C’est sous le soleil, au milieu des prairies du Bois de Vincennes, que des milliers de festivaliers se sont retrouvés en ce début de juin. Pour sa dixième édition, We Love Green mise toujours sur un cocktail de concerts rock, indie, pop, de DJ sets frénétiques et de conférences.
Comme chaque année, dès que le festival installe ses enceintes et ses scènes dans le Bois de Vincennes, on peut facilement repérer les festivaliers dès le métro. Lunettes de soleil, paillettes sur le visage ou les bras (ou même ailleurs), etc. Ensuite, il y a le trajet jusqu’à la plaine où se déroule We Love Green. Du Château de Vincennes, à travers les allées ombragées et rafraîchissantes du bois, jusqu’à l’entrée principale. Les sons et les odeurs rappellent les éditions précédentes et on se demande quel sera le bilan de cette année 2023.
Et justement, la première constatation qui fait plaisir, c’est que la météo est très clémente. Pas d’orage à l’horizon pour gâcher la fête de près de 40 000 festivaliers, comme ce fut le cas le samedi de l’année précédente. Les températures et le soleil rayonnant rappellent même l’édition de 2019, peut-être un peu moins étouffante.
VENDREDI 02 JUIN
Juste devant l’entrée du festival se trouve la scène de La Canopée, la plus petite des trois scènes du festival. À gauche, se trouve la grande scène appelée La Prairie, tandis qu’au fond à droite se trouve La Clairière, un grand chapiteau situé après le food court (les stands de restauration).
JOCKSTRAP
Justement, le show de JOCKSTRAP vient de commencer à La Canopée. Ce duo aux influences hétéroclites et variées est principalement mené par Georgia Ellery, qui est surtout connue pour sa participation au collectif Black Country, New Road. Cependant, cette fois-ci, il n’y a ni art rock, ni post rock. En fait, il n’y a pas du tout de rock. Aux côtés de son compère aux synthés, la jeune femme distille une électro perchée et dynamique. Vêtue d’une combinaison dorée étincelante, Ellery sautille avec une énergie contagieuse le long de la scène. Bien que la foule devant la scène ne soit pas très nombreuse, les premiers rangs sont occupés par des fans enthousiastes qui connaissent bien le parcours musical de la musicienne. À chaque fois qu’elle sort son violon, des acclamations retentissent. Une excellente introduction pour ce vendredi soir.
NXWORRIES
Quelques minutes après la fin du set, c’est au tour de NXWORRIES d’investir la scène de La Prairie. Ce “super duo” composé d’Anderson .Paak et du producteur Knxwledge navigue, quant à lui, dans les eaux suaves de la soul et du RnB. Anderson .Paak, arborant un chapeau à poils indescriptible mais inratable, n’hésite pas à haranguer la foule massée devant la grande scène. Sa voix suave et son déhanché lascif donnent l’impression qu’il plane littéralement sur la scène. Quant au public, il en profite pleinement. Et comme si cela ne suffisait pas, l’un des moments les plus mémorables du week-end survient lorsque des festivaliers sont invités à rejoindre l’artiste sur scène pour danser. On aurait presque souhaité faire partie de cette troupe.
SURF CURSE
De retour sur la scène de La Canopée, c’est au tour de SURF CURSE de se présenter devant le public. Originaire du Nevada, ce groupe présente une particularité assez rare : c’est le batteur qui assure la majorité des parties chantées. Et c’est avec toute la nonchalance que l’on pouvait attendre d’une formation de surf rock que les quatre musiciens entament leur set.
Leur performance est entrecoupée à plusieurs reprises par des remarques effrontées de la part de Nick Rattigan, comme “Désolé, j’ai cassé quelque chose“. Heureusement, à part quelques instants de silence, qu’il n’hésite pas à combler (au contraire), leur prestation est solide et pleine d’énergie. Lorsqu’ils jouent “Freak”, une chanson qui les a propulsés à la popularité grâce à TikTok, le public semble plus engagé dans la performance des Américains. On perçoit même une pointe de déception lorsque le moment arrive pour le groupe de quitter la scène, à la fois pour eux et pour l’auditoire.
ORELSAN
Il est un peu plus de 22h15. La nuit est tombée et une foule massive se rassemble devant la grande scène du festival. La tête d’affiche de ce soir a forcément de quoi attirer. Après quelques minutes de retard, les lumières se coupent enfin. Et lorsque ORELSAN, accompagné de ses musiciens, entre en scène, c’est comme si tout le festival explosait de joie.
Les premières notes de “Civilisation” résonnent pour le plus grand plaisir de la foule. Cependant, à peine cinq minutes plus tard, une panne de courant vient gâcher le moment pendant “Du propre”. Un murmure se propage dans le public : et si cela ne s’arrangeait pas ? En attendant, le Normand improvise un bain de foule dans les premiers rangs pour faire chanter le public et terminer la chanson a cappella, avec la participation de plusieurs milliers de personnes.
