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THE BREEDERS @ La Cigale (09/07/24)

Après un passage aux Eurockéennes De Belfort durant sa tournée européenne, The Breeders ne manque jamais une occasion d’investir la capitale. Ici pour célébrer tardivement les trente ans de l’album Last Splash, il est normal d’avoir hâte de se faire éclabousser par la musique revigorante du quatuor.

Night of joy

En ce mardi soir, toutes les terrasses du boulevard Rochechouart sont occupées par les amateurs et amatrices de football. Toutes ? Non ! Un bar résiste encore et toujours à la fièvre du ballon rond. À La Cantine de La Cigale, les maillots sont remplacés par les T-shirts de groupes. En dépit d’une journée avec la météo le cul entre deux chaises, les rayons du soleil bénissent enfin celles et ceux qui ont répondu à l’appel du rock alternatif. Vu les semaines éreintantes des élections, il est temps de souffler brièvement avant de reprendre nos luttes.

The second coming

Et quoi de mieux qu’un concert pour apaiser l’esprit ? La Cigale affiche complet pour les compères de l’Ohio. Bien que le public traîne entre le stand de merchandising et les buvettes, c’est une salle presque remplie qui attend la première partie. Une première ou non, car le trio londonien BIG JOANIE remet le couvert après avoir joué avec Bikini Kill le mois dernier à l’Élysée Montmartre.

20h, c’est parti pour une demi-heure de post punk militant dès que les musiciennes entrent sur scène sous les applaudissements. La formation menée avec humilité par la guitariste chanteuse Stephanie Phillips ne mâche ni ses mots, ni ses notes. “Hello, we’re Big Joanie. A black feminist punk band“. Avec une base solide comprenant deux EP et deux albums, la surprise demeure au rendez-vous.

Le départ de la batteuse Chardine Taylor-Stone l’année dernière n’entame en rien la dynamique qui se reconstruit au fil des performances. La bassiste Estella Adeyeri passe de temps à autre à la guitare, et une musicienne les rejoint par moments derrière les fûts. Ce n’est pas officiellement un quatuor, mais il y a des morceaux dont la fidèle boîte à rythmes ne peut retranscrire la puissance. Les interludes explicatifs entre les morceaux engagent une communication avec la foule de plus en plus enthousiaste.

Mais malgré une réception positive et une performance électrisante, la salle au mieux tape du pied et dodeline gentiment de la tête. On peut ressentir la différence avec une moyenne d’âge un peu plus élevée et une audience beaucoup moins activiste. Malgré cela, Big Joanie nous donne envie d’en écouter plus. Les doigts sont croisés pour un successeur à Back Home (2022), et pour les voir en haut de l’affiche.

Les Breeders débridé·e·s

Une demi-heure plus tard, THE BREEDERS débarque nonchalamment sur une scène familière. En effet, La Cigale a été l’écrin d’un concert somptueux durant la tournée de 2008 pour promouvoir Mountain Battles. Une soirée remémorée dans les conversations au comptoir notamment pour sa playlist. Mais inutile d’essayer de comparer les prestations du groupe. Chacune est unique.

Ainsi, “Saints” en ouverture démontre que le disque ne sera ni dans l’ordre ni en intégralité comme cela avait été le cas au Trianon en 2013. “I like different people. I like sticky everywhere. Look around, I’ll be there.” La voix de Kim Deal fait trembler la salle à l’aide d’une section rythmique imperturbable. Josephine Wiggs, pince-sans-rire au manche de sa basse, nous régale avec Jim MacPherson derrière les fûts. Le tout saupoudré par l’énergie communicative des jumelles Deal. L’ambiance monte d’un cran. La foule scande les paroles. Mais toujours aucun mouvement. La fosse est admirative, les balcons extatiques. Dommage pour une salle qui offre une certaine proximité avec les groupes. Mais pas inhabituel avec le public de la formation.

Deal with it

Mais cela n’empêche en rien The Breeders de montrer sa joie de revenir à Paris. Et que ça se marre dès la première fausse note ! Et que ça demande comment on dit ceci en français ! Et qu’est-ce que ça fait du bien ! C’est proche de la répétition de garage dans l’ambiance, mais tout de même avec cette habileté à se rattraper au moindre pain. On tape du pied sur “Doe”. On se déhanche sur “Safari” et ses déferlements saturés. On commence à se fatiguer la nuque sur le final de “No Aloha”. Un enchaînement de titres magnifiques qui est un parfait exemple du répertoire du quatuor. Seul bémol, toujours si peu de morceaux joués de Title TK, l’album du divorce avec Warner en 2002. Peut-être que l’amertume est toujours présente, alors que ce disque n’a rien à envier à Last Splash musicalement parlant.

Kim Deal se penche sur son deuxième micro. “Cannonball” commence. Les enfants, pour qui la plupart assistent à leur premier concert, crient plus fort que leurs parents. Les générations se rejoignent grâce à une ligne de basse inégalable et une guitare en saccades. Même ceux dont les yeux font des allers-retours entre le match sur leur téléphone portable et la scène se concentrent sur le groupe déchaîné. Contrairement à l’équipe de France, The Breeders ne déçoit jamais. La Cigale saute sur place pour rendre hommage au titre qui, à lui seul, est un véritable doigt d’honneur à Frank Black et à l’industrie musicale.

No bye, no aloha

Quelques morceaux plus tard, les notes de basse de “Gigantic” retentissent comme une offrande à celles et ceux qui ont plus l’habitude de faire tourner les Pixies sur leurs platines. Mais ce serait mal connaître Kim Deal de penser que The Breeders clôture avec une chanson qui n’est pas vraiment la sienne. On tape des mains pour un rappel, et le groupe feint la surprise en remontant sur scène avant d’entamer “Walking With A Killer”. Un choix qui n’a rien d’anodin puisque qu’il s’agit d’une chanson qui a longuement tourné avant de se retrouver sur le dernier disque studio du groupe, All Nerve (2018). Mais après la douceur vient la force de “Divine Hammer” qui clôture une soirée formidable.

Direction le bar pour un dernier verre ou les transports pour regagner ses pénates. Vivre un concert des Breeders est similaire à retrouver un·e ami·e proche dont les chemins se seraient séparés. On ne peut s’empêcher de sourire en repensant aux expériences passées, le regard tourné vers le futur.

The Breeders Setlist La Cigale, Paris, France 2024

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