C’est dans la chaleureuse et intimiste enceinte du Café De La Danse que Le Fair nous donne rendez-vous pour sa Fair Party #2, réunissant deux des nouvelles figures d’une scène française florissante, We Are Match et Radio Elvis. Retour sur une soirée réjouissante et délicieuse, placée sous le signe du talent brut.
Soutenu par la presse rock, RADIO ELVIS ne serait rien si son premier EP “Juste Avant la Ruée” n’offrait quatre pastilles poétiques, envoûtantes et conquérantes, mêlant rock et chanson française, avec un soupçon d’ardeur juvénile. L’auditoire en est conscient, et a, par conséquent, largement répondu présent dès 20h pour accueillir comme il se doit le trio montant, composé de Pierre (chant/guitare), Manu (basse) et Colin (batterie/synthé). Minimaliste dans les arrangements néanmoins prenants et très bien équilibrés, la bande séduit un public sage et attentif avec des titres percutants comme “La Traversée”, “Demande A La Poussière” ou encore “Le Continent”. La communication avec l’assemblée se limite à quelques mots timides entre les chansons qui s’enchaînent, toujours avec maîtrise et puissance, comme une manière d’initier les spectateurs au voyage et les faire embarquer pour une aventure humaine par la seule force des paroles. Le set se veut homogène, la majorité de l’auditorium (car il faut bien quelques non-adeptes) absorbée par les textes mis en valeur par les percussions et cordes vibrantes bien dosées. Radio Elvis prend, en effet, part à cette nouvelle vague d’artistes de l’Hexagone bien décidés à réactualiser l’écriture de textes dans sa langue natale trop longtemps boudée, tout en administrant à un univers musical bien établi une touche contemporaine rafraîchissante. Une relecture moderne des classiques ? Pas seulement. Tout est écrit de main de maître, entre odyssée acharnée et exploration introspective où l’auteur laisse son esprit créatif divaguer à loisir et nourrit le tout de références qui lui sont propres. Côté prestance scénique, une certaine amplitude se dégage de la part du groupe qui ne cesse de s’améliorer de date en date et qui reprendra même “Haiti” d’Arcade Fire et “Cargo De Nuit” d’Axel Bauer avec une sensibilité neuve, semblant prendre autant de plaisir à jouer ses propres compositions qu’à emprunter et réinventer celles des autres. Il semble que la relève soit désormais à chercher du côté de ce groupe lettré, battant, élégant et plus que prometteur.
21h30. Place désormais à la tête d’affiche de cette fête du Fair : WE ARE MATCH et sa pop méticuleuse. Backdrop numérique à l’image de cinq chats recouvrant le grand mur de briques du Café et panoplie instrumentale sur scène, le quintette débarque sous les applaudissements et débute directement la soirée avec “Over The Sea” et “Old Chimneys”, deux nouveaux morceaux tirés du premier album à paraître, succédant à l’EP “Relizane” ayant révélé la bande. Très vite, on se laisse happer par des mélodies parfaitement calibrées, amplifiée par la voix enchanteresse et atypique de François, accompagnés par Aurélien et Gwenaël aux claviers, Simon à la guitare et Jim à la batterie. Les cinq musiciens s’activent sans économie dans une cohésion visuellement spectaculaire et un plaisir physique palpable, monnayant richesse d’arrangements magiques et joie communicative. La dynamique devient splendide à l’arrivée de “Animals”, tandis que “Mohawk” démontrera que We Are Match ne sont ni plus ni moins que des brillants façonneurs de paysages sonores, ajoutant au triptyque guitares/claviers/batterie des sonorités plus extravagantes (trompette, maracas, tambourin etc) tout au long du concert. Si la bande souhaitait nous mettre l’eau à la bouche avec la multitude de nouvelles pistes présentes sur la setlist, le pari est gagné. Les chansons se veulent contrastées, sincères et habitées, pour un effort qui, on l’espère, sera encore meilleur que “Relizane”. Le public se veut encourageant et volontairement bruyant, et si les visages des compères sont dénués d’un potentiel trac, cette chose désuète nommée émotion est en revanche bien là. La formation tente tant bien que mal de trouver les mots pour remercier la foule à plusieurs reprises, touchée par l’affection donnée en retour de quelques compositions. La soirée atteindra son paroxysme dès l’annonce de “Violet”, véritable tube à la mélodie des plus accrocheuses sur laquelle l’audience semble autant s’amuser que les jeunes hommes sur scène. S’en suit la très fraîchement sortie “Speaking Machines”, encore plus percutante et entraînante en live qu’en version studio. C’est là que We Are Match affine le style qui lui convient et atteint la grâce majeure, celle de la communion poussant les âmes individuelles vers la transe collective. Mais toute bonne chose a une fin : il est déjà l’heure pour les cinq colocataires de s’éclipser puis revenir pour le rappel, comme le veut la tradition. Ce sera la douce “Radical”, interprétée à cœur ouvert, puis la détonante “Dying Kings” qui auront la tâche de clôturer une heure de set comme on voudrait en voir plus souvent.
Prenez deux des groupes les plus prometteurs et placez leurs noms sur le même line up, voilà la recette pour s’assurer de mettre en place une soirée des plus attrayantes. Mais le plus gros du travail reste à faire : convaincre l’auditoire et les professionnels ayant assez cru en vous pour vous soutenir et vous accompagner. Défi relevé pour Radio Elvis et We Are Match (petit bonus pour leur prestation étonnante), aux univers musicaux pourtant presque diamétralement opposés, qui ont, par leurs performances énergiques et authentiques, fait de cette soirée attendue une réussite, sans en faire trop ni pas assez. L’avenir leur appartient, à priori. Merci Le Fair !
Setlist :
Over The Sea
Old Chimneys
Animals
Shores
Mohawk
The Shark
L’Avenue
Violet
Speaking Machines
Older Colder
—-
Radical
Dying Kings