Heureusement, la fête peut continuer, le courant revient rapidement. Orelsan enchaîne alors différents tubes de ses deux derniers albums tels que “La Pluie”, “Bébéboa”, “Défaite De Famille” ou encore l’incontournable “La Auête”. C’est alors le moment d’une pause vidéoludique. L’artiste invite deux fans du public à s’affronter dans une partie de “Civilisation Fighters“, un hommage appuyé à un célèbre jeu vidéo de combat. Cette proximité avec son public se ressent également dans sa manière de s’adresser à eux, comme si tous les festivaliers réunis ce soir-là faisaient partie de sa bande de potes. Un spectacle à la hauteur de son statut dans le paysage musical français.
SAMEDI 03 JUIN
Deuxième journée dans la plaine du Bois de Vincennes et heureusement, la météo n’a pas changé. Toujours aucun nuage à l’horizon, les souvenirs du déluge de l’année précédente sont donc derrière nous. Pour commencer cette deuxième journée du We Love Green, nous nous dirigeons vers la scène de La Canopée où se produit SAD NIGHT DYNAMITE.
SAD NIGHT DYNAMITE
Ce duo originaire de Glastonbury mélange sans retenue des influences allant du funk au rap et au punk pour créer un cocktail explosif. Cela se ressent dans leur prestation live complètement déchaînée. L’un des deux Britanniques incite même le public à former un circle pit dès le début de leur set pour s’y engouffrer. En plus de l’énergie débordante du duo et de leurs musiciens additionnels, leurs compositions, fortement inspirées par Gorillaz, fonctionnent à merveille et le public devant la scène est complètement en phase avec eux.
LITTLE SIMZ
Sur la scène principale, c’est la sensation londonienne LITTLE SIMZ qui s’apprête à monter sur scène. Arborant un grand sourire, la jeune femme apparaît seule sur le podium, bien que l’on aurait plutôt imaginé la voir accompagnée de musiciens étant donné ses deux derniers albums. Bien que son énergie et sa bonne humeur soient communicatives, la scène semble un peu grande pour elle toute seule. Heureusement, l’artiste est finalement rejointe par un bassiste et un guitariste, apportant ainsi plus de mordant à son set. Ils interprètent notamment une version électrisante de son morceau “Introvert”. Malgré un final réussi et son charisme indéniable, on reste tout de même un peu sur notre faim.
YVES TUMOR
Nous retournons à la scène de La Canopée pour assister au set du prodige américain, YVES TUMOR. Avec un béret vissé sur la tête et les pieds nus sur scène, l’artiste donne l’impression de faire un retour aux années 70 en termes de style. Musicalement aussi, nous restons un peu dans cette époque. Les influences psychédéliques se font sentir à de nombreuses reprises, tant dans le chant d’Yves Tumor que dans les sonorités de guitare explorées par le groupe.
La prestation de l’Américain contraste parfois grandement avec l’énergie électrisante de ses morceaux. Par exemple, on le voit souvent chanter assis en tailleur sur scène. Heureusement, sur le final enflammé du set avec “Kerosene!”, on le voit s’animer un peu plus, se mêlant à la foule puis démolissant le kit de batterie de son batteur. C’est rock n’roll (mais gentil). Bien que la prestation puisse décevoir un peu en termes d’énergie et de visuels, elle est rattrapée par des morceaux et des solos impeccables.
PUSHA T
Nous nous dirigeons enfin vers la grande scène en attendant l’arrivée de Phoenix. Mais avant cela, c’est le rappeur américain PUSHA T qui fait son show. Une foule assez importante se rassemble devant le podium pour son set. Les côtés sont un peu moins pris d’assaut. “King Push” se tient seul sur scène (à l’exception de son DJ/hypeman) et délivre des uppercuts de rap directement, comme il sait si bien le faire, en passant en revue certains des meilleurs moments de sa discographie tels que “Just So You Remember”, “The Games We Play” et bien sûr “When You Know You Know”. Pusha se permet même de reprendre, dans une version raccourcie, l’un des titres phares de son ex-compère Kanye West, “Runaway”, sur lequel il intervient en tant qu’invité.
Rapidement, le spectacle prend des airs de concert de rock avec une ambiance électrisante. L’Américain demande au public, particulièrement enthousiaste, de former des moshpits. Un cercle béant se forme alors au milieu de la prairie du Bois de Vincennes, avant que les corps ne se heurtent. Et il faut avouer que nous n’aurions pas rechigné à les rejoindre.
PHOENIX
Une heure plus tard, nous rejoignons enfin la grande scène. La nuit est tombée et le public est impatient de voir enfin les Versaillais monter sur scène. Le groupe aurait dû être la tête d’affiche du samedi de l’édition précédente. Mais le déluge en a décidé autrement. C’est donc avec une excitation débordante que le public accueille le groupe, qui entame le set avec le méga tube “Lisztomania”, extrait de leur album Wolfgang Amadeus Phoenix (2009). Le public chante et danse, le groupe se déhanche sur scène et Thomas Mars ne reste jamais immobile.
