Déjà trois ans après la sortie de son dernier album à succès GLOW ON, et un an après avoir enflammé Rock En Seine, le groupe américain punk rock Turnstile est de retour à Paris dans un Olympia bouillant, où il a confirmé sa réputation de bête de scène amplement méritée.
Speed
L’Olympia n’a pas attendu Turnstile pour complètement se retourner. En même temps, SPEED est le pari gagnant pour chauffer la salle comme il se doit. À la première note de guitare, sans même attendre le drop, la fosse est déjà sens dessus dessous, le trou béant en plein milieu servant de scène aux gesticulations les plus sauvages.
Les cinq Australiens livrent trente minutes d’énergie pure, enchaînant des chansons courtes composées systématiquement d’un chant hurlé et guttural, de breakdowns incessants et de riffs rappelant la lourdeur de ceux de Turnstile. Pour une première partie, la fosse est particulièrement connaisseuse, confirmant le lien entre les deux groupes de hardcore – la musique de Speed étant encore plus radicale dans son acharnement et sa violence punk.
Multi-instrumentistes, le bassiste, le chanteur et l’un des deux guitaristes intervertissent parfois leurs rôles, tous aussi bons les uns que les autres pour communiquer leur joyeuse rage au public. Ils s’adonnent même à quelques mouvements mimétiques à ceux de la fosse, comme s’ils étaient eux-mêmes plongés en plein mosh-pit – mosh-pit qu’ils auraient visiblement adoré rejoindre. À noter, la surprenante utilisation d’une flûte traversière en fin de concert par Jem Siow, le chanteur principal. Celui-ci vient visiter les fans installés à la barrière à plusieurs reprises, pour le grand bonheur des adeptes du crowdsurf, qui demandent toute l’attention et la patience des vigiles. Le groupe remercie l’Olympia maintes fois, visiblement ému d’avoir convaincu aussi vite et bien une salle aussi grande – dont une partie était vraisemblablement conquise d’avance. Bref, une explosion de brutalité sonore et physique délivrée avec des sourires éclatants et une bonne humeur contagieuse.
Turnstile renversant
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’énergie ne retombe pas avec l’arrivée de la tête d’affiche sur scène, peu après 21h. En studio comme en live, les cinq musiciens de TURNSTILE démontrent qu’ils sont les rois de la fusion entre groove et hardcore. Dès leur entrée, et jusqu’à leur toute dernière seconde sur scène, la fosse entière se transforme en une sorte de houle emportant tout sur son passage (verres de bière parfois encore remplis, lunettes, téléphones brandis), laissant même quelques lèvres ensanglantées et futurs bleus à découvrir avec un sourire d’amusement le lendemain matin.
En même temps, Turnstile ne laisse pas le temps à son public de se (re)mettre en jambes. Après une intro instrumentale ambiante diffusée en fond, les musiciens lancent les hostilités en démarrant le set avec la très nerveuse “T.L.C. (Turnstile Love Connection)”, déchaînant les passions les plus agitées de leurs fans. À ce moment précis, on espère que les agoraphobes sont en gradins, car l’état de compression de la fosse est tel qu’il est à peine possible de ranger son téléphone dans son sac. Il faut soit s’écarter suffisamment pour se retrouver au fond de la salle, soit accepter de subir les vagues successives de balancement droite/gauche et avant/arrière de cette joyeuse et suante cohue humaine. Déchaînement dont Turnstile a l’habitude, eux qui retournent des audiences entières aux quatre coins du monde.
En un peu plus d’une heure, sans rappel, Turnstile a surtout mis à l’honneur les pépites de son dernier album, GLOW ON (2021). De Time & Space (2018), sont jouées “Real Thing”, “Big Smile” et “I Don’t Wanna Be Blind” (sans doute les trois meilleures du disque), tandis que “Drop”, “Blue by You” et “Fazed Out” (Nonstop Feeling, 2016) ont droit à une place dans la setlist. En tout cas, anciennes comme “nouvelles” chansons, toutes sans exception, suscitent une excitation incontrôlable, corporelle et sonore, puisque rares sont ceux qui n’hurlent pas les paroles des refrains de “T.L.C. (Turnstile Love Connection)”, de “Fazed Out” ou de “WILD WRLD”. La salle entière se plonge dans un état de catharsis total. Turnstile propose quand même quelques passages plus légers, avec “UNDERWATER BOI”, “Blue By You” et “ALIEN LOVE CALL” (avec Blood Orange), le tout complété par plusieurs interludes lumières éteintes, créant une atmosphère presque mystique avant la reprise des hostilités. Enfin, le batteur Daniel Fang nous gratifie d’un solo de batterie progressif et déjanté à la fin de “FLY AGAIN”, nous éclaboussant de son talent si essentiel à la qualité du punk de Turnstile (mention spéciale pour la très dansante partie de batterie de “WILD WRLD”).
Turnstile enchaîne les morceaux les plus heavy de sa discographie, parsemés de breakdowns et de riffs saccageurs (les fins de “Fazed Out” et de “BLACKOUT”; l’épique “Real Thing”), et ses grooves les plus enivrants (“ENDLESS”, “I Don’t Wanna Be Blind”, “DON’T PLAY” dont la batterie au rythme reggaeton nous transporte dans un univers encore différent). Ce sont les chansons qui allient le mieux les deux facettes du hardcore dansant de Turnstile qui retiennent le plus notre attention : “WILD WRLD”, ou la clôture “HOLIDAY”, dont l’intensité et la lourdeur ne sont que trop bien soulignées en live.
Turnstile a démontré, une fois de plus, qu’il mérite sa position incontournable dans la scène punk hardcore actuelle, réputation qui se conquiert notamment en concert. Au-delà de son explosivité live, on se languit des prochaines sorties, qu’on espère aussi addictives !