Il est un peu plus de 19h30 quand les portes de la salle s’ouvrent enfin devant un flot d’adolescents et de jeunes adultes qui patientent depuis plusieurs heures pour la plupart. Et la frénésie des fans est perceptible dans la file d’attente, entre ceux qui se repassent leurs titres préférés sur leur téléphone et les membres de sites de fans qui distribuent des cartons jaunes à brandir pendant le concert. C’est donc un public particulièrement impatient qui s’engouffre dans la petite salle de concert, qui fait le plein pour l’occasion. Pour ceux qui ne connaissent pas la Flèche d’Or, il faut s’imaginer une petite salle avec, d’un coté la scène, en contact direct avec le public, de l’autre coté, un bar et une grande verrière sur le coté. Les plus malins vont directement s’installer du coté de la verrière en prévision de la chaleur qui se dégagera bientôt dans la salle, tandis que les fans de la première heure se groupent devant la scène, salivant déjà devant la batterie de Longineu W. Parsons III, cachée sous un drap.
Après une heure d’attente dans une salle presqu’immédiatement bondée, les membres du groupe australien [Me] prennent place sur la scène pour la première partie. Il fait déjà très chaud, et les deux malheureux ventilateurs installés en haut des piliers de scène ne changent par grand-chose à la situation. Et ce n’est que le début ! A voir arriver ces quatre garcons au look très british, avec petite chemise et mèche en travers du visage, on s’inquiète d’abord de ce que le groupe nous réserve. Heureusement, très vite, les craintes se lèvent et [Me] livre une performance des plus honorables, avec un set solide de 45 minutes comportant huit chansons, pour la plupart extraites de leur premier EP, “Like A Fox”. L’ensemble, qui se définit comme neo rock, a un style vraiment particulier, mix d’influences diverses et variées mêlant Pink Floyd à Coldplay, en passant par Muse ou encore Keane. Mais surtout, impossible de ne pas voir dans leur musique l’énorme influence de Queen, avec leurs compositions à la structure atypique ponctuées de chœurs très présents, façon “Bohemian Rhapsody”. Ça tombe plutôt bien pour eux, ce 5 septembre, Freddie Mercury aurait fêté ses 65 ans, alors l’influence évidente de Queen sur de jeunes groupes comme [Me] résonne comme un hommage vibrant. Et pour tout dire, Luke Ferris (chant), est complètement à l’aise dans ce registre, grâce à l’amplitude vocale impressionnante dont il dispose. Autre bon point pour les [Me], leur interactivité sur scène : presque tous chantent et sont multi-instrumentistes, en témoigne cet instant où le frontman troque guitare et clavier contre la basse de Michael Godde, pendant que ce dernier va assister Mike Rogers à la batterie. Malgré tout, le public ne semble qu’à moitié convaincu par la performance pourtant impressionnante des australiens, peut-être la faute à la chaleur étouffante qui règne dans la salle ou bien au décalage du style de ces derniers par rapport aux headliners. C’est donc un accueil en demi-teinte que reçoit le groupe, qui quitte la scène vers 21h15 pour laisser place aux californiens de Yellowcard.