En plus d’une setlist impressionnante, comprenant les singles des différents albums du groupe (avec une majorité de Alpha Zulu (2022) et de Wolfgang Amadeus Phoenix), la scénographie attire l’attention. Les tableaux visuels sont toujours impeccables et bluffants. Ceux qui les avaient déjà vus lors de leur tournée automnale, notamment à l’Olympia, savaient à quoi s’attendre. Les autres n’ont pas été déçus.
En plus de cela, il y a eu l’apparition surprise de Pusha T lors du mashup “If I Ever Feel Better” / “Funky Squaredance” / “All Eyes On Me” et surtout le légendaire bain de foule de Thomas Mars au milieu du public du festival. Un spectacle qui pourrait entrer dans la légende du festival.
DIMANCHE 04 JUIN
Nous voici de retour pour ce dernier jour d’un week-end riche en musique. La bonne nouvelle, c’est que le soleil continue de briller dans le ciel, offrant à cette édition 2023 des conditions idéales. Pour le premier concert de ce dimanche, nous nous dirigeons vers la scène de La Clairière pour retrouver POMME.
POMME
Avant même son entrée en scène, ce qui attire immédiatement l’attention, c’est le décor. Inspiré de la pochette de son album Consolation (2022), il transforme la scène en une sorte de forêt bucolique où les champignons sont rois. Même les costumes de la chanteuse et de ses musiciens arborent de jolis chapeaux champignons. De quoi mettre immédiatement le sourire aux lèvres.
Et ce sourire ne nous quittera pas tout au long de ce set presque intemporel (malgré les sons provenant des autres scènes qui parviennent jusqu’à nos oreilles). La bonne humeur et l’humour un peu décalé de Pomme y sont pour beaucoup, mais surtout ses magnifiques compositions telles que “Nelly”, “Je Ne Sais Pas Danser” et une superbe reprise en solo de sa collaboration avec Aurora, “Everything Matters”. Un beau moment de calme au milieu des sons électro, rock et rap.
CAROLINE POLACHEK (MYD)
Toujours sous le chapiteau de La Clairière, c’était ensuite au tour de CAROLINE POLACHEK de se produire. Malheureusement, le festival a annoncé quelques minutes plus tôt l’annulation de sa venue en raison de sa maladie. C’est donc MYD qui la remplace au pied levé, lui qui avait vu sa prestation annulée à la dernière minute l’année précédente en raison de la pluie. Tout aussi déçu que les spectateurs de l’absence de l’artiste américaine, le Français entame alors un DJ set incroyablement funky. Ainsi, parfois, de mauvaises nouvelles peuvent aussi avoir du bon, car le choix des morceaux fait danser sans relâche la foule venue l’accueillir sous le chapiteau.
BON IVER
Il est presque 20h15. Il est temps de se diriger vers la scène de la prairie, où BON IVER devrait se produire d’une minute à l’autre. Justin Vernon et ses musiciens ne tardent pas à apparaître et à entamer un set d’un peu plus d’une heure. Étonnamment, il n’y a pas foule pour assister au concert de ce multi-instrumentiste américain. Cela peut être compréhensible, car le public de We Love Green semble en général plus attiré par le rap et l’électro pour cette édition.
Pourtant, avec sa musique à mi-chemin entre la folk et l’électro un peu lo-fi, le groupe avait de quoi convaincre. Surtout que Vernon a choisi de jouer principalement des morceaux de ses deux derniers albums, tels que “Faith”, “Hey Ma”, “33 “GOD”” et “715 – CREEKS”. Bien sûr, il n’a pas oublié de jouer l’un de ses titres les plus populaires, qui l’a sans doute aidé à se faire connaître du grand public : l’envoûtant “Skinny Love”. Les festivaliers lui réservent d’ailleurs un accueil bien plus chaleureux, qu’il mérite amplement tout au long de sa performance.
LOMEPAL
Si la foule venue voir Orelsan deux soirs auparavant était massive, que dire alors de celle présente pour LOMEPAL ? Une foule véritablement immense ? Le concert du rappeur parisien était probablement l’un des spectacles les plus attendus de tout le week-end. On aurait dit que tous les festivaliers présents ce soir-là s’étaient rassemblés pour assister à cette performance (même si certains quittent les lieux dès 22h15).
C’est avec “Auburn” puis “50°” que le rappeur ouvre les hostilités. Le public explose immédiatement de joie. La scénographie, sans être révolutionnaire, impressionne par son efficacité. Les morceaux s’enchaînent, passant des moments calmes comme le magnifique “Yeux Disent” à des morceaux beaucoup plus énergiques comme “Bécane”. Les fans sont présents et presque toute l’assemblée chante les paroles comme un seul homme. Lomepal termine finalement son set avec le poignant “Decrescendo”.
Un titre presque approprié pour conclure cette édition 2023 du festival, qui nous a fait vivre une expérience riche en couleurs et en sonorités. Bien que la programmation ne soit pas particulièrement orientée vers le rock, sa diversité éclectique a su plaire au plus grand nombre. Et comme de nombreux artistes l’ont prouvé ce week-end, il n’est plus nécessaire de jouer du “rock” pour en avoir l’attitude. Tant que l’énergie et la générosité se retrouvent dans les performances, c’est ce qui compte le plus au fond.