Les légendaires Stranglers, acteurs de la scène punk anglaise des années 70 et auteurs de standards universels comme “Always The Sun”, “No More Heroes” ou “Golden Brown” fêtent leurs quarante ans de carrière dans la salle toute aussi mythique de l’Olympia. Même si quarante ans de mariage correspondent à des noces d’émeraude, souhaitons-leur tout le bonheur pour ce “Ruby Tour 1974-2014”.
La soirée démarre à 20h avec THE TANKS, formation rock toulousaine qui sonne comme un groupe anglais. En veste marron ajustée, Damien le chanteur a un petit look de Buddy Holly. Son et look rétros pour des chansons en anglais ou en français, propulsées par une grosse rythmique de basse et batterie à l’ancienne, sur laquelle le dandy sans chaussettes donne de la voix jusqu’à 20h30.
Alors que le public savoure ses “vingt minutes d’entracte offertes par l’Olympia”, certains en profitent pour remarquer l’inscription portée sur les claviers de Dave Greenfield “NO FROM AGE, NO CONCERT!”, un jeu de mot sur la longévité du groupe et sur une spécialité typiquement française.
21h : au son de “Waltzinblack”, quatre écrans encadrés de dorures font défiler un flot d’inscriptions vertes parmi lesquelles on peut lire “Behold Paris”; bruit d’interférences magnétiques, quatre silhouettes apparaissent avant de s’évanouir sous les éclairs. Sur cette introduction parfaitement orchestrée, THE STRANGLERS entrent en scène. Ils entament avec la longue intro de “Toiler On The Sea” où Jean-Jacques Burnel fait claquer de gros sons de ses quatre cordes dans un de ses déplacements caractéristiques : talon/pointe/lever de genou. Ian Barnard remplace Jet Black à la batterie, ce n’est pas la première fois, et Burnel s’en expliquera plus tard : “Jet Black n’est pas là parce qu’il s’est trop amusé cette nuit” (!). Chaussés de Docs et vêtus de noir, le quatuor déroule avec l’assurance du métier un mélange de tubes planétaires et d’extraits de leurs albums, toujours supportés par des images spécialement préparées, des clips, des extraits de vieux films ou du live : des photos de fans pour “No More Heroes”, Burnel en bagnard sur “Was It You”, le clip hypnotisant de “La Folie”, des vagues sur les bruits d’océan de “Skin Deep”, ou un striptease de pépées 70’s sur “Nice ‘N Sleazy”. Avec son léger accent, le bassiste d’origine française souhaite la bienvenue à leur quarantième anniversaire, et alors que survient un petit problème technique qui stoppe le show quelques instants, il assure que c’est “pour vous prouver que c’est live !” et “il y a quarante ans ça pétait tout le temps” ! Les gars se partagent le tour de chant : “Midnight Summer Dream” avec panthère sur les écrans et guitare électro acoustique pour Baz Warne, “Was It You” pour Burnel, tandis que “Peasant In The Big Shitty” est interprété façon film d’épouvante par Dave Greenfield. Voici la valse de “Golden Brown” où Burnel prend des airs de bad boy juvénile et Baz Warne, le “nouveau”, (si on exclut Ian le batteur intérimaire) s’avance pour son solo sous les acclamations viriles de la foule. Sous des images de satellites et de soleil, “Always The Sun” est repris à l’unisson par la foule qui s’amuse même à reproduire le son de clavier après le gimmick aigu de la guitare. Blagueur, Burnel exécute des pas disco sur “Thrown Away”, tandis que résonnent les notes de clavier acides et caractéristiques, souvent comparées à celles de The Doors. Voilà le new wave et très réussi “Never To Look Back”, illustré d’images de jeunesse et conclu par la vision troublante des membres du groupe pendus au bout d’une corde, comme sur l’album “Giants” (2012).
Courte sortie de scène à 22h40 après “Hanging Around”, alors que sur les écrans un grand “40” se découpe sur une silhouette de rat. Retour deux minutes plus tard avec le sombre “Norfolk Coast” et ses images de mélancolie désespérée. Mais “Something Better Change”, alors changement de ton avec un très long solo de batterie de Ian devant les airs hilares de ses comparses, qui le libèrent en concluant d’un grand “CHANGE!”. Une chaussure atterrit sur scène, la saisissant, Burnel demande : “Mesdames et messieurs nous cherchons une personne avec une jambe… droite” avant de la relancer. Manquant sa cible, il s’excusera “comme l’équipe de France de rugby”; par miracle, la chaussure finira quand même par retrouver son propriétaire. Nouvelle sortie de scène et retour rapide à 22h55 : “Maintenant nous allons faire un peu de bruit !” et ce sera avec “Tank”. C’est terminé, Burnel descend faire la bise à une petite dame à lunettes au premier rang. Il est 23h, les pochettes des disques défilent toujours sur les écrans, mais les lumières se sont rallumées.
Une tournée sur fond de célébration, saupoudrée d’un air de fête foraine, d’un soupçon de noirceur, et d’un nuage de virilité. Si les bad boys notoires se sont assagis, ils ne se sont pas délestés de leur énergie scénique. Une soirée certes étoilée de tubes, mais pas plus qu’habituellement. En revanche, l’habillage de la fête, notamment grâce aux projections et à la mise en scène offrait un plus à ce concert délivré avec un savoir-faire évident. Ce soir, les Stranglers ont prouvé qu’ils appartenaient à l’histoire, mais qu’ils tenaient encore le devant de la scène.
Setlist :
Toiler On The Sea
No More Heroes
Was It You?
Threatened
Summat Outanowt
Peasant In The Big Shitty
Peaches
La Folie
Midnight Summer Dream
Golden Brown
Always The Sun
Thrown Away
Never To Look Back
Nuclear Device
Skin Deep
Time To Die
Lowlands
Nice ‘N’ Sleazy
Walk On By
Freedom Is Insane
Duchess
5 Minutes
Hanging Around
—-
Norfolk Coast
Something Better Change
All Day And All Of The Night
—-
Tank