Vers 22h, le groupe déboule enfin sur scène, sourire aux lèvres, visiblement ravi d’être de retour à Paris. Et dès les premières notes de “For You And Your Denial”, les Yellowcard donnent tout ce qu’ils ont. Les regarder jouer fait tout simplement plaisir à voir, car l’énergie dégagée par l’ensemble est phénoménale et le violoniste Sean Mackin pourrait presque faire le show à lui tout seul, entrainant le public et chantant toutes les paroles en chœur avec lui. On regrettera seulement que sa participation soit par moments plus scénique que réellement musicale. Quoi qu’il en soit, la cohésion renouvelée du groupe saute aux yeux, après les perturbations qui ont menacé un temps son existence. Fort heureusement, les Yellowcard semblent avoir mis cette période sombre derrière eux et en avoir tiré le maximum avec leur nouvel album, “When You’re Through Thinking, Say Yes” paru en mars 2011. L’entrée en scène des californiens déclenche dans la foule un déchainement proche de l’hystérie, qui surprendra même le frontman Ryan Key. Alors que les plus téméraires tentent de conserver leur place au bord de la scène, le mouvement de foule ne tardera pas à en perturber certains, qui iront chercher refuge du coté de la verrière. D’autres se lancent dans du crowdsurfing, et on aura même droit à un mosh pit un peu plus tard dans la soirée, encouragé par Ryan himself. Le groupe va enchainer les tubes pendant près d’une heure et demi, offrant seulement quelques rares occasions au public de souffler un peu. On a un peu l’impression d’assister à un best of ultra concentré du groupe, puisque celui-ci réussit à caser au total dix-sept titres dans la soirée. Enchainant sur “Way Away” et “Breathing”, tirés de “Ocean Avenue” (2003), les californiens montrent qu’ils aiment toujours autant jouer leurs anciens morceaux, pour le plus grand plaisir de tous. Ryan ne manque pas de saluer le public français et d’annoncer déjà un retour prochain de Yellowcard sur le territoire français, en espérant pouvoir jouer cette fois dans une salle climatisée. Il est vrai qu’à ce stade là, groupe comme public fondent sur place, et Ryan avoue qu’en bons “américains gâtés”, ils n’ont pas l’habitude de jouer dans de telles conditions. Néanmoins, l’énergie et la réactivité du public français semblent galvaniser le groupe, qui avoue finalement apprécier cette ambiance un peu suffocante. Dans le public, beaucoup de voix s’élèvent, tantôt pour réclamer un titre ou pour plaisanter avec le groupe. Les Yellowcard jouent le jeu et répondent, souvent avec quelques mots en français (dont le fameux “voulez-vous coucher avec moi ?”). En entamant “With You Around” et “Life Of Leaving Home”, les américains constatent que les fans français ont eu tôt fait de mémoriser les paroles de leurs dernières chansons. Plus tard, tous quittent la scène, sauf Ryan Key, qui présente une version acoustique de “Empty Apartment”, l’occasion de constater que le chanteur n’a rien perdu de ses capacités vocales. S’ensuit “Sing For Me” (sur laquelle le reste du groupe fait son retour), qu’il dédie à sa tante, qui lutte contre un cancer. “Life Of A Salesman”, l’un des titres les plus up beat de la formation, relance la déferlante et aussi bien le groupe que le public se déchainent, avec un solo de guitare lancé par Ryan Mendez et relayé par Ryan Key, qui finit par se débarrasser de son T-shirt, pour le plus grand plaisir du public féminin. Puis le groupe lance la très attendue “Only One”, qui a contribué à son succès mondial en 2003, reprise à l’unisson par l’ensemble de l’audience. Suit “Lights And Sounds”, qui donne l’occasion à Longineu Parsons III de se lancer dans un solo de batterie impressionnant dont lui seul a le secret, sur lequel sortent les autres musiciens. Quelques minutes plus tard, les californiens sont de retour pour un rappel de trois chansons : “Hang You Up”, “Believe” et le culte “Ocean Avenue”, qui donne lieu à un nouveau mouvement de foule et clôt le set de Yellowcard vers 23h30. Tout le monde est épuisé, trempé, mais parfaitement heureux. Le contrat de Yellowcard est rempli.
C’est donc un retour très réussi que fait le groupe californien en France, cinq ans après son passage à la Boule Noire en février 2006. Les Yellowcard ne s’y sont pas trompé, le public était au rendez-vous, et à en juger par leur superbe performance de ce soir, il leur sera fidèle lors de leur prochaine date dans l’Hexagone, le 14 décembre 2011 à la Machine du Moulin Rouge, salle de plus grande capacité qui, on l’espère pour tous, sera climatisée. En tout cas, nous on y sera ! Et si l’on en croit le frontman, un prochain album est déjà prévu, ainsi que de nouvelles dates de tournée, ce qui laisse encore présager d’un bel avenir pour le combo.
Setlist :
For You, And Your Denial
Way Away
Breathing
Fighting
Rough Landing, Holly
Five Becomes Four
With You Around
Life Of Leaving Home
Empty Apartment
Sing For Me
Light Up The Sky
Life Of A Salesman
Only One
Lights And Sounds
—-
Hang You Up
Believe
Ocean Avenue