pour le jeune groupe de Manchester.
Si le public n’était pas passionné jusque-là, l’ambiance devient électrique quand la playlist d’attente s’atténue au profit d’un son sourd et continu. Les projecteurs instaurent une ambiance glaciale en éclairant la salle de blanc. Des cris stridents retentissent. Les rectangles lumineux suspendus au dessus de la scène se réveillent et vibrent du rose électrique de rigueur. En guise d’introduction, le morceau “The 1975” résonne. Cette atmosphère oppressante culmine en une explosion de rose quand les quatre membres de THE 1975 et leurs deux musiciens additionnels surgissent pour entamer le fun et dansant “Love Me”. Pour Matty Healy, manteau long et mitaines noires, casquette sur la tête et grimpé sur des talons, c’est l’heure de sortir son meilleur déhanché. “UGH!”, “Heart Out”, les tubes pop s’enchaînent, transformant le plancher de l’Olympia en piste de danse et karaoké géant. Que ce soit sur les tubes planétaires ou sur d’anciennes faces-B, l’assemblée reprend en choeur chaque parole, entamant même un chant de “Joyeux Anniversaire” en l’honneur du guitariste Adam Hann.
Les quatre tours d’écrans posées sur scène se déguisent en buildings scintillants, en eau tumultueuse ou revêtent des couleurs pastel. La scénographie, tout simplement bluffante, porte intelligemment aussi bien les morceaux de “I Like It When You Sleep, For You Are So Beautiful Yet So Unaware Of It” (2016) que ceux de “The 1975” (2013). Rose strident sur les récentes “She’s American” et “Paris”, couleurs plus sobres pour les pistes aériennes à l’image de “You” ou “A Change Of Heart”, des instants en suspens s’intercalent entre des moments d’euphorie générale. Malgré sa stature de groupe majeur de la scène pop, The 1975 ne se laisse dicter aucun code et s’autorise de longs moments d’expérimentation (“An Encounter”, “I Like It When You Sleep, For You Are So Beautiful Yet So Unaware Of It”).
Habitué aux arènes dans son pays, Matty Healy se réjouit de jouer dans une salle intimiste. Aussi vulnérable sur l’émouvante “fallingforyou” que joueur sur “Love Me”, le chanteur fait le show avec autodérision et sincérité. Verre dans une main, clope dans l’autre, il s’excuse de sa voix traînante de ne pas parler français, passe sa cigarette à quelqu’un du public. Abandonnant sa nonchalance, le leader tient également un discours plus politique, abordant les attentats, qualifiant les salles de concerts de sanctuaires pour la liberté d’expression et encourageant à dialoguer avec des avis opposés aux siens. Un appel à la tolérance en parfaite introduction de “Loving Someone”, sublimé par l’un des éclairages les plus réussis de la soirée, dressant comme un voile lumineux aux couleurs du drapeau LGBTQ. Ayant gardé ses tubes pour la fin, The 1975 enchaîne “Robbers” / “Girls” / “Sex”/ “Chocolate” dans un savoureux throwback à l’insouciance de son premier album. Mené d’une main de maître par George Daniel, la tonique “The Sound” fait rebondir une dernière fois un Olympia extatique qui, pendant 1h30 a été embarquée dans un moment hors du temps.
A la vu de ce concert triomphal, on peut se demander ce qui pourrait bien arrêter The 1975 dans sa conquête du monde de la pop. Magnifiée par une scénographie aussi travaillée qu’élégante, la formation de Manchester se démarque par son talent incomparable pour mêler hymnes pop et moments suspendus avec maîtrise et sincérité.
Setlist :
The 1975
Love Me
UGH!
Heart Out
A Change Of Heart
An Encounter
Paris
You
I Like It When You Sleep, For You Are So Beautiful Yet So Unaware Of It
Loving Someone
She’s American
Please Be Naked
Somebody Else
fallingforyou
Robbers
Girls
Sex
—-
If I Believe You
Chocolate
The Sound